Vœu adopté par le conseil municipal de Gennevilliers pour l’expérimentation d’un récépissé lors des contrôles d’identité sur notre territoire

Patrice Leclerc
Gennevilliers

Vingt fois plus. C’est la probabilité qu’ont les jeunes hommes entre 18 et 25 ans, considérés comme « noirs » ou « arabes », de subir un contrôle d’identité par rapport au reste de la population française. Le Défenseur des Droits a récemment tiré la sonnette d’alarme, appuyé par des recherches et des enquêtes, toujours plus nombreuses et précises, sur la réalité des contrôles au faciès en France.

         Même constat pour les jeunes de notre commune.

        

         Cette stigmatisation doit cesser, il est urgent d’agir.

         Relayer la proposition de loi pour l’expérimentation d’un récépissé lors des contrôles d’identité, un premier acte posé.

        

         Combien de bouteilles à la mer auront lancé les associations, les collectifs et les citoyen·ne·s qui vivent quotidiennement cette inégalité de traitement ? Allons-nous tolérer plus longtemps qu’un·e habitant·e puisse être contrôlé·e au seul motif de sa couleur de peau ? C’est l’aveu même du Président de la République, qui déclarait pendant la campagne présidentielle : « Nous avons beaucoup trop de contrôles d’identité, avec de la vraie discrimination ».

        

         Car le contrôle d’identité n’est devenu rien d’autre qu’un rituel discriminatoire et déconnecté des tâches de maintien de la paix civile. La pratique est massive : « 80% des personnes correspondant au profil de “jeune homme perçu comme noir ou arabe” disent ainsi avoir été contrôlées dans les cinq dernières années », selon le Défenseur des Droits. Elle crée un effet de routine bureaucratique ennuyeuse et désastreuse pour les contrôlé·e·s comme pour les fonctionnaires de police. Pour quels effets ? Une systémisation inefficace pour le maintien de l’ordre, puisque toutes les mesures indiquent que seulement 5% des contrôles donnent lieu à une interpellation. Et ce alors même qu’à l’intérieur de ce pourcentage marginal, la plupart des contrôles d’identité génèrent leur propre délit : l’outrage à agent.

        

         Très loin de simples routines, les contrôles d’identité abusifs constituent aujourd’hui une véritable cérémonie de dégradation de la personne contrôlée. On ne compte plus les comparutions pour « outrage » abusives, les insultes, les palpations humiliantes, les violences sur les personnes contrôlées qui trouvent parfois des issues tragiques : les cas de Théodore Luhaka ou d’Adama Traoré ne sont malheureusement pas isolés. Et à partir du moment où la police nationale, donc l’Etat, assigne des personnes à une certaine représentation sociale, cela prépare et conditionne aussi les discriminations dans la vie de tous les jours, comme l’accès aux droits ou au logement. Cette pratique anxiogène crée une réticence structurelle des individus à coopérer avec les fonctionnaires de police, à tel point que la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme parle des contrôles comme d’un « abcès de fixation des tensions police-population ». Cette situation ne profite pas aux effectifs de police, dont le malaise est palpable. Ils subissent aussi les impératifs de la politique du chiffre, dont les contrôles discriminatoires sont la clé de voûte.

        

         Le 9 novembre 2016, la Cour de Cassation juge que les contrôles discriminatoires constituent une faute lourde commise par l’État. Il en revient donc à l’État de prouver qu’il n’y a pas discrimination lors d’un contrôle. Or, les contrôles d’identité sont une des rares pratiques qui ne font pas l’objet d’un suivi ou d’une trace. L’article 78-2 du Code de procédure pénale se borne en effet à évoquer des « raisons plausibles de soupçonner » pour justifier le contrôle d’identité. Finalement, les fonctionnaires de police ne sont obligés d’indiquer le motif du contrôle que si celui-ci donne lieu à une procédure, dont est souligné le faible pourcentage : le contrôle n’est fait qu’à posteriori, résiduellement.

        

         Pourtant, le Droit reconnaît progressivement que la systématisation des contrôles d’identité est hors-la-loi. Faut-il attendre une nouvelle condamnation de l’Etat par les juridictions françaises et internationales avant d’agir ? Même l’ONU, lors du dernier examen périodique universel de la
France, la cible pour ses pratiques de « profilages ethniques ».

         Prenons les devants !

        

         Après de précédentes initiatives auxquelles s’étaient opposés les différents gouvernements, les député·e·s de la France Insoumise portent une proposition de loi pour expérimenter, sur des territoires volontaires, le récépissé dans le cadre de contrôles d’identité.

         Cette proposition constitue un véritable appui. Parce qu’elle permet une vraie traçabilité des contrôles : la personne contrôlée abusivement pourra ainsi faire valoir ses droits et prouver devant la justice le caractère discriminant de cette pratique.

         Nous disposerons enfin de chiffres tangibles pour vérifier avec sérieux l’efficacité des contrôles d’identité. La hiérarchie policière pourra ainsi mieux évaluer l’utilisation des pouvoirs de contrôle par les fonctionnaires de police. Parce que la nécessaire justification d’un contrôle « objectif et individualisé », à travers la modification de l’article 78-2, permet aussi de réinterroger le travail de maintien de la paix : pourquoi contrôler cette personne ? Qu’a-t-elle fait ? Parce qu’elle permettra surtout de prouver de manière raisonnable qu’il est possible de diminuer drastiquement les tensions entre la police et la population, en réorientant les tâches policières vers des tâches utiles pour la paix.

         En Angleterre, en Espagne, de nombreuses villes en ont déjà fait l’exemple. En France, des territoires entiers comme le Val-de-Marne sont d’ores et déjà prêts à l’expérimenter.

         Certes, le récépissé de contrôle d’identité ne résoudra pas toutes les tensions entre les fonctionnaires de police et la population. Mais cette expérimentation permettra de dissiper tous les fantasmes qui parasitent les débats sur la lutte contre le contrôle au faciès. Non, le récépissé déjà expérimenté à l’étranger ne crée pas « plus de bureaucratie ». Son coût est indolore à l’inverse du système actuel, qui coûte cher pour son infime efficacité.

        

         Il y a urgence à sortir les missions de police de la chape de plomb qui les entoure, car les blessures, de part et d’autre, s’accumulent dangereusement. Cette proposition de loi permettra de faire valoir la justice républicaine dont tous et toutes doivent bénéficier. C’est aussi une manière d’améliorer le lien solide entre la police et l’ensemble de la population, en particulier la jeunesse.

        

         C’est pourquoi aux côtés d’Eric Coquerel, rapporteur de la proposition de loi, député de la France Insoumise, de nombreuses personnalités politiques, dont Elsa Faucillon, Députée de notre ville, syndicales ou associatives, nous soutenons la proposition de loi pour l’expérimentation du récépissé lors des contrôles d’identité, et demandons à toutes et tous de la voter quel que soit leur positionnement politique !

Laisser un commentaire