Pourquoi le maire de Gennevilliers participe d’une délégation au Rwanda ?

Patrice Leclerc
Gennevilliers Actualités générales

Ce n’était pas un voyage de tourisme, je n’ai pas quitté Kigali (ce que je regrette par ailleurs, tant la beauté du pays m’a été vantée). J’ai répondu à l’invitation de l’association EGAM à participer d’une délégation d’élu-es et militant-es associatifs de différents pays pour marquer notre volonté, malgré le silences de nos gouvernements, de faire la vérité sur le génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda. Nous avons ainsi participé à la 23e commémoration de ce génocide, rencontré des parlementaires, des étudiants, des Justes, des rescapés, … (l’album photo)

Je voudrai remercier EGAM pour m’avoir permis de participer à cette expérience humaine à au moins deux titres :
• D’une part, par la qualité de la délégation, qui loin de rassembler des personnes qui se ressemblent, a fait converger des personnes dont les combats sur d’autres sujets sont éloignés, voire opposés, mais qui sur cette question du et des génocides sont capables d’agir ensemble. C’est à la fois une bonne stratégie pour mobiliser largement sur cette cause et un moment d’échange entre personnes qui aident aussi au dialogue et au respect des uns et des autres.
• D’autres part, pour ce moment où l’on vit intensément cette affirmation que nous sommes des citoyen-nes du monde. Ressentir avec effroi ce qu’est un génocide, toutes les capacités d’horreurs dont peut faire preuve l’être humain, mais aussi ressentir avec admiration ce travail de réconciliation, de dignité que construit le peuple Rwandais. Retrouver à 6000 km de Gennevilliers des personnes venues dans notre ville pour témoigner du génocide, des responsabilités de la France et de responsables français et être accueilli en ami donne beaucoup d’émotion, voire une certaine fierté de sentir que Gennevilliers au Rwanda est vécue comme une ville amie.

Difficile de comprendre ce qu’il se passer dans un pays qui a connu un génocide. Forcément nos critiques sur l’Etat fort, le manque de pluralisme politique, sont justes, surtout pour moi qui doit tirer comme leçon des expériences du socialisme d’Etat que rien de durable et de bon ne peut se construire sans la démocratie. Mais, il serait aussi imprudent, tout en gardant ses réserves sur la propagande d’Etat, de faire la leçon à un pays qui a connu cette incommensurable fracture avec le génocide et qui tente d’en sortir par un pouvoir (minoritaire) qui fait le choix de la réconciliation avec la majorité, de développer l’éducation contre l’idéologie génocidaire, de travailler à l’unité d’un peuple Rwandais et au développement du pays par le libéralisme économique. Bref, aucune complaisance avec l’Etat, mais un regard intéressé et solidaire avec ce peuple qui cherche à sortir par le haut d’un abime indicible.

Voici le message que j’ai envie de porter à Kigali et à Gennevilliers.

J’ai été profondément ému, comme de nombreux Gennevillois de recevoir à plusieurs reprises des Rwandais comme Pasteur Gratien Mitsindo, Gaspard Kalisa, Amanda Uwisanga, Béatrice Uwera ou encore Charles Habonimana, Olivier Mazimpaka, Jean-Baptiste Ruzindana Rugasa et bien d’autres. Des justes Hutu qui sauvé des Tutsis, des rescapés Tutsis dont la famille a été décimé, qui ensemble essayent de construire l’unité d’un peuple rwandais, sans oublis, mais avec la volonté de sortir de l’escalades des haines.

Je souhaite exprimer aujourd’hui tout mon soutien à ce combat, à cette cause juste que vous défendez, celle du respect de la dignité humaine. Il ne faut jamais oublier. Ne pas oublier que l’homme est capable du pire, comme du meilleur. Ne pas oublier ceux qui sont morts parce qu’ils étaient différents. Ne pas oublier pour ne pas recommencer. Ce combat est celui des Rwandais, mais il doit etre aussi le notre en France et dans le monde. Ce combat est utile pour l’Humanité.

Depuis le génocide qui a coûté la vie à un million de Rwandais Tutsis, et s’est accompagné du massacre de milliers d’Hutus opposés à ce crime, la question des responsabilités de l’Etat français se pose plus que jamais. La décision du gouvernement français de ne pas envoyer de représentant officiel lors des anniversaire du génocide est une atteinte à la mémoire des victimes de la barbarie génocidaire. Comme vous, j’exige l’accélération de l’ouverture des archives françaises. C’est pourquoi, lors des cérémonies j’ai eu à la fois honte de nos gouvernements qui refusent de reconnaître les responsabilités de notre pays, de certains responsables dans le génocide et fier de porter l’écharpe tricolore pour montre que le peuple français pouvait être avec le peuple Rwandais dans ce travail de reconnaissance et pour la dignité.

Il faut du courage pour reconstruire sans haine une humanité, un peuple, un pays après un génocide. Il faut aussi du courage pour assumer ses responsabilités et ses erreurs. La France n’en sortira que grandie.

Malheureusement, la question de la reconnaissance du génocide des Tutsis fait appel à la même incapacité de l’Etat français de reconnaître sa responsabilité dans le génocide juif ou encore plus récemment dans la guerre d’Algérie, notamment avec la torture.
Certes nous avançons, mais il faut aussi dire des paroles de vérité face aux silences des autorités, car une démocratie doit avoir une morale politique. C’est l’idée que je me fais de mon pays, celui des droits de l’homme et du respect de chacun dans sa différence.

Nous continuerons à demander l’ouverture des archives françaises et à exiger que les responsables soient mis face à la vérité. Comme pour la Shoah, comme pour le génocide arménien, le génocide des Tutsis est inacceptable et ses responsables directs et indirects doivent être punis.

Le secret-défense doit être levé pour permettre aux chercheurs, aux parlementaires et au public de connaître la vérité sur le génocide.

Je voudrais m’adresser aux jeunes, ceux qui représentent l’avenir, ceux qui représentent le Rwanda de demain, le Rwanda de la réconciliation, de la fraternité et de l’espoir. Votre tâche est difficile car elle demande énormément de compréhension.

Faire connaître le génocide &agra
ve; l’encontre des Tutsis est une nécessité absolue.
Le manque de travail mémoriel peut causer des dégâts importants dans une société qui se reconstruit. En France, nous sommes nous-mêmes confrontés à une histoire douloureuse qui doit être expliquée à nos jeunes. En accueillant des jeunes Rwandais à Gennevilliers, en étant solidaire de votre combat, nous poursuivons notre propre travail de mémoire sur le fait colonial, l’esclavage, sur les discriminations et l’antisémitisme. Comme un effet de miroir, votre histoire nous aide à réfléchir et à penser l’avenir des générations futures.

Il n’y a pas de concurrence victimaire. Ce n’est pas en ne parlant que des gens dont on se sent le plus proche que l’on se bat le mieux pour nos proches. Notre humanité doit dépasser la nos petits réseaux, nos petites sociétés pour s’épanouir dans le monde.

Ce n’est pas, par exemple, en diminuant la lutte contre l’antisémitisme que l’on augmente la solidarité avec la Palestine. L’universalité des femmes et des hommes doit s’exprimer dans une solidarité universelle.

C’est donc notre devoir de regarder les pays africains comme nos égaux et de se reconnaître aussi dans leur souffrance.

L’épisode génocidaire est révélateur de cette emprise des anciens empires colonialistes (français et belge) sur le destin politique du Rwanda. Il nous faut sortir d’une vision paternaliste, et considérer les Etats africains comme nos partenaires et nos égaux.

Nous devons donc également promouvoir une véritable politique de coopération et d’échange laissant aux Africains la maîtrise de leurs choix politiques et économiques, et arrêter de penser l’Afrique comme une ancienne colonie sur laquelle nous aurions une emprise politique et militaire.

Ce n’est pas aider les Africains que de considérer l’Afrique comme une zone d’intervention prioritaire sur le plan militaire sans jamais promouvoir davantage une autre politique, celle du développement.

Je tiens à dire merci aux Rwandais qui nous ont accueilli avec cette délégation. Merci car avec les combats que vous menez, vous agissez pour l’humain universel incarné dans chacune et chacun d’entre nous.

 

Les organisations de jeunesses politiques, syndicales et associatives de France et d’Europe appellent ensemble les candidats à dire la vérité sur les responsabilités françaises et à mettre fin à l’impunité des génocidaires vivant en France.

Le 7 avril 1994, commençait le génocide contre les Tutsis au Rwanda, qui fit plus d’un million de victimes en trois mois.

En ce jour de commémorations, nous leur rendons hommage et nous tenons aux côtés des rescapés et de leurs proches. Nous participons aux commémorations en France, en Europe et au Rwanda.

Ensemble, nous appelons les candidats républicains à l’élection présidentielle à enfin, 23 ans après, dire la vérité: des responsables, de droite et de gauche, placés au plus haut niveau de l’appareil d’Etat français à la fin du second septennat de François Mitterrand, ont mené une politique secrète de collaboration avec le régime génocidaire au Rwanda avant, pendant et après le génocide.

On ne peut lutter contre le racisme et l’extrême-droite sans mettre un terme à l’omerta qui règne en France concernant ce génocide, acte le plus violent auquel le racisme puisse mener.

La France héberge un nombre record de génocidaires et leurs complices, trop souvent en toute impunité. Nous appelons les candidats à s’engager avec clarté pour mettre un terme à cet inacceptable état de fait.

Une tribune internationale, « Pour la fin de l’impunité pour les génocidaires et leurs complices ! », signée par de nombreuses personnalités de divers horizons, est publiée ces jours-ci dans la presse internationale (cf www.egam.eu)

Depuis 2014, nos organisations sont engagées ensemble dans l’initiative « Génocide contre les Tutsis : la vérité, maintenant ! », lancée et coordonnée par le Mouvement antiraciste européen – EGAM après l’annulation par la France de sa participation aux 20e commémorations du génocide.

Des personnalités comme Beate Klarsfeld, la journaliste et écrivaine Zineb El Rhazoui, le dessinateur Jul, le romancier Boubacar Boris Diop, l’auteure féministe Mona Eltahawy,… font partie de notre délégation qui se trouve actuellement au Rwanda, pour la 4e année.

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