Discours du maire de Gennevilliers, cérémonie du 17 octobre 1961

Patrice Leclerc
Gennevilliers

Intervention de Patrice Leclerc, Maire de Gennevilliers, Commémoration du 17 octobre 1961
Le 17 octobre 2016 à 18 heures

Madame la Conseillère Départementale
Mesdames et Messieurs les élu-e-s,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Nous commémorons ce soir le 55e anniversaire de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961, pour rendre hommage aux victimes du racisme d’Etat et de la répression policière aveugle qui a eu lieu en ce jour.

Ce jour-là, des Algériennes et Algériens qui manifestaient pacifiquement pour le droit à l’indépendance et répondant à l’appel du Front de Libération Nationale, ont tragiquement perdu la vie lors d’une sanglante répression.
Ce jour-là, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants manifestaient pacifiquement à Paris contre un couvre-feu discriminatoire décrété par Maurice Papon, Préfet de Police de Paris, leur interdisant de circuler dans les rues après 20 heures.
Ce couvre-feu ne visait que les Algériens pour les empêcher de marcher, de se réunir, de se promener, de faire vivre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Les manifestants ont su braver l’interdiction pour exprimer avant tout une exigence de dignité, d’égalité et la volonté d’indépendance de l’Algérie.
Ce soir d’octobre, une répression sanglante et ciblée se déchaîne, et se poursuit jusqu’au 20 octobre : 12 000 arrestations massives, des noyades, la torture frappe aveuglément les Algériens de Paris et de sa banlieue. Le Palais des Sports, le Parc des Expositions de Vincennes et le stade de Coubertin deviennent les terrains de torture d’une police déchaînée. Bilan : au moins 200 morts et 400 disparus.

La police aux ordres de Papon traque « l’Arabe » avec une férocité sans nom à Paris, en banlieue et dans les bouches de métro.

55 ans plus tard, Gennevilliers se souvient et rend hommage à ces Algériens afin que ces actes restent à jamais gravés dans la mémoire collective.
Sur la stèle commémorative de Gennevilliers, on trouve les noms des victimes dont les corps ont été retrouvés à Gennevilliers ou au bord de la Seine. Cette liste, ne peut être malheureusement qu’incomplète. Mais elle permet de mettre des noms sur des victimes algériennes, pour leurs familles et pour toutes les victimes restées anonymes.
Ce soir, au nom de la municipalité, nos pensées sont tournées vers :
M. ACHOUR BOUSSOUF
M. AHMED CHOUARAB
M. ALI GUERRAH
M. AHCENE RAYAL
M. ABDELGHANI BEKAKRA
Et toutes les victimes de cette répression organisée.
Cette commémoration s’inscrit dans la démarche qui est la nôtre depuis de nombreuses années de mettre à la lumière notre histoire coloniale pour mieux construire un monde de paix entre les peuples.
Contre l’oubli, les mobilisations font que la vérité est en marche et la France se grandirait à reconnaitre sa responsabilité dans les guerres coloniales qu’elle a menée, en particulier la guerre d’Algérie, tout comme ce crime que constitue le 17 octobre 1961.
Malgré les propos du Président de la République sur la lucidité de la République sur ces faits, il reste à qualifier ces faits en crime et reconnaître explicitement la responsabilité de l’Etat français.
Toutes les villes devraient reconnaître ce crime et le commémorer. Samedi, j’ai participé à cette même cérémonie à Colombes, mais sans présence de la municipalité de la ville, sans lieu dénommé 17 octobre. Heureusement que des associations de cette ville font le travail de mémoire. Je les en remercie.
A Gennevilliers, nous avons perdu des hommes de valeur, qui sont sortis manifester dans la dignité et pour la liberté de leur pays. Nous rendons ce soir hommage à leur courage et leur combat.
Je sais que certains parmi vous les ont connus. Ce sont vos frères de combat, des camarades que vous n’oublierez jamais. Pour leurs familles, leurs proches et leurs amis, je tiens à exprimer, en mon nom et celui de l’équipe municipale, notre profond respect.
Avec la Municipalité, nous tenons à perpétuer ce devoir de mémoire, et apprendre à nos enfants le sacrifice de ceux qui sont morts pour la liberté et le respect de leurs droits.
C’est un beau symbole qu’ici, à Gennevilliers, la place du 17 octobre 1961 se situe au bout de l’Avenue de la République et débute la rue du 19 mars 1962.
Ce travail sur la mémoire ne vise pas à attiser les haines, mais au contraire à assumer le passé, à nous aider à sortir définitivement des rancœurs, à accepter le vivre ensemble dans l’estime réciproque et le respect de l’identité de chacun, à donner le sentiment que nous sommes tous des enfants de la République, à égalité de droits, quelles que soient nos origines.
Alors, n’oublions jamais
Je vous remercie.

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