Mon intervention sur le Bonheur, à l’invitation de responsables religieux

Patrice Leclerc
Actualités générales

Intervention en 2015 sur le Bonheur de Patrice Leclerc, lors d’une rencontre organisée par les catholiques de Gennevilliers, avec un Imam, un prêtre et un révérend.

Du point de vue du matérialiste que je suis, la notion de bonheur, ma recherche du bonheur n’a pas de guide hors de ma propre conception de la vie en société.

Le philosophe Pierre Dardot, notait qu’ « il est impossible de commander à quelqu’un de faire ce qui le rendrait heureux, tout simplement parce que concept de bonheur est si indéterminé que, même si tout homme désire être heureux, nul ne peut jamais dire avec précision et en restant cohérent avec lui-même ce qu’il souhaite et veut vraiment sous ce terme ». Pour ce qui est de Spinoza, celui-ci définissait le bonheur comme un sentiment de joie active qu’il distingue du plaisir et de la joie passive, source des passions qui sont la seule source de malheur humain (tristesse peur, colères, haine…)

Votre groupe a eu une très belle idée de nous réunir autour de ce thème. Nous sommes différents. Nous n’avons pas les mêmes repères de vie qui produisent nos rapports aux autres. Je suis un autre pour vous. Mais je persuadé que de ces différences une convergence forte peut se découvrir, va se dessiner. Je vais donc mettre le doigt sur nos convergences.

Première idée. Comme celles et ceux qui sont ici, j’ai conscience que je ne pourrai pas être heureux tout seul, seul entouré de gens malheureux. C’est la base, le fondement de nos engagements militants qu’il soit politique, en fonction d’une croyance, ou dans la vie associative.

En ce sens le bonheur ne peut être égoïste, individualiste. Et je ne dis pas cela dans une conception sacrificielle militante. Nous passons du temps avec d’autres parce que les autres nous apporte du bonheur. Les autres nous font exister au plein sens du terme.

Deuxième idée. Le 3 mars 1794, le révolutionnaire St Just déclarait : « Le bonheur est une idée neuve en Europe ». On rajouterait aujourd’hui « et dans le monde ». Pourquoi 300 ans après, on peut toujours dire cela ? Et là encore, je crois que je vais trouver une convergence avec ceux qui ont chassé les marchands du temple.
Les sociétés européennes, les sociétés dans le monde avec la globalisation capitaliste ont déserté le champ du bonheur collectif pour y substituer la notion de consommation. Hors, la consommation ne rend pas heureux. Cet appétit de biens matériels qui domine nos cultures, nous voue à l’échec dans notre quête du bonheur, il nous mène individuellement au mal être et au déséquilibre. J’ai lu récemment le livre « Foul Express » de l’intellectuel musulman, qui a vécu à Gennevilliers, Marwan Muhammad. Il fait la démonstration qu’il n’a pas trouvé le bonheur seul, dans la consommation, dans le monde des traders, même en gagnant très bien sa vie. Il a pris la décision courageuse de changer de vie. Il fait ce choix sur la base des valeurs qu’il trouve dans sa foi en Dieu. Qu’il m’excuse si j’y trouve beaucoup de valeurs marxistes.

En effet, au premier abord, il peut sembler que Marx parle peu du bonheur de l’individu ; mais, en fait, il ne parle que de ça. Ce qui l’intéresse, c’est de déterminer les conditions qui permettront à l’homme de se réapproprier son essence, ou, dit en langage moins philosophique, à l’humanité de réaliser ses potentialités d’humanité et donc aux individus concrets de vivre une vie pleinement humaine et libre.

Pour conclure, car je m’étais engagé à faire court pour laisser la place au débat.

Je vie d’intenses moments de bonheur avec ma femme, ma famille, mes amis.
Je vie de forts moments de bonheur lors que j’ai réussi à aider quelqu’un, réussie une action collective. En ce sens je suis spinoziste : le bonheur est inséparable de la vertu : « bien agir et être dans la joie ». Le développement de la fraternité est pour moi une source féconde de bonheur.

Nous sommes des autres les uns pours les autres ici. Autres par nos croyances, nos représentations du monde, nos cultures. Vous êtes frères et sœurs et pour moi camarades dans cette quête du bonheur commun. Se découvrir, découvrir et révéler qu’il y a plus de choses qui nous unissent que ce qui peut nous diviser, c’est aussi utile pour notre bonheur commun.

 

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