« Un manque de respect des couches populaires »

Patrice Leclerc
Actualités générales

Article paru dans l’Humanité du 27 Octobre 2015

Le maire PCF de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), Patrice Leclerc, évoque l’accentuation du sentiment d’abandon et de relégation chez les jeunes des quartiers populaires depuis 2005.

Quel souvenir avez-vous de 2005 ?

Photo : Patrick NussbaumPatrice Leclerc En 2005, les élus ont été sur 
le terrain jour et nuit, aidés par des bénévoles, des habitants et des jeunes eux-mêmes pour essayer de temporiser un maximum. Les liens du maire de l’époque avec eux ont permis que ça ne se passe pas trop mal. Je me rappelle avoir fait sortir d’un quartier le préfet et un journaliste de télévision, venus pour filmer alors qu’il n’y avait aucun incident. C’était le meilleur moyen d’en déclencher un.

Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Patrice Leclerc Cette jeunesse n’a pas été écoutée. Les révoltes n’ont pas permis de faire politique car c’est pire qu’hier, notamment sur sa propre reconnaissance. Sur le plan de l’emploi, des inégalités et de la crise du logement, tout s’est aggravé. Je rappelle qu’un mois avant les révoltes, personne n’avait rien senti. Je ressens, sur le terrain, une colère rentrée, avec un sentiment d’impuissance face à l’absence de relais politiques. Car, depuis 2005, ils ont vu défiler l’UMP et le PS sans que leur situation ne s’améliore.

Où en est le rapport des jeunes avec la police ?

Patrice Leclerc Je regrette l’époque où la police jouait un rôle de présence, en faisant traverser les enfants et donc en ayant un lien avec les familles. Ils connaissaient les jeunes et donc n’arrêtaient pas le même dix fois par jour pour lui demander ses papiers. Cela crée des humiliations. La police elle-même est confrontée à des sollicitations seulement quand ça va mal. Elle n’est pas en capacité d’être en prévention. Depuis les années 2000, on n’a jamais autant renforcé les actions sécuritaires et la situation ne s’est jamais améliorée, au contraire. De plus, il existe le regard de toute une population sur une jeunesse dont on a peur à tort. Ça a des conséquences sur l’attitude de cette jeunesse avec les adultes. La renvoyer à des origines ne peut qu’engendrer des dégâts en termes de fierté de soi ou de sentiment d’appartenance.

L’austérité aggrave-t-elle ces sentiments ?

Patrice Leclerc À Gennevilliers, nous avons la chance d’avoir les moyens de développer les équipements de proximité, notamment culturels. Ce rapport à la notion de création permet de participer à la vie sociale. Partout où cela recule, le sentiment d’être délaissé s’accentue. C’est où il y a le moins d’investissements que les dégradations se multiplient. Et avec cela le sentiment de ne pas compter. Les quartiers populaires ont besoin de plus. Seulement, lorsque l’on diminue les dotations globales de fonctionnement, ce sont ces quartiers qui trinquent le plus. Même les mesures de quartier prioritaire bénéficieront de moins de moyens.

Où en est la déghettoïsation ?

Patrice Leclerc C’est la bourgeoisie qui se ghettoïse ! Dans toutes les villes de droite des Hauts-de-Seine, le nombre de logements sociaux a diminué. L’impact : nous avons une augmentation du nombre de demandeurs. Le gros pari pour une ville comme la nôtre est de pouvoir continuer à accueillir les salariés. C’est en lien avec les révoltes de 2005, si l’on veut que les couches populaires comptent. Elles ont le droit à la ville centre. À l’inverse de Neuilly, à Gennevilliers, en construisant de la copropriété, nous n’empêchons pas ses habitants de venir.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu de nouvelles révoltes ?

Patrice Leclerc Il y a une réussite des politiques libérales : la division, qui n’aide pas à souder et à rassembler. Dans les quartiers, il existe des jeunes qui s’en tirent d’eux-mêmes, par un système de concurrence. Il y a un manque de respect des couches populaires, pointées du doigt en 2005. Cela ne leur permet pas d’avoir une dignité qui leur permette de s’en sortir, et une fierté de faire partie de ce monde. C’est une posture politique : soit on stigmatise les pauvres en leur parlant d’améliorations quand d’autres catégories viendront ou on part du principe qu’ils ont la capacité de compter dans la société française.

Patrice 
Leclerc est Maire 
PCF 
de Gennevilliers (Hauts-
de-Seine)

Lire tout le dossier de l’Huma : http://www.humanite.fr/etiquettes/revoltes-urbaines-de-2005

Laisser un commentaire