Un article du Monde : Le redécoupage cantonal devrait profiter à la droite

Patrice Leclerc
Actualités générales

Le redécoupage cantonal devrait profiter à la droite (le Monde)
L’agrandissement des zones électorales donne une  » prime  » aux partis qui arrivent en tête du scrutin

C’est une conséquence arithmétique du redécoupage cantonal qui n’avait peut-être pas été anticipée par le pouvoir en place.  » Cette loi est bien connue de tous les chercheurs « , assure pourtant Vincent Pons, conseiller en stratégie électorale : l’agrandissement des zones d’élections donne toujours une  » prime  » importante au parti déjà en tête.
L’opposition a eu beau jeu de dénoncer ce qu’elle a appelé un  » tripatouillage électoral « , censé selon elle favoriser la gauche, elle pourrait donc au bout du compte être celle qui en bénéficie le plus, si l’on en croit les travaux de ce chercheur en sciences politiques, recruté par l’université de Harvard (Etats-Unis).
Les cartes que nous présentons à partir des données fournies par la société de conseil Liegey Muller Pons sont visuellement très explicites.
Elles montrent que, dans l’exemple de la Meuse, si les scrutins cantonaux de 2008 et de 2011 (lors desquels les conseils généraux ont été renouvelés moitié par moitié) s’étaient tenus au sein des nouvelles frontières cantonales, la majorité de centre-droit aurait été bien plus forte à la sortie des urnes : 70 % (12 cantons sur 17) au lieu de 58 % (17 sur 31). L’effet est particulièrement remarquable dans ce département, et c’est pourquoi il a été choisi comme illustration, mais, en moyenne, les majorités dans tous les départements auraient été plus fortes de 5 points avec le nouveau découpage cantonal.
Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont examiné tous les résultats de 2008 et de 2011, bureau de vote par bureau de vote, puis les ont projetés dans les nouveaux cantons.
C’est ainsi qu’ils prouvent en pratique la règle théorique qui veut que l’élargissement des zones d’élections renforce le fait majoritaire.
Moins de diversité
Pour mieux comprendre, il faut imaginer un agrandissement extrême de ces zones jusqu’à ce qu’un canton égale un département. Dans ce cas, le parti majoritaire en nombre de voix, dès 50,1 %, remporterait alors 100 % des conseillers.
Pour Vincent Pons, la conclusion est sans appel :  » Le parti majoritaire en voix dans un département va mécaniquement arriver en tête dans les cantons et la défaite annoncée de la gauche en nombre de voix va se traduire en défaite en conseillers plus grande qu’elle ne l’aurait été avec l’ancien découpage. « 
A la fin, le résultat du scrutin est moins minutieux ; les bastions qui pouvaient garantir l’élection d’au moins un ou deux conseillers ne le permettent plus, car ils sont dilués dans des cantons plus grands.
Dans la même logique, les petits partis qui pouvaient parfois tirer leur épingle du jeu auront désormais moins de chances de se voir représenter à l’échelle départementale ; dans notre exemple, le candidat élu sous l’étiquette MoDem dans le canton de Vaubecourt, en 2011, n’aurait pas été victorieux dans un canton plus grand.
La réalité politique du terrain serait donc moins représentée dans sa diversité avec les nouveaux cantons, mais cela est peut-être, paradoxalement, le prix à payer pour permettre un meilleur exercice de la démocratie, avec à la fois une stricte parité homme-femme dans les nouveaux conseils et un meilleur équilibre démographique des cantons.
Pas de science exacte
En effet, avec l’ancien découpage cantonal (qui datait de la Révolution française), de fortes disparités démographiques s’étaient installées.
Les cartes que nous présentons ci-dessus qui montre la répartition de la population du département de la Meuse, l’illustre bien : avec les anciens 31 cantons, il y avait un différentiel démographique pouvant aller de 1 à 9.
Concrètement, dans le canton le plus peuplé (Commercy, le plus foncé sur la carte), une voix comptait donc neuf fois moins que dans l’un des cantons les moins peuplés. Avec le nouveau découpage à 17 cantons, l’écart maximal n’est plus que de 1,4, soit de 40 %, au lieu de… 900 %.
Mais au-delà de toutes ces données, les élections n’ont jamais été, et ne seront jamais, une science exacte ; tous les calculs du monde ne pourront prédire exactement les nouveaux visages politiques des départements français.
Hélène Bekmezian
© Le Monde

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