Hommage à Nini Langlois, résistante gennevilloise

Patrice Leclerc
Gennevilliers

Discours de Patrice Leclerc Mercredi 18 février 2015
Obsèques de Eugénie LANGLOIS au cimetière de Gennevilliers, 14h30
Mesdames, Messieurs,

Chers camarades,

C’est avec une grande tristesse que j’ai appris cette semaine le décès d’Eugénie LANGLOIS.

Eugénie était pour nous tous NINI. Notre camarade NINI.

NINI était née le 15 juillet 1921.

En cette année 1940, NINI avait 18 ans. Elle militait à l’Union des Jeunes Filles de France, son mari, avec qui elle s’était mariée à 19 ans, André LABUXIERE, lui était engagé à la Jeunesse communiste.

Il en fut le secrétaire de Gennevilliers de 1938 à 1939. Entre 1940 et 1941, il était agent de liaison entre les groupes de Gennevilliers, Asnières et Bois-Colombes.

Au début de l’été 1940, ils furent réunis par Maurice Simondin, résistant décoré de la Croix de guerre, dans un parc de l’avenue du Vieux-Chemin de Saint-Denis ; c’est Louis Calmel déjà clandestin qui présidait cette réunion.

Ils ont décidé de distribuer des tracts édités par le Parti communiste.

Ils étaient alors une quinzaine à les distribuer à la volée sur les marchés. Ils étaient à vélo et au passage, ils lançaient les tracts en l’air.

Le premier dimanche de septembre 1940, ils ont décidé d’aller distribuer à Garches, c’était un clin d’œil à la Fête de l’Humanité qui s’y tenait avant-guerre.

Ils ont été filés par la police de la route et cernés par elle. Ils s’étaient délestés du paquet de tracts, en le posant sur un muret, mais ceux qui ont été trouvés dans les poches de plusieurs d’entre eux, les ont trahi.

Il y eu six arrestations dont celle d’André LABUXIERE, son mari.

Ils ont été emmenés à la prison de Saint-Pierre à Versailles, et condamnés à 6 mois de prison avec sursis.

Le 30 décembre 1940, elle a été arrêtée une seconde fois dans les rues de Gennevilliers, en compagnie d’autres camarades alors qu’ils allaient peindre des slogans sur les pavés.

Avec tous les militants de plus de 18 ans, elle sera incarcérée à la Prison pour femme de la Roquette et à la Santé pour les hommes ; les hommes, eux, seront dirigés sur Fresnes.
A La Roquette, elle y retrouvera Adèle Ribon, Lalie Nicolas et Camille Cartier, ceci en février 1941.

Pour sa part, NINI sera libérée le 1er juillet 1941. Mais ce moment sera terrible car lorsqu’elle sortira, elle ne pourra même pas revoir son mari.

Lui avait été arrêté une seconde fois le 27 juin 1941 à Gennevilliers, car il n’avait pas cessé de lutter contre l’occupation. Il sera interné à Compiègne du 27 juin 1941 au 6 juillet 1942.

Imprimeur typographe, il confectionnait des papillons au contenu anti-pétainiste, qu’ils collaient ave NINI notamment sur des poteaux électriques.

Déporté à 21 ans à d’Auschwitz, dans un convoi de 45 000 personnes, il y mourra en janvier 1943 d’affaiblissement et d’amaigrissement.

Sa libération une fois effective, NINI tente de revoir tous ceux qui ont été arrêtés avec elle. Mais très vite NINI se rend compte que la situation est devenue difficile dans la zone d’occupation, elle décide alors de partir chez un oncle qui se trouve en zone libre à Châteauroux.

Elle rentrera en 1944 et n’apprendra la mort de son mari qu’une fois les déportés revenus. C’est un déporté qui était avec son mari qui lui apprendra la terrible nouvelle.

Libérée, elle deviendra une militante de la FNDIRP où plongeant ses racines dans les crimes sans précédent du nazisme, c’est au nom des serments des rescapés des camps qu’elle développera de multiples activités de mémoire et de vigilance.

Elle épousera en seconde noce Raymond LANGLOIS, dit NONO qui sera Conseiller municipal de 1953 à 1977 auprès de Waldeck LHUILLIER.

Ils formèrent un couple inséparable jusqu’à la disparition de son mari le 11 mars 2010, il y a un 5 ans.

Ils n’ont pas eu d’enfant.

Entrée en 1944 à l’âge de 23 ans au CMS, elle y travaillera jusqu’à sa retraite en 1981, soit pendant 37 ans et demi. Elle travaillera d’abord au service dentaire puis deviendra agent prothésiste.

Ses collègues en parlent avec beaucoup de respect car il formait une vraie petite famille. C’était une femme discrète, adorable, avec un lourd vécu, très engagée politiquement.

Elle faisait figure de responsable des assistantes dentaires, de par son autorité, sa compétence et son dévouement au service public.

Elle avait un vrai sens d’aide à la population et a créé une grande complicité avec sa collègue, Madame VARIN.

NINI était aussi membre de la section de Gennevilliers du parti communiste français.

Fidèle toute sa vie au PCF, dont elle était vétérante.

Avec son mari, elle résidera au 74 rue Paul Vaillant Couturier puis rue de la Couture d’Auxerre dans le quartier des Chevrins et enfin au 14 rue Marcel Lamour aux Agnettes où ils vécurent et militèrent de longues années.

Dans la Ville, le couple était d’ailleurs connu pour leur gentillesse, toujours facile d’abord, toujours prêt à discuter avec les gens.

Apprécié de tout le monde, elle comptait dans la vie sociale de notre commune.

Elle faisait partie de la chorale de Gennevilliers ou elle chantait avec son mari.

Atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis 7 ans, elle vivait en maison de retraite depuis le 2 avril 2010.

Ce qui caractérisait NINI c’était d’abord sa très grande humanité et fraternité.

Elle fut une grande amie de Carmen Gérard qui nous a récemment quittés.

On les aperçoit d’ailleurs toutes les deux sur une photo parue dans le GenMag de Mars 2014 qui rend hommage au destin de Carmen Gérard.

Par ma voix, Gennevilliers rend hommage à cette femme.

Eugénie Langlois participa au combat pour la résistance de la France avec courage.

Elle a croisé la mort, la peur et la barbarie, mais elle nous faisait partager la dignité, la joie de vivre, la simplicité, la ténacité dans le combat. Nous garderons en souvenir sa fraternité.

Militant communiste, elle a porté l’idéal d’une vie qui libère bien plus que le territoire.

Que voulait-elle ? Ecarter le nazisme et bâtir une société nouvelle fondée sur l’égalité mais aussi un goût sans limite pour la liberté.

Que voulait-elle ? Non pas simplement lever un espoir pour notre pays, mais un espoir pour tout le monde.

Gennevilliers rend hommage aux combats de cette Résistante qui continue de vivre à travers la promesse de jours meilleurs.

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