Mélenchon: «Je sens déjà que je suis porté»

26 JUIN 2011 | PAR STÉPHANE ALLIÈS ET LÉNAÏG BREDOUX dans Médiapart

Il a patienté de longs mois, mais Jean-Luc Mélenchon a fini par convaincre les communistes de le choisir comme candidat à la présidentielle. Depuis leur vote du week-end dernier, l’ancien sénateur socialiste et actuel co-président du Parti de gauche est donc officiellement investi par les formations du Front de gauche pour 2012. Avec pour objectif affiché: devenir la première force de gauche, devant le Parti socialiste. Entretien.

Il y a deux ans et demi, vous quittiez le PS en appelant à recréer le 
«socialisme historique». La semaine dernière, vous avez été investi 
candidat à la présidentielle par le vote des militants communistes. Quel 
bilan politique faites-vous de cette période?


Le constat de mon livre En quête de gauche (2008) 
sur la tendance social-libérale du PS est très actuel quand on voit l’évolution incroyable et accélérée de l’Internationale socialiste et du PSE depuis! Et aussi avec le retour au premier plan de François Hollande, l’homme de la conversion du PS à la ligne démocrate.

Depuis, nous avons bien travaillé. C’était un choix personnel rude que celui fait avec Marc Dolez et les trois autres membres du bureau national qui ont quitté le PS. On a remis en cause nos parcours, nos carrières! Notre chance: on a rencontré un parti communiste disponible, et les personnages clef de Marie-George Buffet et son bras droit à l’époque Pierre Laurent qui voulaient innover. Christian Picquet de la Gauche Unitaire, a lui aussi fait une rupture au sein du mouvement trotskyste, en ne se satisfaisant plus de faire des fractions et des batailles pour des virgules sans s’intéresser aux élections.

Mais il ne suffisait pas de rassembler des partis éparpillés pour reconstruire tout ce pan de la gauche historique. Le Front de gauche est la conjonction d’une nécessité –la gauche menaçait de disparaître–, de personnes qui refusent cette mise à mort, et d’un contexte politique, où le capitalisme ne marche plus et où l’impérialisme américain est confronté à ses limites. Enfin, il y a la force des événements: le Front de gauche aurait pu avoir un an de plus, et cela aurait été un an d’avance, et donc peut être trop tôt.

Enfin, depuis 2008, le Front de gauche s’est construit chemin faisant. Chacun a modifié son point de vue. Le PCF par exemple est passé de son idée des fronts à celle du Front, avec une méthode démocratique impressionnante, consultant sa base à chaque échéance. 
Personne ne parle de cela! Des observateurs préfèrent évoquer Staline et Trotsky! Je suis scandalisé par leurs commentaires dans le style de la guerre froide, fait sur ma désignation. Toutes ces blagues pourries sur la «vengeance du piolet»… Quelle bêtise! Personne ne dira rien quand le PS va devoir choisir comme premier secrétaire par intérim entre deux anciens trotskystes, Jean-Christophe Cambadélis de l’OCI ou Harlem Désir de la LCR.

La vérité, c’est qu’il est normal que des organisations créent des générations de militants que l’on retrouve ensuite ailleurs. Il y a eu le PSU après la guerre d’Algérie, le trotskysme après le printemps de Prague, et 
SOS-Racisme dans les années 80. Il en ira de même pour le Front de Gauche!

« Nous ne sommes pas dans une période d’alternance à la papa »

Qu’est-ce que votre candidature signifie politiquement?

Un déclic. Nous venons de franchir un seuil. La désignation d’un 
candidat commun à la présidentielle est un choix puissant. Il y avait 
toutes les raisons que l’on n’y arrive pas. Finalement le vote des 
communistes la semaine dernière était une très bonne idée. Moi, je 
voulais que ça se passe pendant les cantonales de mars, pour faire de l’élection un sondage grandeur nature.

Mais le temps du débat pris en interne par 
le PCF a permis de trancher clairement les questions posées. Et le 
résultat est sans appel: oui à 96% au Front de gauche, et un choix 
éminemment stratégique pour la candidature à la présidentielle, bien 
au-delà des personnes. Les gens voient quand vous ergotez pendant des mois et que vous n’arrivez pas à vous entendre. Et ils vous sanctionnent. Mais si 
vous arrivez à vous entendre, alors vous avez un bonus. On a été capable 
de rassembler notre camp, de devenir l’autre gauche unie!

Nous nous 
rapprochons du cœur de la gauche, à un moment où on va pouvoir contester 
le leadership aux socialistes. Je ne vous parle pas de sondages, mais 
des représentations et des symboles. Le meeting de lancement ce 
mercredi, ce n’est pas un hasard s’il se tient place «Stalingrad» métro «Jaurès». On va voir si on arrivera à effacer complètement l’ancien tableau politique de la gauche. Il a bien déjà vu disparaître Besancenot, dont l’épuisement du projet politique a accompagné l’épuisement personnel, et Strauss-Kahn. Là, ce n’était pas prévu mais cela montre qu’il est difficile de tenir un cap quand on est travaillé par une faille personnelle. C’est aussi cela l’heure des caractères. Nous ne sommes pas dans une période d’alternance à la papa. Le temps de l’atomisation à la gauche du PS actuel est terminé. Nous pouvons devenir les premiers, dans un moment historique terrible.

En quoi est-ce un «moment terrible»?

A cause du contexte. L’Europe est en train de trébucher. 
A Bruxelles, le Parlement continue à mouliner des phrases creuses sur 
les déficits excessifs. Le paquet de gouvernance qu’ils veulent  
imposer c’est le passage à un fédéralisme autoritaire. Ils nous resservent la théorie de la souveraineté limitée à la Brejnev! Les récalcitrants ne verront pas de chars mais leur pays sera pillé jusqu’à l’os. Regardez ce qui se passe avec la 
Grèce. Ils ne veulent pas voir qu’on est au bout du système. 
Mais bientôt, il va falloir constater définitivement 
l’impasse. Cette attitude aveuglée fait partie de la frivolité 
habituelle des dominants dans les périodes pré-révolutionnaires. Mais déjà, 
pour la première fois au Parlement, le PSE n’a pas voté avec la droite. 
Donc la faille est dans le mur.

Quelle est le plan d’un président Mélenchon pour régler la situation en 
Grèce, en tenant compte du fait que la majorité de l’Union européenne 
est largement à droite?

Le plan est le même depuis le début: que la BCE rachète la dette de la 
Grèce. Si on l’avait fait dès le début, on n’en serait pas là, et on 
n’en serait pas à le faire en cachette sur le second marché, au tarif 
auquel les banques la vendent! Si nous étions au pouvoir, on l’imposerait. 
Il y aurait de l’inflation? Très bien. Une 
dévaluation de l’euro par rapport au dollar, où est le problème? Un 
euro à 0,88 dollar? On l’a déjà eu
et ça allait bien! Ce ne serait ni la faillite ni la décadence! Il faut cesser de dire qu’il n’y a pas de solutions.

Enfin, si la France était dirigée par le Front de gauche, il y aurait aussi un changement de ton. Il y a les Allemands, d’accord. Mais il y a aussi les Français. Notre Europe bénéficiera d’un «opt-out» sur les services publics, le même dont bénéficient les Anglais qui conservent leur monnaie. On pourrait aussi commencer à discuter de mesures 
protectionnistes au niveau européen. Il y a plein de choses à faire, à 
condition d’accepter une certaine révision stratégique. La place de 
l’Etat-nation dans la lutte internationaliste, ça a encore un sens. Ce 
que les agresseurs financiers de la Grèce n’ont pas vu venir, c’est le 
patriotisme grec. Ils n’ont pas vu que la résistance s’inscrit aussi 
dans le fait national, lisez les textes de Theodorakis en ce moment… Ce 
n’est pas par hasard si je parle de «la France belle et rebelle».

La raison qu’invoque la BCE pour ne pas racheter la dette grecque, 
c’est que cela contrevient à son indépendance prévue par les traités de 
Maastricht et d’Amsterdam…

Du bla bla! La BCE est la banque de toute l’Europe, et la dette 
totale de la Grèce ne représente même pas 1% de la richesse totale des 
pays membres. On peut avoir une discussion avec la Grèce sur 
l’organisation de leurs finances publiques. Mais il faudrait avant tout 
arrêter la machine à vider les caisses publiques, à savoir la politique 
communautaire de dumping fiscal et social. Ce dumping sensé financer  l’intégration de dix nouveaux pays d’un seul coup et aux mêmes 
conditions que les Etats membres, sans augmentation du budget de 
l’Europe ni possibilité d’emprunter pour l’Union.

Dans les pays d’Europe du Sud touchés par la crise économique, on voit 
certes fleurir des mouvements d’indignation, mais la gauche de gauche ne 
parvient pas à traduire ce malaise politique en succès électoraux, face 
à des gouvernements tous sociaux-démocrates…

Toutes les périodes pré-révolutionnaires suivent ce cours-là. Le grand nombre a du mal à passer à une autre logique. Tout le monde aimerait bien que ça 
s’arrange comme avant! Aujourd’hui dans ces pays, le cycle électoral, le cycle 
social et le cycle civique ne correspondent pas. En Grèce, alors qu’ils 
en sont à plus de dix grèves générales, on bat des records d’abstention 
malgré le vote obligatoire. Parce que l’alternative n’est pas crédible. 
Le vieux et raide parti communiste grec et la gauche radicale cartellisée n’ont pas 
fait le travail de rassemblement. En Espagne, personne pour aider les communistes. Au Portugal, la gauche a soutenu le candidat qui a ensuite été soutenu par le PS. Et ils ont été immédiatement désintégrés.

Pour que l’alternative soit crédible, elle doit être à la fois unie et concrète. On ne peut pas se contenter de dire «C’est la révolution, allons-y!» Les gens doivent manger et régler leurs  problèmes. S’ils ont affaire à des fantaisistes ou des partis incapables de s’entendre entre eux, pourquoi voulez-vous qu’ils votent pour eux?

« Nous sommes des franc-tireurs et partisans »

Mais la victoire à Milan du candidat de la gauche radicale, après avoir 
participé à la primaire de toute la gauche ne vous donne pas envie de 
participer à une primaire socialiste pour jouer la gagne?

C’est une expérience locale et qui intervient après deux expériences 
désastreuses des primaires en Italie. La situation n’est pas comparable. 
Il faut simplement retenir que les électeurs de gauche ont préféré faire 
conscience à un homme de l’autre gauche qu’à une marionnette 
social-libérale. L’important, c’est le fond politique, pas la mécanique.

Vous parlez d’une situation pré-révolutionnaire. Les révolutions arabes 
ont-elles été le déclencheur de ce mouvement?

Pour moi, la vague est partie d’Amérique du Sud et elle se reproduit 
partout de la même manière. A partir de la contradiction entre une jeunesse 
nombreuse et très formée et un système qui ne veut pas d’elle; une oligarchie incapable de faire face aux défis du quotidien; et la classe moyenne qui jette l’éponge du système au final. C’est ce qu’on a vu en Argentine, mais aussi en Tunisie, en Egypte, ou en Espagne où la structure des indignés est composée de jeunes très formés qui n’admettent pas de devoir continuer à vivre chez papa maman. En France, on l’a aussi… D’où l’importance de l’idée de révolution citoyenne.

Mais les Indignés révèlent aussi une crise des partis politiques. 
Croyez-vous qu’ils soient la meilleure forme pour cette révolution?

En France, les recours sont restés disponibles. Le mouvement des 
retraites est largement passé par des syndicats qui ne sont pas décrédibilisés. Le mouvement syndical reste actif, puissant et respecté –à la différence de l’Espagne ou de la Tunisie, ou des syndicats péronistes en Argentine. Et il y a le Front de gauche. Le Parti socialiste qui semblait s’être figé sur une position social-libérale a lui aussi l’air de turbuler, même si je ne me fais aucune illusion: Hollande veut occuper la place du centre et Aubry donnera immédiatement des gages contre son aile gauche!

Donc vous nous dites que le travail de rassemblement et de crédibilité 
qui a manqué à la gauche de gauche grecque, espagnole et portuguaise, le 
Front de gauche en France l’a réalisé. Mais comment allez-vous 
concrétiser ce rassemblement dans une campagne électorale très 
personnalisée?

Tous les jours, il va falloir inventer. Déjà faire une affiche, ce n’est pas simple. Mais on y arrive. Avec un nombre certain de pointilleux au mètre carré, et moi qui ne suis pas de la plus grande souplesse, c’est parfois compliqué ! Mais on retombe toujours sur nos pieds. Ce qu’il ne faut pas, c’est devenir une machine à produire du seulement du minimum commun. Donc il faut faire des choses poétiques qui parlent à tous, comme avec notre slogan «Place au peuple» ou «La France, la belle, la rebelle».

Pour le reste du dispositif de campagne, il ne faut pas se leurrer sur ce qu’on est. Le PS et l’UMP vont mettre 23 millions d’euros dans leur campagne présidentielle. Nous, tout au plus 3 millions… Le modèle de notre campagne, c’est donc celle du référendum européen de 2005. On va voir si le feu reprend à la plaine ou pas. On n’est pas une armée régulière. Par nécessité nous sommes des franc-tireurs et partisans. Chacun est directeur de sa campagne, et la mène à hauteur de sa motivation et de son temps disponible. Ce sera une campagne populaire et moléculaire, très diffuse.

Sur le fond de votre programme, comment faites-vous pour dépasser des 
points qui divisent le Front de gauche? Sur le nucléaire, 
vous vous êtes mis d’accord pour proposer un référendum, 
mais beaucoup de militants communistes n’ont guère apprécié votre 
positionnement en faveur de l’intervention militaire en Libye. Et les 
amis de Clémentine Autain qui vous ont rejoint n’ont pas franchement la 
même vision que vous de la République et de la laïcité…

Je vais porter la parole commune, le point de vue qui permet à nos différences de ne pas conduire à l’éparpillement. On ne va pas avoir de débat abstrait sur la laïcité. On fera comme depuis le début, en déconstruisant les mots de chacun pour examiner leur contenu précis, puis on construira une synthèse avec de nouveaux mots.

Par exemple sur les mères d’élèves vo
ilées, empêchées d’accompagner les sorties scolaires: si le PG est pour cette interdiction, une partie du PCF et d’autres petites formations du Front de gauche ne vous suivent pas…

Il y aura parfois plusieurs discours dans la campagne. Le PG ou le PCF ne vont pas cesser d’exister! Mais ce ne sera pas à moi de trancher. Je m’efforcerai de tenir la parole commune d’une séparation de l’Eglise et de l’Etat et d’une école qui ne soit pas un lieu  d’embrigadement idéologique. Mais la présidentielle va-t-elle vraiment se jouer là-dessus?

« Où est le Superman? »

Justement, à votre avis, quels seront les grands thèmes qui vont agiter 
la campagne présidentielle?

Personne n’en sait rien. Tout peut être dynamité dans quinze jours. Mais je pense qu’il y aura trois lignes de force: le partage des richesses, incontournable, parce qu’il est la clé de la République; la refondation du pays, donc la question de la VIe République; et la planification écologique, à laquelle personne n’échappera. Ce sont les trois mises au pied du mur qui attendent tout le monde. Au-delà, il ne faut pas regarder la politique uniquement comme des  confrontations de programmes.

Il faut aussi regarder où sont les hégémonies culturelles dans la société. Dans les années 1990/2000, les trucs de la droite passaient: le chacun pour soi et l’idée que les meilleurs vont gagner. Maintenant, tout le monde a compris que c’est une tromperie. Les gens ont un sentiment d’impasse. D’une manière terrible, ils ont intériorisé la violence de la société. La vague des suicides au travail est un fait politique énorme. L’idée se répand que ce système ne marche pas. Mais les gens ne savent pas pour autant ce qui pourrait marcher. Moi, j’arrive à cet instant. C’est le hasard qui réalise parfois la nécessité.

Une synthèse est à l’œuvre dans l’esprit public. Je ne suis que cela dans ce moment: la voix d’une synthèse qui est dans la tête de millions de gens qui tâtonnent. Les écolos ont raison: l’écologie politique est le nouveau paradigme qui va réorganiser la pensée de gauche. Les cocos ont raison: il faut partager. Les socialos ont raison: la réforme, c’est bien. Et la République: on ne peut pas faire autrement. Les gens tâtonnent mais ils savent que c’est par là que se trouve la solution. J’essaie de faire vivre cette synthèse. Pour l’instant, elle n’a pas de nom. Elle en aura quand le Front de gauche aura gagné.

Dans ce moment politique, allez-vous changer votre style? Êtes-vous 
toujours sur le «bruit et la fureur»?

A chaque moment, il faut trouver l’expression poétique adaptée. Maintenant, 
c’est place au peuple en France la belle, la rebelle!

Mais avec cette ambition de vous «présidentialiser» comme dit François  Hollande?

Je dois ressembler à mon programme. Celui qui dit qu’il va faire les 
poches au grand capital et qui baisse les yeux devant un journaliste 
parlant un peu fort n’est pas crédible. Je ne cherche pas à être le bon 
élève à qui M. Apathie va donner un bon point. A présent on passe à la 
phase: «La France la belle, la rebelle». Mon personnage est en résonance avec le programme. C’est mon job. Il faut aussi que j’aille au rythme des événements. Aujourd’hui, la marche est moins haute: le candidat surnaturel qui était président du monde au FMI est hors course. Entre Aubry, Hollande et moi, où est le Superman? Ça se discute!

Le projet du Front de gauche repose sur la reconquête de l’électorat 
populaire. Comment comptez-vous vous y prendre?

Nous allons prendre deux ou trois millions de voix (un chiffre qui fait 
référence à une déclaration de François Mitterrand en 1972, promettant 
de prendre trois millions de voix au PCF, ndlr) qui autrefois votaient 
socialiste et qui aujourd’hui ne votent plus rien. Pendant des années, 
il y a eu une transfusion de sang du Parti communiste vers le Parti 
socialiste: la mécanique doit s’inverser vers le Front de Gauche. A chaque élection, le Front de gauche progresse. Entre les régionales et les cantonales, il a gagné 
250.000 voix.

Mais les électeurs des milieux populaires qui ont un jour voté à gauche 
et qui se tournent vers le Front national sont-ils électoralement 
récupérables?

C’est un mythe. Tout prouve aujourd’hui que l’électorat du Front 
national est une radicalisation de l’électorat populaire de l’UMP. Ce 
segment a toujours existé. Marine Le Pen arrive aujourd’hui à le capter, 
parce qu’elle est seule dans son camp et que Sarkozy a repris son 
vocabulaire –et donc déculpabilisé une partie de l’électorat. Il pense 
qu’il va ainsi homogénéiser idéologiquement son camp pour ensuite en 
reprendre la tête. A gauche, si on arrive à prendre de l’audience sur la 
masse de l’électorat populaire qui a voté jusque là socialiste, on a 
gagné…

Avec un score à deux chiffres?

Oui. Mais les dynamiques ne seront pas linéaires. Nous sommes encore 
fragiles. Mais les socialistes aussi…

Si vous n’êtes pas majoritaire à gauche au soir du premier tour, la 
question d’un contrat de gouvernement va se poser avec le PS…

Cette question est un piège malveillant destiné à servir la soupe aux 
sociaux-libéraux. L’élection ne peut pas être un chantage au deuxième 
tour. La situation est extrêmement volatile! Nous ne leur ferons pas le cadeau de les croire devant nous avant d’avoir commencé la compétition. Il va falloir qu’ils se confrontent aux électeurs, qu’ils convainquent. L’opinion ne raisonnera pas uniquement sur des critères d’allégeance traditionnelle au parti socialiste ou à la droite. Ce temps est fini.

Si 20 à 25% des gens votent à gauche en se bouchant les yeux et les oreilles –à droite, c’est pareil–, vous avez une masse immense de 
désorientés, de désemparés qui ne se positionnent pas par rapport au 
clivage droite/gauche. Pour eux, c’est pareil. C’est injuste, mais c’est 
ainsi. C’est pourquoi on a mis à nu une autre latéralisation du champ politique, entre l’oligarchie et le peuple qu’elle pille.

Mais si vous imposiez la VIe République et le salaire maximum à l’issue 
d’un rapport de forces avec les socialistes, ne serait-ce pas déjà un 
progrès pour vous?

On verra comment tout cela va cheminer. Je ne suis pas en train de me 
demander comment prendre une part de marché à tel ou telle. Je me demande 
plutôt comment cela va se passer dans le pays en général. C’est cela qui 
m’intéresse: cette chose qui est plus grande que nous. Il fallait une 
fois y avoir goûté pour être sûr qu’elle existe: c’est 2005 et la 
campagne contre le Traité constitutionnel. C’était un mouvement que personne 
ne contrôlait, qui était plus grand que nous. Là, je sens déjà que je 
suis porté. Quelque chose se passe. On verra si ça cristallise.

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