Une gennevilloise censurée au Musée Picasso de Vallauris

admin
Gennevilliers

Un article dans l’Huma du 3 mai 2010

Ripostes. C’est un scandale.

Une censure d’un autre temps au Musée Picasso de Vallauris

Une exposition des vidéos de l’artiste de renommée internationale 
Zineb Sedira, évoquant 
la guerre d’Algérie, fermée par le maire UMP 
de la commune.

C’est une vidéo très simple, sans aucune dramatisation ni emphase. Un récit, celui de la mère de l’artiste Zineb Sedira, de notoriété internationale, intitulé Retelling Histories  : My Mother Told Me (histoires re-racontées  : ma mère m’a dit). La mère de l’artiste parle de la guerre d’Algérie. La vidéo était présentée dans une exposition au Musée national Picasso la guerre et la paix de Vallauris et, en principe, jusqu’au 20 septembre. Elle vient d’être purement et simplement fermée par une décision du maire UMP de la commune, Alain Gumiel, « pour raisons de sécurité », faisant écho aux protestations d’une association de harkis et de militaires en retraite.

Cette censure d’un autre temps vient après un premier épisode. Dans la vidéo, où elle s’exprime en anglais – Zineb Zedira vit à Londres –, la mère de l’artiste employait le mot « collaborator » pour désigner les harkis ayant emmené une femme de force. Devant la protestation de deux associations de harkis concernant l’usage de ce mot et sa traduction dans le sous-titrage français par « collaborateurs », Maurice Fréchuret, directeur des Musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes, avertit l’artiste. Celle-ci réalise alors une seconde version supprimant du sous-titrage français le terme contesté. Sauf que, le 26 avril, quand Maurice Fréchuret arrive à Vallauris avec les nouveaux CD, il trouve l’exposition fermée. Le maire de Vallauris aurait pris cette décision en accord avec le député de la circonscription, Jean Leonetti (groupe UMP), et le préfet des Alpes-Maritimes, Francis Lamy.

L’affaire toutefois n’est pas passée inaperçue. Née en 1963 à Gennevilliers, Zineb Sedira, faite chevalier des arts et lettres en France en 2009, a notamment exposé au Centre Pompidou plusieurs de ses vidéos dans le cadre de la grande exposition 
« Africa Remix », il y a quelques années. Dans l’une d’elles, ce sont ses deux parents qui évoquaient, toujours avec la même sobriété, la guerre d’Algérie. Une vidéo de cette même série tourne en boucle à la Cité de l’immigration à Paris. Ses œuvres, qui abordent de multiples autres thèmes, par les moyens de la photographie, de la vidéo et des nouvelles technologies, figurent dans les collections de la Tate Britain, à Londres, du Centre Pompidou, du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, du Musée d’art moderne de Vienne, du Fonds national d’art contemporain en France… Elle est représentée depuis dix ans à Paris par le galeriste Kamel Mennour (Claude Lévêque, Daniel Buren, etc.), lequel s’est dit « extrêmement choqué par cette situation ». L’un de ses projets à venir s’attachant à « mettre en valeur le travail de l’ombre des épouses dans l’histoire et dans l’histoire de l’art », fera l’objet, en décembre, d’une exposition au Palais de Tokyo, à Paris, et d’un catalogue.

M. U.

Laisser un commentaire