Intervention d’Isabelle Lorand au CN du PCF du 24 avril 2007

Conseil National du PCF du Mardi 24 avril 2007

Isabelle Lorand

Pas d’ambigüité, une seule question dans les 2 semaines, battre Sarkozy. Le score de Sarkozy cumulé à celui de Le Pen et De Villiers atteint 45%. La droite qui a voté Sarkozy ne s’est pas trompée. Sarkozy a été clair : exclusion, flicage, autoritarisme, eugénisme… La brutalité pour empêcher toutes contestations.  Pour le battre, il faut ramener le vote du 6 mai à la question fondamentale : Oui ou Non à une droite extrême en France. Partout, les élus communistes, les candidats aux législatives devraient proposer la tenue de meeting unitaires pour faire front.
2% au plan national c’est : moins 14000 voix dans le nord, 3% dans nos deux conseils généraux, 5% pour le parti et 35% pour le PS dans beaucoup de nos villes… 2002 a marqué la perte de notre implantation nationale, 2007 c’est la disparition des territoires de forte influence communiste. Aujourd’hui il n’est pas sur que l’histoire de notre pays continue de s’écrire avec le PCF. Le rapport explique ce désastre par le vote utile et le glissement à droite de la société française. C’est insuffisant et inacceptable.
Que les électeurs – dont je suis – votent pour ce qui leur apparaît utile est respectable et raisonnable. En revanche, que le vote de gauche, et notamment des nouveaux électeurs se structure, non pas sur un projet de transformation sociale, mais sur l’opposition à la droite extrême est problématique. Nous ne pouvons regarder cela comme des sociologues ou pire des spectateurs. Le sens de l’engagement politique c’est de faire bouger le réel. Le rapport est à ce titre inacceptable. En ne pointant pas ce que la politique peut faire bouger, il devient en creux un plaidoyer pour la fatalité. Pourtant s’il fallait s’en convaincre, la trajectoire de Bayrou démontre qu’il était possible de troubler le jeu du bipartisme. La caractéristique de cette candidature est d’avoir apporté une réponse – que je conteste bien évidemment –  à une question : comment sortir la France de la crise ? Son projet c’est le « capitalisme éthique » porté par la coalition des politiques de bonnes compagnies. En articulant vision de société et construction politique, il est passé de 6 à 18%. C’est dire, combien rien n’était fatal dans ce scrutin. Et si l’on y regarde de plus près, outre les études nationales qui estiment à environ 50% les voix de gauche pour Bayrou, une analyse particulière du vote Bayrou dans les quartiers populaires de nos villes pourraient nous surprendre. J’ai regardé les résultats dans 5 bureaux de vote de ce type. Une droite très forte se répartissant Sarkozy-Lepen. Un PS qui fait le plein, et des voix Bayrou qui prennent sur la gauche. Il est pour le moins envisageable, qu’un candidat réunissant toutes les forces de transformation sociale, auraient pu trouver un espace plus qu’honorable.
Il y a une très préoccupante « droitisation » des esprits : individualisme, peur de l’autre, fracture identitaire et générationnelle, dérive sécuritaire… Mais dans le même mouvement, il y a les 33% de gauche au référendum, le mariage homosexuel, le CPE, le réseau école sans frontière, l’attachement aux services publics et la protection sociale… Donc avant de conclure au « glissement à droite de la société », il y aurait une analyse surement plus contradictoire à faire. Quoiqu’il en soit, si nous croyons à la politique, nous ne pouvons réduire le glissement à droite à un mouvement mécanique et inéluctable, c’est l’état du rapport de force idéologique. Lorsque le parti communiste français substitue la notion de « courage » à celle de choix de société, il prend ses responsabilités dans le recul idéologique.
Oui, nous avons une responsabilité dans ce qui arrive. En renonçant à l’unité de la gauche de transformation sociale, nous nous sommes mis en situation d’inefficacité politique, et donc d’inutilité. Le yoyo stratégique a produit de la confusion. Battre la droite et réussir à gauche. Mais comment ? Sans stratégie c’est de l’incantation. J’entends et je partage les camarades qui soulignent toute les difficultés et les contradictions pour réussir l’unité du camp antilibéral. La désertion de la LCR, mais aussi les difficultés idéologiques comme le rapport au travail ou le nucléaire, les difficultés à agréger de nouveaux acteurs (la jeunesse, les internautes, les syndicalistes, les stagiaires, les sans-papiers…). Toutes ces difficultés ne me conduisent pas à renoncer. Parce que renoncer c’est opter soit pour le repli sectaire, soit « pour le congrès de Tours à l’envers ». Ne pas renoncer c’est prendre la mesure du réel pour faire bouger les lignes. C’est vrai tant de la crise de la politique que de celle du communisme. De ce point de vue, avoir voulu imposer Marie-George comme candidate du rassemblement,  était un préalable incompatible avec la réussite du rassemblement. Oui, l’espace antilibéral n’est pas un long fleuve tranquille. Oui l’union est un combat. J’attends de mon parti qu’il en soit un acteur majeur.
Après le score des présidentielles, le groupe communiste est en danger. N’ayons aucune illusion, quelque soit le résultat du 6 mai, la droite restera extrêmement mobilisée. Dans beaucoup de nos circonscriptions c’est elle qui nous met en danger. Nulle part, ne devrait se poser la question du candidat unique de la gauche dès le premier tour face à Le Pen, comme ce fut le cas pour 6 de nos députés en 2002. Quant à la mansuétude du PS, qui d’ores et déjà travaille à la recomposition au centre, elle sera dans le meilleur des cas très modeste…
Pour maintenir nos positions nous n’avons pas d’autre issue que de renouer avec l’unité de la gauche antilibérale. Les derniers mois ont produit des blessures. La LCR pose des conditions inacceptables.  Là encore et dans un délai très court, il faut être les combattants de l’unité. Il n’est pas trop tard.
Faire du rattachement administratif le préalable à l’unité – préalable que nous n’avons jamais posé au PS –
c’est rendre impossible l’unité
[1]. Ne commettons pas la faute qui porterait l’estocade à notre parti.
J’ajoute qu’en cas de victoire Sarkozy, et quelque que soient ses engagements, l’hypothèse de municipales à l’automne 2007 ne peut être écartée. En conséquence l’enjeu de préservation de pôles de résistances locaux deviendrait un sujet immédiat. Mais ne nous y trompons pas, le PS, dans le rapport de force actuel, ne fera aucun cadeau ; et le mouvement de recomposition politique à l’œuvre dans les présidentielles trouverait là un champ d’application concret : nous serions évincés ou marginalisés. Là encore notre capacité à être au cœur d’une convergence des forces les plus ancrées à gauche – et dans un spectre large (je pense aussi à ceux, qui dans le PS, seraient en désaccord avec la recomposition au centre) – sera nôtre seul garantie.
Nous sommes interrogés sur l’opportunité d’un congrès à l’automne. Il est clair, qu’après un tel échec, les communistes ont et auront besoin de se parler. Mais si c’est pour regarder et analyser la société, ça nous l’avons déjà fait. Peut-être faut-il enfin nous interroger sur nous. Dans plusieurs sections importantes du Val de Marne, nous avons quasi autant d’appel à voter, autant d’huma « spécial élection » que de voix. Au niveau national nous avons un rapport de 1 à 5 entre notre nombre d’adhérents et nos voix. Oui une part importante du corps militant s’est engagée à fond, les communistes ont mené une belle campagne, mais avec quelle rentabilité ? Combien des nouveaux électeurs se sont portés sur notre candidature ? Nous sommes maintenant dans l’entre-soi. Quelle métamorphose devons-nous opérer pour sortir de cette ornière ? Quels sont les leviers de la transformation sociale ? Comment se construisent et se déconstruisent les idées ? Comment dépasser la crise structurelle du communisme ? L’ampleur de la tache est immense. J’ai de fort doute sur notre capacité à l’affronter dans une période électorale. Nous serons à quelques mois des municipales (si elles ont lieues en 2008). J’attends de ce rendez-vous qu’il décide d’une stratégie politique pour les municipales et les cantonales. J’attends qu’il fixe les grandes lignes des chantiers à ouvrir.


 

[1] Derrière le rattachement administratif, il y a le financement public des partis politiques. Si notre objectif est financier, faisons mieux les comptes. En prenant la base optimiste du résultat obtenu aux législatives de 2002, le financement public compenserait à peine les crédits engagés dans les plus de 500 circonscriptions dont les campagnes ne seraient pas remboursées. Si l’objectif est politique, à savoir éviter –  comme le dit Michel Laurent – l’émergence d’une 4ème force à la gauche du PS, ne pensons pas que la division est la meilleure arme.

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