Isabelle Lorand au CN du PCF du 26 février 2007

En prenant la décision – sous la pression des orthodoxes – de renoncer à la stratégie du rassemblement, nous avons fait un choix aux lourdes conséquences électorale, idéologique, et organisationnelle.
Nous avions dit que dans un contexte du « tout sauf Sarkozy » et d’un corps électoral frappé par le syndrome du 21 avril, la division de la gauche d’alternative conduirait à son affaiblissement et nourrirait le bipartisme. Tous les indices semblent confirmer aujourd’hui que nous avions raison. Au-delà de ce que nous avions envisagé, la division produit plus que l’effet « vote utile ». Elle aboutit à l’effet « vote inutile ». Quelque soit l’empathie pour un candidat et ses idées, il y a un seuil de score prévisible qui rend « inutile » le vote. Malheureusement le risque de réitérer la catastrophe de 2002 est tel, que nous réduisons notre ambition à espérer franchir la barre symbolique des 5%. Catastrophe, dont nous connaissons tous les effets collatéraux sur l’existence d’un groupe communiste à l’assemblée nationale, puis ensuite sur notre implantation territoriale.

Plus qu’un changement de stratégie, c’est un abandon de stratégie qui a eu lieu. Difficile d’être à la fois porteur d’une culture identitaire étroite et d’incarner le rassemblement, difficile d’avoir pour slogan « la gauche populaire et antilibérale » et d’affirmer que nous ne sommes pas du camp antilibéral mais de celui de la gauche. Ce déficit handicape franchement la candidature de Marie-George, qui au lieu d’incarner un véritable projet de société, un cap pour la France, apparaît réduite à défendre un programme de gouvernement.
Si cette ligne incertaine reposait sur l’illusion que, ce faisant, nous bénéficierions de la bienveillance ultérieure du PS, nous ferions preuve d’une bien grande naïveté. En France, comme partout dans le monde, la social-démocratie ferait volontiers l’économie d’une radicalité politique et sociale. D’ailleurs, le PS n’hésite pas, dans la seule circonscription communiste du Val de Marne, à porter une candidature unitaire – MRC, PS, PRG – pour nous battre. Avant gout de ce qui pourrait se développer dans nos villes en 2008. Des alliances pour nous battre au premier tour. La seule garantie d’union avec les socialistes, c’est l’existence forte sur l’échiquier politique de la frange la plus radicale de la gauche.


Enfin sur le plan organisationnel, l’abandon brutal de l’orientation a blessé trop de camarades qui se sont sentis trahis voire manipulés. Certains d’entre nous regrettent la décision, mais devant le risque de disparition du parti décident de relever les manches. D’autres, refusant de cautionner ce qu’ils apprécient comme une faute historique, se sont mis en congés de parti. Il y a même des départs. Et certains camarades pensent – à tort au à raison – que la candidature de José Bové peut permettre le rassemblement de la gauche antilibérale. Le parti ne s’est jamais renforcé en s’épurant. C’est un parti amputé qui est en campagne. Amputé voire éclaté. D’ores et déjà, André Gerin demande un congrès extraordinaire, d’autres annoncent «qu’on fera les comptes après les élections». En vérité, le volontarisme inhérent à une campagne – s’il peut nous doper – ne doit pas nous aveugler. C’est l’existence même du parti qui est en danger. Et qu’on ne se raconte pas d’histoire, la responsabilité nous en reviendra – à nous – la direction du parti. Ni le score de 2002, ni la stigmatisation des communistes unitaires ne nous en dédouanerons. Et encore moins si nous pensions la rejeter sur le corps militant qui n’aurait pas été « prêt ».


Ce conseil national peut être celui de la raison. Il est encore temps de bien faire. Proposons à tous les candidats de la gauche antilibérale de se rencontrer pour trouver les conditions de l’unité pour les présidentielles comme pour les législatives. Les législatives sont une étape à ne pas manquer. Les antilibéraux doivent peser dans la prochaine assemblée. L’esprit de partage des responsabilités et des présences publiques doit s’imposer : les communistes se grandiraient à s’y employer. Il faut donner les signes du désir d’aboutir vraiment et sincèrement pour que, contre la droite rassemblée, la gauche la plus déterminée soit capable de donner enfin le ton. Et autant le dire clairement, conditionner l’unité au rattachement de nos partenaires au parti, c’est comme conditionner le rassemblement à la candidature de notre secrétaire nationale, c’est voué à l’échec. Pourquoi, ce qui est naturel avec le PS, dans un accord chacun compte pour un, ne le serait pas avec les partenaires de la gauche antilibérale ?


Enfin, je souhaite alerter sur la crise institutionnelle que constituerait l’exclusion du choix démocratique des candidats n’ayant pas obtenu les 500 signatures. Signatures qui ne sont pas des soutiens mais des validations. Ne pensons pas que la sanction qui toucherait les formations responsables nous épargnerait. C’est la crise de la politique partisane qui serait globalement aggravée. Pour un bien piètre avantage numérique, c’est la rupture durable avec les autres composantes de la gauche antilibérale que nous décréterions ainsi. J’ajouterai qu’il serait vraiment fort de café, si après Brice Hortefeux, Sarkozy appelait les élus UMP à donner leur signature, et apparaissait ainsi comme le défenseur de la démocratie. Encore un terrain, laisser vacant par la gauche – et pas le moindre – qui finirait par être occupé par le candidat de l’archi-droite !

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