Contribution de la LCR pour un débat avec le PCF

Le vote du 29 mai a crée des conditions nouvelles pour toutes les forces qui combattent le libéralisme. Par sa nature de classe incontestable et la mobilisation de la jeunesse et des travailleurs qui l’ont permise, elle nous donne des responsabilités importantes. En effet si ce vote indique d’une manière évidente le rejet de décennies de politiques dominées par la dégradation des conditions de vie de la grande majorité de la population, il ne donne pas par lui-même les contenus et les voies d’une alternative réelle. Il affirme une espoir et nous donne la responsabilité d’élaborer et de proposer des réponses.

En effet la situation sociale et politique que nous vivons tous et toutes depuis le 29 mai nous rappelle chaque jour que notre vote n’a pas suffi à arrêter le rouleau compresseur du libéralisme qui détruit nos droits sociaux et les libertés publiques . Les révoltes qui ont explosé dans certains quartiers populaires, suite aux provocations de Sarkosy en direction des jeunes de ces cités, témoignent de l’état de crise que connaît la société et des tensions qui en résultent. Des années de libéralisme ont condamné des secteurs entiers de la population à être victimes de la relégation sociale, de l’injustice, du racisme. L’exploitation politique que le gouvernement et la droite font des évènements se traduit par un cours autoritaire et répressif lourd de dangers. La scandaleuse instauration de l’état d’urgence, et sa prolongation, est une atteinte à la démocratie et une grave menace pour les libertés.

Il est d’une extrême gravité que la direction du PS, et certians secteurs de la gauche, cédant aux appels à l’union nationale de la peur aient jugé bon de cautionner la politique gouvernementale d’instauration de l’état de guerre sociale. Même s’il s’est repris et n’a pas voté la prolongation demandée par le gouvernement le PS a ainsi encouragé ce dernier à poursuivre et aggraver sa politique répressive contre les lycéens, les syndicalistes, à décréter « illégales » les grèves…

La première urgence est de mobiliser dans l’unité la plus large possible pour imposer la levée immédiate de l’état d’urgence, l’arrêt de toutes les mesures d’exception et de répression, l’amnistie des jeunes et des syndicalistes condamnés pour leur participation à des actions collmectives.

La nécessité de l’unité

La victoire du 29 mai n’aurait pas existé sans la domination du non de gauche. Et cette dernière aurait été impossible sans le souffle unitaire qui a rassemblé des militants et structures politiques, syndicales, associatives, altermondialistes. Dans ce rassemblement, le rôle joué par le PCF et la LCR, quand ils ont poussé dans le même sens, n’a échappé à personne. C’est pourquoi il convient de préserver cette collaboration, de se garder de ce poison du mouvement ouvrier qu’est le sectarisme. Tout d’abord par la mise en œuvre de campagnes communes proposées par nos deux partis, quand elles sont possibles, et il n’en manque pas. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait ensemble, en solidarité avec la SNCM, contre la privatisation d’EDF, pour la défense du service public. Nous convergeons aussi contre la politique autoritaire et sécuritaire du gouvernement. Mais si ce rapprochement est nécessaire ce n’est pas seulement d’un tête à tête que l’antilibéralisme a besoin. Bien au contraire il nous faut maintenir ensemble et développer tous les cadres unitaires de débat et d’action, notamment les collectifs du 29 mai. C’est un cadre qui a acquis sa légitimité dans l’action et qu’il faut privilégier à tout autre  comme lieu d’élaboration, de confrontation et d’action, un cadre qui a fait ses preuves et qui constitue un outil indispensable. Plus largement, pour nous la première tâche est de construire un front politique et social capable, par une mobilisation d’ensemble des travailleurs et de l’ensemble de la population laborieuse, de mettre dès aujourd’hui en échec une politique de destruction des acquis sociaux dont la révolte des banlieues n’est que l’une des conséquences.

Approfondir le débat

Au sein de ce mouvement antilibéral existe un débat sous-jacent qu’il nous paraît indispensable de faire avancer. Face à la gravité des attaques, certains imaginent que l’on pourrait faire reculer le libéralisme par une simple projection en arrière. Comme si « la parenthèse » que Mitterrand avait dit avoir ouverte en 1983 allait se refermer. Or ce que nous vivons n’est pas « une parenthèse », mais une période fondamentalement nouvelle dans l’histoire du capitalisme. Le fond de notre pensée est qu’il ne sera pas possible d’en finir avec le libéralisme sans des ruptures profondes qui mettent en cause les racines de ce système lui-même, une alternative anticapitaliste. Tout ou presque nous y ramène. Le bilan du gouvernement de la gauche plurielle, tout d’abord, dans lequel le PC, comme les Verts ont été enferrés dans une orientation sociale-libérale désastreuse pour les travailleurs et pour l’image de la gauche. La question européenne ensuite. Aucune politique progressiste nationale et européenne ne peut s’imaginer dans le carcan des principaux traités libéraux, et  sans une rupture avec la logique même de la construction européenne depuis ses débuts, prolongée par les accords de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice. Jeter de nouvelles bases permettant une convergence sociale et démocratique pour nos peuples passera par des changements tels que seule une Assemblée Constituante européenne aurait la légitimité des les assumer. Il en est de même pour les institutions de la Cinquième République. On voit encore ces jours ci à quel point elles sont antidémocratiques. Donner vraiment la parole au peuple ne se fera pas seulement « par en bas ». Il faut une vraie rupture avec les institutions de la Vème république. La vérité est que dans le cadre de ces institutions, on ne peut imaginer aucun gouvernement réellement de gauche. Si l’on
quitte maintenant le terrain institutionnel pour en arriver au cœur de la question, celle d’une politique qui fasse tourner le monde à l’endroit, on saisira aisément que rien de fondamental et de durable ne peut être établi si le pouvoir des capitalistes n’est pas remis en cause.

L’urgence sociale est indissociable de l’urgence démocratique. C’est le régime de propriété des moyens de production qui devra être contesté, ce qui est le sens profond d’une alternative anticapitaliste. Par une autre répartition des richesses, par la fin du tout-profit qui ruine la nature, en opposant une logique des besoins sociaux à celle du profit capitaliste, par l’arrêt de toutes les privatisations, le retour dans la propriété publique de toutes les privatisations faites par les gouvernements de droite comme de gauche et, au delà par l’appropriation publique et sociale des secteurs clé de l’économie, par le contrôle des travailleurs sur la marche des entreprises et de l’économie, par la reconnaissance du droit de tous et de toutes à un emploi stable, correctement rémunéré, ce qui implique l‘abolition du droit patronal de licencier, souvent dans entreprises qui font du profit et licencient pour augmenter les revenus des actionnaires.

Rompre avec le social libéralisme

Si c’est bien cette politique que l’on vise, comment pourrait-elle être compatible avec le social-libéralisme ? Ceci fait débat entre nous. Comme nous l’avons montré à de multiples reprises, la LCR ne confond aucunement la gauche et la droite. Pas plus nous que vous n’avons songé à inviter l’UMP au meeting unitaire de défense de la SNCM à Marseille ! Nous luttons au contraire pour l’union la plus large des partis, syndicats et associations de gauche quand il s’agit de résister à la droite et au patronat. Par ailleurs, contrairement à ce que vous dîtes souvent à notre propos, la question n’est pas que nous refusions les responsabilités gouvernementales. Nous sommes absolument prêts à participer à un gouvernement au service des travailleurs, un gouvernement de rupture avec le capitalisme, un gouvernement qui s’appuie sur la mobilisation et l’auto-organisation des classes populaires, mais pas à un gouvernement qui gère le  système capitaliste.

La question est ailleurs. Est-ce possible d’imaginer un tel gouvernement avec Blair, Schröder ou Prodi ? Ou par un compromis avec la ligne que vient de confirmer la majorité du PS ? L’anticapitalisme et le social-libéralisme sont incompatibles dans un gouvernement. Vous avancez aussi que dire cela est s’interdire de gagner une majorité contre la droite. C’est, selon nous, poser les questions électorales à l’envers : le 29 mai ne montre t-il pas au contraire que gagner la majorité des travailleurs à une alternative antilibérale est très loin d’être d’une utopie ? Et qu’est ce qui le rendrait plus facile, recoller les bouts avec le social-libéralisme comme certaines des  formules de vos documents ou déclarations l’indiquent, ou lutter ensemble pour gagner la majorité à une vraie politique de rupture ? La lutte pour un rassemblement anti-libéral conséquent donc anti capitaliste est incompatible avec la recherche d’accords gouvernementaux ou parlementaires avec le social-libéralisme. ll y a vraiment deux gauches dans le pays, l’une d’adaptation au capitalisme libéral, l’autre de résistance au libéralisme. Etre fidèle au message du 29 mai, mener une politique correspondant aux besoins sociaux amène à s’affronter aux intérêts capitalistes. Cela implique pour un gouvernement des choix radicaux qui permettront que les travailleurs le reconnaissent comme le leur et se mobilisent pour imposer ses choix, car nous le savons tous, les résistances réactionnaires seront fortes et déterminées.

L’heure des choix

D’évidence, l’heure de ces choix de fond est arrivé. Du votre dépend ainsi l’avenir immédiat. Beaucoup regardent vers nos partis comme vers les autres forces mobilisées dans le combat antilibéral et anticapitaliste et souhaitent que nous puissions être tous unis, y compris lors des élections à venir. Cet espoir est légitime qui veut donner tout leur sens à la campagne et à la victoire référendaires, et nous le partageons. Mais, on le voit bien, ça n’a de sens que si c’est bien la dynamique profonde du non de gauche qui s’exprime, pas la recherche dangereuse de marier l’antilibéralisme et le social-libéralisme. Nous voulons construire un rassemblement  unitaire sur la base d’une alternative au capitalisme libéral, d’un programme anti-capitaliste  reprenant  des mesures d’urgence sociales et démocratiques, d’un refus de toute alliance gouvernementale ou parlementaire avec les sociaux libéraux, d’une  perspective de transformation radicale de la société. Si ce rassemblement voit le jour se créeraient alors les conditions pour présenter des candidatures unitaires, associant largement, les courants et les militants partie prenante de la victoire du 29 mai, et notamment nos deux partis. Cela se ferait au  bénéfice de cette alternative dont la jeunesse et les travailleurs de ce pays ont tant besoin, et qui s’est tant faite attendre déjà.

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