25/11/2005 sur la politique de la Ville

Conseil général des Hauts-de-Seine – Séance du 25 novembre 2005 – Intervention de Catherine Margaté – Présidente du Groupe Communiste – sur la « Politique de la ville »

De très graves évènements se sont produits dans les quartiers populaires de plusieurs villes de France, notamment en région parisienne et notre département n’a pas été épargné.

La situation actuelle est le produit de très longues années de sous-estimation de la gravité des problèmes posés par ce que certains appellent la « crise urbaine », à laquelle les gouvernements successifs se sont refusés à répondre, favorisant les logiques libérales qui cassent les droits et les solidarités.

Les évènements qui ont agité notre pays ne sont pas des évènements conjoncturels.

Non ! Monsieur le président, tout le monde n’avait pas nié les problèmes posés.

Bien au contraire cela fait longtemps que des élus locaux, des responsables d’associations, tous ceux et celles qui se mobilisent sur le terrain pour la solidarité, la citoyenneté, la prévention avaient tiré la sonnette d’alarme sur ce qui se passe dans les quartiers où toutes les inégalités, toutes les souffrances s’accumulent.

Les jeunes eux-mêmes de Seine Saint Denis qui avaient manifesté, il y a quelques années, sous le mot d’ordre «Nous ne sommes pas des moins que rien » n’avaient-ils pas exigé des moyens pour les lycées et les collèges de leur département ? Ils avaient alors obtenu des moyens supplémentaires qui, par la suite, ont été réduits par les restrictions budgétaires des rentrées scolaires successives.

Bien sûr, le groupe communiste qui agit pour plus de services publics, ne peut accepter que l’on détruise des crèches, des écoles, des gymnases, des bus ou des rames de RER, alors que depuis des années, le pouvoir réduit les moyens affectés à ces équipements comme il réduit ceux des collectivités territoriales et des associations.

Le groupe communiste ne peut accepter non plus que l’on brûle des voitures, que l’on dégrade des habitations, de surcroît dans des quartiers déjà malmenés où vivent des populations souffrant de la baisse du pouvoir d’achat, du chômage et de la précarité.

Vous avez dit, Monsieur le Président, « la première cause de la désespérance, de la violence dans les banlieues ce ne sont pas les discriminations, ce n’est pas l’échec de l’école. La  première cause du désespoir dans les quartiers, c’est le trafic de drogue, la loi des bandes ».

Nous ne sommes pas d’accord sur le fond avec cette analyse. Sur le point précis des trafics, depuis longtemps, élus, associations et habitants de ces quartiers dénoncent le manque de moyens pour lutter efficacement contre les trafics de drogue.

Mais qu’attend le gouvernement pour s’attaquer véritablement à l’économie parallèle et aux trafics de tous genres jusqu’au niveau international pour atteindre, dans les paradis fiscaux, ceux qui blanchissent l’argent sale, profitent et mettent en place les réseaux locaux ?

***

Nous disons clairement non aux violences mais aussi non à l’état d’exception. Les banlieues veulent la fin des violences mais surtout pas le retour à la situation antérieure comme si rien ne s’était passé. Car il ne s’agit pas là d’une crise des banlieues mais d’une véritable crise de société.

Vos propos irresponsables, stigmatisant une partie de la jeunesse et attisant les souffrances ne changent rien à cette réalité. Les jeunes dans leur grande majorité vivent plus mal que leurs aînés parce qu’ils sont victimes d’exclusion, de ségrégation, victimes d’une société qui leur refuse un avenir et qui ne leur donne pas confiance en eux.

Qui dira la violence de l’échec scolaire ?  Quand va t-on enfin donner les moyens nécessaires à l’école pour en faire celle de la réussite pour tous ? 

Un élève sur cinq dans notre pays est concerné par les ZEP et les analyses chiffrées montrent que les efforts financiers ne sont pas à la hauteur.
–          1,5 milliard d’euros, c’est ce que coûte au budget de l’Etat, le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5% de la valeur ajoutée.
–          0,5 milliard d’euros, c’est l’effort annuel consacré aux zones d’éducation prioritaire. Son montant pourrait être triplé par l’annulation du plafonnement de la taxe professionnelle.

Qui dira la violence du chômage ? Quand des quartiers comptent de 30 à 40% de chômeurs, quand pour les jeunes la précarité est la règle pour tous, quand les profits du CAC 40 explosent alors que l’assurance chômage diminue.

Quel avenir pour les jeunes ? Quelle formation ? Quel emploi ? Quand au plus fort des problèmes, Citroën Aulnay licencie des centaines de jeunes intérimaires dont un grand nombre de jeunes des quartiers populaires, quand les grands groupes licencient au nom de la rentabilité pour les actionnaires, quand les services publics dégraissent leurs effectifs.

A quand le couvre feu pour les licenciements ? 

Qui dira la violence des suppressions de crédits pour les associations qui font un vrai travail de terrain ? Avant cette crise, le gouvernement avait prévu de supprimer 399 millions d’euros au budget de la politique de la ville. Il en rétablit, aujourd’hui, 193 millions, bien loin de la dotation initiale, bien loin des besoins.

Quant aux subventions aux associations, elles connaissent depuis 2002, une diminution constante : 180 millions en 2002, 146 en 2003, 132 en 2004, 109 en 2005 et 107 prévus pour 2006.

Il faut aller constater sur le terrain les conséquences de ces diminutions de crédits pour le Fonds d’action sociale, des crédits si utiles aux actions comme l’alphabétisation ou la connaissanc
e de leurs droits notamment pour les femmes immigrées. Comment expliquez-vous, Monsieur le Président, les diminutions des crédits 2005 destinés au CLSPD ?

Dans le même temps, la majorité UMP adopte un budget qui fait financer des cadeaux aux plus fortunés et aux entreprises par les collectivités locales. Il fallait le trouver en pleine crise !

Il fallait entendre l’inquiétude et la colère des Maires au congrès des Maires, concernant les ressources des collectivités locales, en premier lieu ceux des villes les moins riches qui ont de plus en plus de charges et de moins en moins de moyens.

Qui dira la violence des humiliations, des discriminations ? J’ai été très frappée d’entendre tous ces témoignages de jeunes gens et jeunes filles dans ces quartiers qui, s’ils condamnaient pour la plus part les exactions, étaient unanimes pour dénoncer le racisme dont ils sont l’objet alors que l’immense majorité de ces jeunes sont Français.

Pour eux, l’écart est de plus en plus grand entre les idéaux de notre République – Liberté, égalité, fraternité, laïcité – et ce qu’ils vivent au quotidien, résultat d’une politique ultralibérale qui aggrave les régressions sociales et démocratiques.

Qui dira enfin la violence de cet apartheid territorial, instituant dans les faits l’interdiction de se loger dans toutes les villes d’Ile de France ; la violence de ce rejet de toutes villes qui refusent les 20% de logement social (plancher nécessaire à la solidarité) ? La question du droit à la ville aujourd’hui se pose avec force : il ne peut y avoir d’un côté des ghettos de riches et de l’autre des ghettos de pauvres.

Oui l’heure est à l’état d’urgence ! Mais pas un état d’urgence du couvre feu, de sinistre mémoire colonialiste mais l’état d’urgence social, culturel, démocratique pour l’égalité des besoins, l’égalité des droits, pour la promotion et le développement des services publics, facteurs essentiels de l’égalité territoriale, de cohésion sociale.

L’urgence est à engager avec les populations concernées, un véritable dialogue, montrant la détermination des pouvoirs publics à prendre leurs problèmes et leurs souffrances  en considération et y apporter des solutions. Ce dialogue qui doit être développé dans un esprit de détente et non dans une logique de déploiement de forces répressives. Cela suppose la mise en place immédiate de dispositifs de police de proximité et de partenariats entre tous les acteurs concernés : police, gendarmerie, justice, élus locaux, associations, Education nationale, réseaux de transports, bailleurs sociaux…Notre département, le plus riche de France, dans cette situation, doit prendre ses responsabilités pour changer la ville, changer la vie et notre groupe avance des propositions en débat mais aussi pour leur mise en œuvre effective.

Tout d’abord, il faut une action exemplaire du département dans le domaine de la prévention. Cela passe :
–          par l’attribution des moyens nécessaires comme nous le demandons depuis des années pour les clubs de prévention dans les villes qui en font la demande,
–          par une aide accrue aux associations qui ont des projets et qui par faute de moyens ne peuvent les mettre en œuvre.

 Dans le domaine de l’emploi par :
–          prendre des initiatives en direction des responsables d’entreprises pour que soit mis fin aux actes de discrimination à l’embauche et accorder une priorité forte aux jeunes issus des quartiers les plus en difficulté
–          que l’attribution des fonds publics du Conseil général soit conditionnée à des politiques non discriminatoires à l’embauche, aux stages de formation et au maintien et au développement de l’emploi.
–          agir pour la défense, la promotion, le développement des services publics, comme la poste, les centres de sécurité sociale ou d’EDF, facteurs essentiels de l’égalité territoriale et d’accès aux droits
–          travailler à la valorisation concrète, en liaison avec l’inspection académique, des filières médico-sociales pour des formations qualifiantes débouchant sur des emplois stables dans le domaine médico-social.Dans le domaine du logement et de l’habitat :
–          prendre l’engagement d’accompagner toutes les rénovations urbaines des quartiers
–          augmenter de 50% le budget habitat et logement pour revenir au niveau des 63 millions d’euros du budget 1996
–          arrêter la vente du patrimoine de l’OPHDLM qui aura pour résultat la diminution du nombre de logements sociaux alors qu’il en manque tant
–          A l’heure où J. Chirac, dans son adresse à la nation en appelle à la construction de logements sociaux afin que soit respectée la loi Gayssot, dénommée par les médias la loi SRU,  exiger que les 17 communes de notre département, toutes dirigées par la droite, respectent cette loi.Dans le domaine de l’enseignement :
–          Abonder les crédits de fonctionnement dans tous les établissements classés en ZEP ou en REP, mesure qui permettrait de meilleures conditions d’études, de réduire les inégalités et de progresser vers une véritable gratuité de l’école.
–          Aller plus vite dans la rénovation et la construction de nouveaux collèges, anticiper, ne pas répondre seulement lorsque les collèges craquent ; desserrer les effectifs avec des collèges ne dépassant pas 600 élèves voire 500, en priorité pour les REP ou ZEP
–          Rétablir les bourses pour les lycéens et étudiants qui conce
rnent les jeunes qui en ont le plus besoin, des besoins reconnus puisque la limitation du nombre de bourses avait été supprimée et permis l’attribution d’un plus grand nombre de bourses. (rapport d’activité des services 2004).

–          C’est une véritable supercherie de justifier cette suppression pour des projets comme le Pass92 – pour lequel nous demandons un bilan, ville par ville – ou de projets jeunes. Ce ne sont pas les mêmes aides financières et elles ne répondent pas aux besoins sociaux, tellement importants au moment de la rentrée scolaire.
–          Une bourse « collégiens » de 150 euros notamment pour les familles les plus défavorisées est une urgence. Nous l’avons dit, nous ne lâcherons pas.Nous demandons l’évaluation des mesures annoncées, une véritable évaluation car derrière « la grande diversité des actions en direction de la jeunesse », « l’originalité de la politique de notre département » reste surtout, au travers de ces actions, de ne permettre  toujours qu’un petit plus pour un certain nombre d’élèves. Sur le fond, elles ne règlent rien face à l’inadéquation des réponses apportées aux problèmes rencontrés dans les établissements car ces réponses dépendent avant tout de l’Education nationale. Nous avons dans notre département 54 646 collégiens dans le public : 524 sont concernés par le dispositif Prémis, 200 par le plan de la réussite, et pour les 94 collèges, seulement 33 bourses à projets sont financées et 63 soutien-actions.

–          Les internats scolaires prévus, aujourd’hui, ont remplacé ce que vous nous aviez annoncé : des internats « d’excellence pour jeunes méritants » qui auraient renforcé la ségrégation scolaire. Les critères ont évolué et peuvent répondre aux besoins de familles et de jeunes, en grande difficulté, d’étudier dans de bonnes conditions. –          Le Pôle Léonard de Vinci : laboratoire de la promotion sociale. Vous connaissez notre position, elle n’a pas changé. Qui mieux que les universités, les IUT, qui mieux que les services publics de l’Education Nationale peuvent travailler à cet objectif ? Il est vraiment grand temps de rendre au service public ce pôle qui ne fonctionne que sur deniers publics (17,4 M€ pour 1700 étudiants).Vous nous proposez la création d’une école de la deuxième chance ! Nous l’avions proposé, nous-mêmes, il y a quelques années, lors de la discussion sur la charte des Hauts-de-Seine.Enfin, le groupe communiste souhaite que les discussions et le travail en commun des élus engagés dans le cadre de la révision du Schéma Régional D’Ile France, aient pour but principal de réduire les inégalités sociales et territoriales qui s’accroissent, comme le montrent toutes les études menées en Ile de France y compris dans notre département.

Laisser un commentaire