21-10-05 l’action sociale du département

SEANCE DU CONSEIL GENERAL DU 21 OCTOBRE 2005 – RAPPORT N°05.352 – Intervention de Nadine Garcia

Dans ce rapport, vous rappelez les trois grandes priorités que vous avez retenues pour « réduire au maximum le temps de passage des personnes dans le dispositif RMI » :

 

-prime au nouveau départ pour les allocataires qui retrouvent un emploi, outre que c’est la reconnaissance que les montants des minima sociaux sont tellement bas que lorsqu’une personne trouve un travail, elle n’a pas les moyens de le prendre dans des conditions correctes, vous proposez cette prime dans des conditions très restrictives réservée au secteur marchand et avec une domiciliation d’un an minimum,

-expérimentation du recours à des professionnels du placement. Nous avons déjà exprimé notre opposition au marché passé avec des sociétés d’intérim, illustrant une confiance plus grande accordée à Manpower plutôt qu’au service public de l’emploi, je n’y reviens pas,

-convocation systématique des allocataires du RMI depuis plus de 3 ans qui n’ont pas de contrat d’insertion afin de redéfinir avec eux les conditions de leur retour à une activité professionnelle.

Concernant ce dernier point je tiens à vous exprimer nos plus grandes inquiétudes sur les conditions dans lesquelles se déroule le travail social aujourd’hui dans notre département en direction des personnes allocataires du RMI mais aussi dans d’autres domaines. De nombreuses associations ont réagi vivement notamment au sein des réunions des CLI et de nombreux travailleurs sociaux et administratifs sont conduits à exprimer une nouvelle fois leur désaccord « sur la forme comme sur le fond » et à agir pour être entendus, aucune concertation n’ayant eu lieu avec le personnel ni sur le redécoupage des unités territoriales ni sur les objectifs que le conseil général entend fixer à l’action sociale.

Lorsque je lis l’intitulé du rapport « mise en œuvre des états généraux des Hauts de Seine », et que je vois la contestation qui s’exprime autour de votre politique, cela montre bien que nous avions raison de dire que ces états généraux étaient un processus aux antipodes d’une véritable démocratie participative prenant en compte l’opinion des acteurs et des personnels de notre département.

Concernant les allocataires du RMI, vous dites vouloir réduire au maximum le temps de passage des personnes dans le dispositif RMI, bravo mais de quelle manière en leur permettant de retrouver un emploi ou en multipliant les radiations ?

Les personnes vont être convoquées en entretien. Sans réponse de leur part au bout de 2 courriers, l’allocation est suspendue puis dans un deuxième temps les bureaux des CLI auront à statuer sur les radiations à effectuer dans des conditions qui ne permettent pas de décider avec le maximum d’avis et de connaissance des situations. En effet, auparavant siégeaient dans les Cli, des associations, des travailleurs sociaux, des élus qui connaissaient les situations des personnes et pouvaient permettre de prendre une décision avec très peu de risque d’erreur. Ce qui est très important. Avant de prononcer une radiation, on n’a pas le droit à l’erreur car on intervient soit sur une situation abusive (mais elles sont rares) soit sur une situation d’extrême précarité morale, psychologique et là les conséquences d’une erreur et d’une suppression de l’allocation peuvent être dramatiques.

Les nouvelles dispositions que vous avez prises me conduisent à préciser à nouveau que pour réaliser un travail social de qualité, on ne peut pas faire d’économie ni de temps ni de personnel qualifié. J’ai bien conscience que cela est difficile à comprendre pour des tenants de l’ultralibéralisme mais c’est ainsi.

Aussi, fixer des objectifs de rendement sur les contrats d’insertion comme on le ferait pour n’importe quelle autre marchandise est insupportable. Bien évidemment, il est de l’intérêt des allocataires du RMI d’être reçus pour élaborer le plus rapidement possible un contrat d’insertion mais pour que cela soit efficace, il faut le faire dans de bonnes conditions. Or, pour pouvoir afficher un chiffre de 80% de contrats réalisés fin novembre, et prouver, j’imagine que vous détenez un record au niveau national, vous avez recruté des vacataires avec des objectifs de contrats déterminés. C’est ainsi qu’une CVS a vu ses effectifs augmentés de 6 vacataires pour un objectif de 1400 contrats. Combien avez-vous recruté de vacataires sur le département ? Ce chiffre est intéressant à connaître car cette situation démontre que nous avions raison lorsque nous demandions une augmentation des effectifs. Mais pour nous, il est évident que pour ce travail très difficile, il est nécessaire d’avoir un personnel qualifié et non précaire car une fois les contrats réalisés, quid du suivi des personnes ? Va t-on les oublier après l’affichage d’un taux de rendement à 80% ?

Les personnels de notre département alertent notre assemblée en nous disant que « Le travail social est en danger ». Ils posent avec beaucoup de courage des questions d’éthique et de déontologie sur les objectifs qui leur sont fixés et je tiens à dire que, pour notre part, nous leur apportons notre total soutien.

Enfin, nous avons pris connaissance avec effroi d’une note de service adressée aux responsables de circonscription de la vie sociale précisant qu’il convient de ne plus orienter ni maintenir des personnes dans les hôtels ayant fait l’objet d’un avis défavorable de la commission communale de sécurité ce qui est évident mais qui se conclut par ces termes « Dans les circonstances où il ne vous serait pas possible de proposer un hébergement à toute une famille, je vous rappelle que la responsabilité du Président du Conseil général en matière de protection de l’enfance est d’assurer la protection des mineurs. Il doit donc être proposé aux parents un accueil pour les enfants dans le cadre des dispositifs d’aide sociale à l’enfance ». En clair, pour les parents qui ne peuvent pas accéder à un logement, enlevez-leur leurs enfants et placez-les.

Comment pouvez-vous imaginer que des travailleurs sociaux allaient rester sans réaction face à une telle agression sur les familles les plus en difficulté et leurs enfants ?

De nombreuses voix alertent depuis des années sur le traumatisme vécu par les enfants lors d’une séparation. En juin 2003, le ministre délégué à la famille suite au rapport remis par Pierre Naves estime que trop d’enfants sont séparés de leur famille, que « ces placements constituent par leur nombre et leur retentissement un problème de société ».

Séparer un enfant de ses pa
rents est toujours très délicat.

Mais enlever un enfant à ses parents pour des raisons financières, ce n’est pas de la protection, c’est de la maltraitance.

Il y a d’autres solutions. Le 8 mars 2002 je demandais au Président « d’indiquer à la représentation départementale quelles dispositions seront prises pour que des solutions humaines respectueuses du droit des femmes et des enfants soient mises en œuvre afin que les familles concernées puissent être hébergées en urgence d’une manière digne, correspondant à notre époque et à nos moyens ».

Le Président Pasqua après avoir lu une réponse avait ajouté « en dehors de la lecture de cette note, que l’on m’a préparée, je voudrais ajouter deux ou trois choses.

D’abord, Madame Garcia a parfaitement raison de mettre l’accent sur l’incohérence qui existe à trouver, dans un même lieu, le CASH et un hébergement avec des familles. C’est totalement incohérent.

Ensuite, je ne voudrais pas donner le sentiment, quels que soient les efforts que nous avons déjà fournis, que le département se dit qu’après tout, c’est à l’Etat de le faire et qu’il n’a qu’à se débrouiller.

Ce type de situation n’est pas acceptable. Par conséquent je souhaite que les services du département nous fassent rapidement des propositions précises, d’une part quant aux mesures qui pourraient être prises pour contribuer à régler plus humainement et plus rapidement ces problèmes. D’autre part, je pense qu’il ne faut écarter aucune solution, y compris l’achat de locaux, ect. Tout ceci ne peut se faire que par l’intermédiaire de l’Office départemental auquel nous donnerions les crédits nécessaires. On ne peut pas rester dans cette situation. Ce n’est pas possible».

J’ajouterai que votre décision est non seulement inhumaine mais également irréaliste car, face à de réelles questions de protection des enfants, notre département ne dispose pas de structures suffisantes pour répondre aux besoins importants dans notre département si je me réfère aux conclusions de l’étude réalisée par le comité des Hauts de Seine de l’UNICEF ; notre département, qui, vu de loin paraît plutôt favorisé, comporterait environ huit mille enfants en danger, c’est à dire près de 10% des enfants en danger dans la France entière. Or, nous disposons de moins de 80 places dans les structures d’accueil pour les enfants de moins de 13 ans, de moins de 25 places pour les garçons de plus de 13 ans et d’aucune pour les filles de cette tranche d’âge.

Monsieur le Président, nous sommes devant une situation d’urgence. Malgré les nombreuses interpellations, il n’y a pas eu d’anticipation sur des solutions à mettre en œuvre. Je vous demande de prendre dès aujourd’hui les dispositions financières nécessaires pour faire face aux situations douloureuses que nous allons rencontrer notamment suite à la fermeture d’hôtels meublés, de revenir sur la décision inique de séparer, à cette occasion, les enfants de leurs parents et de nous proposer des mesures humaines respectant le droit des enfants.

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