Politiques et mouvement social

Une tribune parue dans l’Humanité du 10 septembre 2003
La question du rapport politique et mouvement social est posée par tous. Mais les réponses apportées sont-elles bien différentes des solutions passées. Hypothèse sur de nouveaux champs de réflexions, sur un petit bout du débat qu’il ne faudrait pas occulter…

L’idée de donner une traduction politique au mouvement altermondialiste, au mouvement social est présente dans les déclarations des partis politiques. Des actrices et acteurs du mouvement social se posent la question de leur participation aux prochaines élections, soient parce que des politiques leur demandent, soit parce qu’ils veulent apporter un débouché au mouvement social sur le champ du pouvoir. Certains répondent oui, d’autres « non car chacun son truc ». Il existe une recherche d’une voie nouvelle mais au final on ne voit pas grand-chose de neuf émerger. Derrière les formules : vouloir tirer les leçons de l’échec de la gauche plurielle, ne pas refaire comme avant, faire l’inventaire, faire du neuf en politique ou la création d’un grand parti anti-capitaliste il n’est pas sûr que les différentes formations politiques, voire les acteurs du mouvement social eux-mêmes, aient vraiment tirées les leçons de l’expérience de la gauche plurielle et plus largement poussé le débat sur LE POUVOIR. Cela dépasse rarement le niveau : « cela aurait été mieux si toutes nos propositions avaient été mise en œuvre ! » Certes pour changer de société les questions des contenus, du projet politique, de la détermination à les mettre en oeuvre sont incontournables mais pas suffisant. La question de l’exercice du pouvoir doit être abordée car elle est plus compliquée qu’un débat entre « bons élus » et « mauvais élus ». Ainsi il me semble dommageable dans les débats actuels que la conception d’un rapport de supériorité du politique sur le mouvement social soit si souvent présente. Qu’il n’y ait pas de rupture avec le traditionnel accord programmatique (mais avec un bon programme !) avec des acteurs choisis par le politique et qui, de fait, « sortent » du mouvement social pour faire de la politique.
Faire du neuf en politique, en terme de contenus mais aussi de pratiques, mériterait pourtant de réfléchir sur des rapports nouveaux entre mouvement social qui fait parti intégrante des acteurs politiques de la société, partis et militants politiques et celles et ceux qui ont formellement le pouvoir. Réfléchir, pas nécessairement pour suivre en tout point l’hypothèse, sur quelque chose de nouveau qui semble émerger et montre une volonté des actrices et acteurs du mouvement social, et peut-être au-delà, de ne plus déléguer ses pouvoirs. Une volonté de l’exercer en permanence sur des élus qu’ils élisent non plus pour les représenter mais pour être leurs interlocuteurs. Si cette hypothèse se confirmait, cela bouleverserait complètement le rôle des partis (si adaptés à notre Vème République), la façon de construire une perspective politique, remettrait à égalité le mouvement social et les formations politiques dans leur rapport au pouvoir d’Etat, mais aussi à tous les niveaux. Peut-être y a t il là une réflexion à pousser, et critiquer, car l’expérience historique interroge celles et ceux qui veulent changer le système, celles et ceux qui proclament que d’autres mondes sont possibles, sur leur capacité à subvertir le pouvoir et non d’être subvertit par lui, capacité à dépasser l’Etat et non être dépassé par lui ? Une autre ère politique pourrait ainsi être défrichée car si le pouvoir corrompt, il ne faudrait pas l’abandonner par une nouvelle pureté révolutionnaire à ceux qui le détiennent aujourd’hui ou qui le détiendront demain!

Patrice LECLERC
Conseiller général des Hauts-de-Seine

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