vues de l’intérieur. Pierre Zarka dans Rouge et Vert du 20 avril 2003

Quand on connaît un peu le PC, la première chose qui frappe est que, pour la première fois, les confrontations qui traversent la sphère communiste ont eu lieu ouvertement. Une liberté de parole jusque-là assez rare a créé un climat nouveau. A la différence du 22e congrès où au moment de se défaire de la dictature du prolétariat, le PC passe la moitié de son temps à s’interroger sur.. la morale, ou encore au congrès de Martigues où tout ce qui semblait refuser que la stratégie choisie se limite à l’horizon des forces institutionnelles était hâtivement qualifié de “ marchaisien “ et isolé. Cette fois le refus de lenfermement dans le cadre institutionnel, la volonté de dépasser la dissociation du social et du politique, ce que veut dire entretenir de rapports avec d’autres “sur un pied d’égalité “ ou encore la nécessité de revoir la conception du parti “ en rompant “ avec l’héritage du 20e siècle, de le faire avec une participation qui dépasse les seuls membres du parti, “sur un pied d’égalité “, rien de cela n’a pris le congrès à contre-pied. Au contraire, ces questions ont été considérées comme autant de chantiers qu’il était nécessaire d’ouvrir. Le cordon sanitaire qui enfermait encore en juin dernier ceux que l’on considérait comme des dissidents devient poreux et la diversité n’est plus ce terme élégant pour désigner d’éternels minoritaires mais tout un chacun, “ majoritaires” compris. Ces déplacements ont d’ailleurs permis de battre les tentations les plus affirmées de retour vers le passé. Je connais suffisamment la culture profonde du parti et ce que vaut un texte pour ne pas prendre pour acquis ce qui ne l’est pas. Mais pour qui a donné le sentiment pendant longtemps de pratiquer une langue inconnue en son pays, ces changements ouvrent des espaces et donnent une légitimité nouvelle. La direction qui sort de ce congrès ne reflète guère ces mouvements. Mais, là encore, ce qui en découle est ambivalent. Disons d’emblée que pour faire partie du “ premier cercle “, le silence était d’or. Ce silence qui a marqué la participation de nombreux membres des exécutifs sortants, a été perçu comme un signe d’hésitation et mis au débit de la direction à venir, Ils sont peu apparus comme étant pour quelque chose dans le recul des tentations de se tourner vers le passé ou à faire preuve de créativité. La séance de psychodrame autour de l’élection du Conseil national que la presse a relevé est symptomatique moins on se concentre sur le contenu et plus le centre de gravité de l’affrontement se porte sur la direction et la répartition des pouvoirs. – Pour être franc, si on considère que les gueules de bois durent plus longtemps que les plaisirs des cuites mieux valait s’en tenir éloigné-. L’épisode qui a suivi, l’élection par le Conseil national des exécutifs regroupant ces silencieux dans une garde rapprochée et écartant qui aurait commis l’imprudence de s’engager nettement dans la recherche d’une stratégie alternative, ne grandit pas l’autorité de cette direction1. D’où cette ambivalence le congrès marque l’érosion des capacités d’organisation, de développement de l’appareil mais aussi ses capacités à produire une autorité étouffant l’initiative et le débat. Le PCF se trouve donc dans une situation d’instabilité profonde. Les portes de tous les possibles – les bonnes ou les pires- sont ouvertes. Quelle que soit la manière dont on le qualifie, l’état actuel des choses ne restera pas. Déjà chacun commence à donner son interprétation des textes en s’engouffrant dans leurs flous. Et la direction du PCF a beau dire que l’heure des débats est passée et que vient celle de l’agir, ce méme agir n’a pas fini de faire rebondir ce que le congrès n’a pas réglé. Et ce, alors que l’orthodoxie n’existe plus. Les forces porteuses de nouvelles conceptions s’étendent en nombre et élargissent l’éventail des sensibilités qu’elles comportent, un nombre plus important s’interroge le parti est-il réformable avec ses seules forces ou si la démarche qui préside aux “ états généraux du communisme n’est finalement pas pertinente ? Reste que le PC va vite se trouver au pied du mur. Ses contradictions le mettent déjà à la recherche de nouveaux rapports avec ce que l’on désigne comme” mouvement social “. Il passe de son absence en 2001 de Gênes à un engagement réel pour le forum Saint-Denis- Paris comme en témoigne la candidature de la ville de Bobigny. L’approche des élections va certainement le conduire à ne pas vouloir rester seul. Les Européennes montre l’impossibilité de s’allier au PS – c’était déjà le cas au paravent-, les régionales le font encore loucher vers les constructions antérieures s’accrochant à ses élus… Au fond ce qui le guidera c’est son angoisse devant l’isolement et la disparition possibles. Il est donc à la recherche de partenaires, hésitant encore à définir s’il doit chercher à se sauver d’abord lui-même ou si cela est indissociable de la construction d’un rassemblement de type nouveau. Au coeur de ses contradictions, ses membres et structures vont se sentir plus indépendants de la direction nationale. Cela veut dire qu’il n’y a pas que le PC à être au pied du mur. Tout ce qui contribuera à des constructions politiques nouvelles, dépassant les comportements d’appareils, aura des effets sur lui et sur la situation à gauche. Tout ce qui s’apparentera à la défense d’intérêts d’appareils ou à la dissociation du social et du politique nourrira de fait des vieux schémas et comportements. Au-delà des appartenances, nous sommes tous devant la responsabilité de faire émerger une conception de la politique fondée sur des pratiques autogestionnaires et d’appropriation de pouvoirs par les dominés eux-mêmes. Il s’agit moins de se déterminer en fonction des appareils que de répondre aux attentes qui s’expriment dans ce domaine.
1. Le comité exécutif a été élu par 78 voix contre 27 et 17 absentions sur à peu prés 160 présents. Ce fait assez rare au PC en dit long sur l’état d’esprit des membres du Conseil National

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