Patrice Leclerc
Fédération des Hauts-de-Seine
Section de Gennevilliers
Cellule Julien Masseliers
Gennevilliers, le 3 novembre 2002
Note à la Présidence du CN
Nous avons souvent employé la formule « nous sommes à la croisée des chemins ». J’ai le sentiment aujourd’hui qu’il n’y a plus de croisée des chemins mais un risque d’impasse. L’impasse de l’inutilité, du conservatisme, de la peur du nouveau.
Tirons les leçons de l’expérience. Nulle part, celles et ceux qui se réclament (réclamaient) du communisme, n’ont su répondre aux enjeux de notre époque. En France, notre déclin électoral s’affirme sur ces 20 dernières années, les rares remontées ressemblent aux rebonds d’un ballon qui finit toujours par rouler sur le sol. Il y a donc sûrement des raisons de fonds, lourdes qui expliquent notre déclin, plus fortes que la conjoncture. Il faut les étudier. Tout cela a été aggravé par l’occasion manquée de la mutation du PCF, le manque de courage et de détermination pour la mener, qui nous a emportés dans une « politique pragmatique » coupée de contenus transformateurs, d’exigences de contenu. Le refus d’engager des débats de fonds au CN et dans les congrès sur les questions où des divergences s’exprimaient (épargne salariale, ouverture du capital de la Snecma, rôle et place du PCF dans une majorité parlementaire et gouvernementale, place du projet communiste dans notre activité quotidienne, pour ne retenir que des interventions que j’ai faites au CN), illustre le manque d’assurance politique de la direction (un exécutif et un cn qui laissait faire !) du parti et a conduit et aggravé une dépolitisation du Parti communiste, des communistes eux-mêmes (cf comptes rendus d’AG d’adhérents, de réunions de cellules). Cette dépolitisation (s’) accompagne gravement le glissement de la société française vers des replis populistes, communautaristes, clientélistes et au final droitier. Des gens (les plus politisés à gauche) ont espéré (un peu) sur notre renouveau, nous les avons refroidis dans leurs espoirs. Aujourd’hui, nous pouvons dire lucidement que peu de monde attend quelque chose de nous. Ce constat est encore plus pénible dans la jeunesse.
Nous sommes des révolutionnaires, pas des conservateurs. Permettez-moi de faire un parallèle, qui sera sûrement critiqué et critiquable : nous sommes dans la même situation que Marx étudiant la Commune de Paris. Il a critiqué cette expérience révolutionnaire, non pas pour la fustiger mais pour en tirer des leçons, pour avancer en travaillant à une nouvelle organisation du mouvement révolutionnaire, de sa pensée, de sa théorie répondant aux défis de son époque. N’aurions-nous plus le droit de critiquer aujourd’hui, plus le droit d’inventer. ? Tout aurait été dit, bien pensé, bien fait pour l’éternité avec la création du PCF ? Les nouvelles générations n’auraient qu’à bien suivre le guide ainsi prêt à l’emploi ? Pourtant, le XXIème siècle ne ressemble pas vraiment au XXème siècle.
Je pense que pour ceux qui souffrent aujourd’hui, ceux qui sont licenciés, celles et ceux qui vivent mal dans les cités populaires, pour les Sans papiers, les femmes, la jeunesse à qui l’on refuse un avenir, aux créateurs, mais aussi plus largement dans ce monde qui ne place pas l’émancipation de l’être humain au centre, nous n’avons pas le droit de refuser ce travail de construction d’un nouveau communisme, d’une nouvelle organisation communiste.
Jouer notre rôle de révolutionnaires. C’est travailler à la formation d’idées, d’actions et d’une organisation, utiles pour la transformation du monde. Il reste à prouver que le Parti communiste français est toujours ce cadre utile. Je ne le crois plus à partir de sa place dans la société d’aujourd’hui et des leçons que je tire de l’expérience de ces dernières années: le PCF n’est pas réformable. Mais je ne vois rien d’autre non plus de prêt à l’emploi ! Il ne faut donc pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le Parti communiste français est encore le creuset qui rassemble le plus d’hommes et de femmes déterminés à changer le cours des choses, qui ont une expérience révolutionnaire (avec ses réussites et ses échecs), qui ont un savoir faire, une proximité, un potentiel militant, de dévouement formidable. Cela ne doit pas être gâché mais au contraire redynamisé, revivifié, redéployé. Le gâchis, la sclérose nous guette si nous décidons seulement de poursuivre le PCF en améliorant ceci ou cela, ou de reconstruire ….dans longtemps, si une logique de boutique l’emporte sur nos buts. Libérer l’esprit d’initiative des communistes, leur permettre de donner le meilleur d’eux-mêmes, de développer leur esprit d’invention et de créativité passe par casser le moule, organisationnel et idéologique, qui nous ramène toujours à ce que nous connaissons. C’est pour moi tout l’enjeu du prochain congrès. Il faut que nous décidions majoritairement de « faire autre chose » (cf Humanité du 5 juin "Faisons un enfant") pour mieux faire avancer le communisme. Des camarades pensent qu’il faut nous engager dans la co-organisation d’Etats généraux du communisme pour fonder un nouveau Parti communiste. Pourquoi pas ? Je pense en tout cas que l’appel à la société, à celles et ceux qui comptent parmi les plus progressistes pour, à égalité avec nous, construire autre chose est incontournable. Rien de fort ne se fera sans les actuels membres du PCF (au moins pendant ces 6 prochaines années), mais rien de neuf ne se fera qu’avec eux ! Ne soyons donc pas un frein à l’audace transformatrice, ne gérons pas une fin de course du Parti communiste français, mais au contraire, travaillons dans sa filiation, à une nouvelle naissance porteuse d’espoir bien au-delà de nos maigres rangs actuels.
Invitons à créer ce nouveau projet et ce nouveau parti qui participe aux institutions et qui veut les changer, qui participe à tous les lieux de pouvoirs tout en visant à changer radicalement l’ordre des choses existantes. Une force rebelle et constructive qui se donne aussi pour ambition de créer une Vème internationale ouverte à toutes les forces par le monde qui agissent pour dépasser le capitalisme, émanciper l’être humain, protéger et promouvoir la personne et la nature, qui agissent pour une autre mondialisation.
C’est l’espoir de cet appel qui me fait participer au congrès du PCF. Et je n’irais pas jouer dans l’impasse sans celui-ci !