Intervention de Michel Laubier sur les orientations budgétaires
Monsieur le Président, Cher(e)s collègues,
Ce débat d’orientations budgétaires est un moment important dans l’année ; « débat d’orientations », c’est moins un moment budgétaire qu’un moment politique, où nous pouvons affirmer avec force les valeurs auxquelles nous sommes attachés.
On ne peut débattre de ces orientations budgétaires en dehors du contexte général dans lequel se prépare ce budget 2006.
Ce contexte révèle en fait une triple crise dans laquelle l’ensemble des collectivités locales doit évoluer :
- D’abord une crise politique majeure, exprimée avec force par les citoyens en mai 2005. une crise politique qui pourrait bien s’envenimer encore, car les dirigeants de ce pays et de l’Europe ne veulent visiblement pas tenir compte du rejet de la constitution européenne et du modèle libéral qu’elle voulait définitivement asseoir sur notre continent ; le vote au parlement européen sur la directive Bolkestein est pleinement significatif de cet état d’esprit.
- Une crise économique, qui est aussi et surtout une crise de la répartition des richesses produites : d’un côté l’augmentation de la précarité et de la pauvreté pour une partie toujours plus importante de la population, d’autre part l’explosion des bénéfices réalisés par les actionnaires et les dirigeants des grandes entreprises – l’actualité de ces derniers jours avec les résultats-records des groupes du CAC 40 en 2005 parlent d’eux-mêmes.
- Et pour finir, troisième volet du triptyque, qui est pour une part la conséquence de ce qui précède, une grave crise de civilisation, marquée par des phénomènes de rupture sociale (on a vu les évènements de novembre dernier dans certaines cités populaires) et par une amplification des intolérances, des communautarismes, partout, sur notre territoire national et dans le monde.
C’est dans ce contexte très difficile que les collectivités territoriales doivent évoluer ; c’est très délicat, surtout lorsque l’on constate à quel point elles sont, elles aussi, maltraitées par les pouvoirs publics en place.
On peut citer d’ailleurs la réduction de leurs ressources dans la Loi de Finances 2006, plafonnement de la Taxe Professionnelle à 3.5 % de la valeur ajoutée des entreprises, poursuite du transfert de charges et du transfert de personnels sans la moindre visibilité à ce jour – c’est le fameux « acte II » de la décentralisation Raffarin ; tout cela venant après plusieurs années successives de baisse d’impôts des plus favorisés qui assèchent les finances de l’Etat.
L’indépendance financière des collectivités locales est menacée, les transferts de charges entraînent un transfert de la fiscalité sur les collectivités locales, et donc sur les familles.
De nombreuses voix, y compris à droite, s’élèvent pour dénoncer cette évolution.
Pour notre part, nous jugeons important d’interpeller les pouvoirs publics sur cette situation qui ne cesse de se dégrader ; c’est le sens du vœu que je proposerai à votre examen.
Revenons à notre budget départemental ;
L’an passé, les Orientations Budgétaires se tenaient après ce semblant d’exercice de la démocratie que vous avez appelé « les Etats Généraux des Hauts-de-Seine », et que 75 % des habitants du département ont oublié…
Le Groupe Communiste vous avait fait à cette occasion une série très précise de propositions, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles n’ont guère été suivies d’effets… !
Plutôt que de refaire un large tour d’horizon (Catherine Margaté a dressé ce matin le bilan de ces états généraux), nous voudrions plutôt insister sur deux domaines, qui nous semblent essentiels et prioritaires dans notre département :
- 1er objectif : Faire enfin du « logement pour tous » une priorité du 92 !
Je ne reviendrai pas sur la situation catastrophique du logement dans les Hauts-de-Seine, ses 80 000 demandeurs de logements sociaux, et les difficultés pour les pouvoirs publics de « distribuer » les financements du logement social dans le département, comme l’avait reconnu M. le Préfet ici-même il y a quelques mois.
Vous nous proposez, dans votre rapport la construction de 6 600 logements par an, dont une moitié de logements sociaux. Cela doit-il signifier que chaque ville devra construire 5 logements sociaux sur 10 logements construits ? Sans compter la reconstitution des logements que vous proposez à la vente, ou de ceux qui vont être démolis dans le cadre des opérations de démolitions-reconstructions prônées par l’ANRU.
Le résultat, nous le connaissons tous : 1 500 logements sociaux péniblement construits en 2005, soit moins de la moitié de l’objectif prévu. Et encore, dans ces 1 500 logements, il y a une bonne partie de logements de type PLS, qui sont déjà des logements intermédiaires – en tout cas des logements inaccessibles à une bonne partie des familles du département.
Le département n’est pas seul en cause, les villes ont également leur responsabilité.
Voilà pour 2005 : le constat est net, vos actes ne sont pas en accord avec vos engagements !
Il aurait fallu renverser la tendance pour les perspectives de l’année 2006.
Votre analyse est simple : « Les habitants des Hauts-de-Seine ne trouvent pas de logements ? Alors, qu’ils deviennent propriétaires !… ».
J’exagère à peine, en disant cela. C’est le sens de ce que vous écrivez dans votre rapport, lorsque vous vous appuyez sur ce que vous appelez la « demande des habitants »
Détaillons un peu vos propositions :
UN : Obtenir une meilleure maîtrise des terrains du département via votre agence foncière : il faut maîtriser le coût du foncier !
DEUX : Récupérer de l’Etat la délégation de la gestion des aides à la pierre, pour avoir un regard sur la nature des constructions des Hauts-de-Seine,
TROIS : Mettre en place des dispositifs visant à faciliter l’accession à la propriété des familles
Sans oublier EN QUATRE la « vraie fausse bonne idée » de vente des HLM dans le département, qui berce les familles des Hauts-de-Seine d’illusions : qu’en sera-t-il dans 10 ans, dans 20 ans, quand il faudra envisager des gros travaux d’entretien ou de réparation, dans de futures copropriétés en voie de dégradation ?
Nous le constatons chaque jour dans nos villes, les prix de vente pratiqués dans notre département ne permettent pas aux candidats à la primo-accession de devenir propriétaires.
Cette politique est un leurre, notamment pour les familles les plus modestes.
Le groupe communiste veut avoir des réponses précises, à des questions tout aussi précises :
Cet objectif de 3 300 logements sociaux – qui est une hypothèse basse, à nos yeux, je le répète -, comment, Monsieur le Président, comptez-vous le faire respecter ?
Pouvons-nous avoir, commune par commune, un programme d’engagement de construction de logements sociaux ? Et à quelle échéance ?
Quel type de logement sera mis en œuvre ? des PLS ? des logements PLUS ?
Le département n’a pas vocation à construire lui-même, mais nous pourrions adopter une politique différenciée en direction des communes qui ne « jouent pas le jeu » de la construction des logements sociaux. Des solutions peuvent être mises en œuvre, c’est une question de volonté et de choix politique.
- 2ème priorité : décider de vrais objectifs en matière d’enseignement et de formation initiale pour les enfants des Hauts-de-Seine
Plus que jamais, après les événements de novembre dernier dans les tissus urbains de notre pays, l’enseignement, l’éducation, la formation, doivent être les priorités de notre département. Nous avons les moyens d’afficher des objectifs élevés en la matière.
Dans votre rapport, vous évoquez l’objectif d’« une centaine de collèges » dans le département. Pourquoi ce flou ? Sur quels critères avez-vous déterminé ce chiffre ?
Depuis plusieurs années, le Groupe Communiste réclame des collèges pour 600 élèves sur l’ensemble du département, et pour 500 élèves dans les ZEP. Ainsi qu’un 4ème collège pour Gennevilliers.
Nous voudrions aujourd’hui savoir où nous en sommes de ce programme de construction, que vous fassiez un point sur cette proposition que nous vous avions faite. Où en est-on de cet objectif ? Combien de collèges font, aujourd’hui encore, plus de 600 élèves ?
Vous avez par ailleurs fait le choix de supprimer les bourses qui étaient auparavant délivrées aux lycéens et aux étudiants de notre département. Catherine Margaté vous l’a dit dès ce matin, nous maintenons notre demande de restituer ces bourses, et de l’étendre aux collégiens, qui relèvent de la compétence du conseil général.
J’aborderai plus brièvement d’autres sujets :
Par exemple, l’emploi
Il est beaucoup question de la création de nouvelles entreprises, ce que nous soutenons, bien évidemment ; des aides du Conseil général aux pôles de compétitivité, ce qui nous rend beaucoup plus circonspects, en raison des récipiendaires de cet argent public. A aucun moment, i
l n’est question de contester le départ des emplois actuels pour des raisons d’opportunités financières (Cf. Aircelle à Meudon, Télémécanique, tout dernièrement Alcatel à Colombes …). C’est le potentiel de production de notre pays qui s’affaiblit.
Nous pensons souhaitable que le Conseil général s’engage dans l’aide aux dispositifs pour l’emploi portés par les villes, tels que les maisons de l’emploi qui coordonnent l’action du service public de l’emploi, comme je l’ai évoqué ici même il y a quinze jours.
Dernier point enfin, en lien avec le projet d’aménagement des berges de Seine : il ne faut pas oublier l’usage économique et industriel du fleuve, et le rôle qu’il pourrait jouer dans la définition d’une région durable, soucieuse de préserver son environnement, et attachée à une ré-industrialisation intelligente de son économie. Ce sujet fait partie des hypothèses portées par le Schéma Directeur Régional actuellement en cours de révision.
En matière de Petite-Enfance :
Nous insistons sur la nécessité pour le Conseil Général, de financer à des hauteurs significatives la création de crèches publiques, qui offrent un service public de qualité, répondant à l’attente des parents des jeunes enfants. Nous nous félicitons également de l’élargissement des aides accordées l’an passé par le Conseil Général, sous la pression du groupe communiste, pour la garde d’enfants par des assistantes maternelles
A noter également dans les propositions de votre rapport certains grands absents :
L’action sociale en direction des plus démunis :
Nous ne relevons pas un mot sur le sujet, alors que la pauvreté gagne chaque jour du terrain, que des salariés pauvres n’ont plus même les moyens de se payer un logement stable ? Il s’agit pourtant d’une des compétences principales du Conseil général.
A ce jour, de nombreux postes de travailleurs sociaux, pour l’action sociale et pour la prévention, ne sont pas dotés.
Pas plus d’explication sur les bénéficiaires du RMI, alors que nous savons que leur nombre grandit chaque jour, résultat de la politique « efficace » de radiation des chômeurs menée par le gouvernement.
Un point positif dans ce domaine, c’est le Revenu Minimum d’Activités, ce « sous-contrat de travail » comme nous l’avons appelé ne fait visiblement plus partie de vos priorités. Cependant, avez-vous des chiffres à nous communiquer à son sujet ?
Pas un mot non plus sur l’enseignement supérieur, rien sur le pôle Léonard-de-Vinci.
Peut-on croire que le pôle n’est plus d’actualité ? Ou plutôt que vous évitez de remettre trop souvent en débat les sujets qui fâchent ? Ce sont tout de même 26 millions d’euros par an qui sont en jeu, je trouve anormal que cet engagement ne soit même pas mentionné parmi les orientations budgétaires du Conseil général.
Deux points rapides sur les masses d’intervention :
Tout d’abord la voirie : vous évoquez une masse de 81 M€ pour la voirie, en indiquant qu’il s’agit d’un volume « réaliste ». J’attire votre attention sur la nécessité d’inscrire les sommes en conséquence, pour qu’aux délais toujours longs de réalisation des travaux ne s’ajoute un manque de crédits liés à la décentralisation.
Sur les subventions, vous indiquez qu’elles se monteront à « moins de 20 M€ ». J’espère que cela ne signifie pas une baisse des crédits aux associations du département.
Dernier point, et je finirai par cela, pour évoquer les droits de mutation du département. Ceux-ci ont encore augmenté de 10 % en 2005, pour atteindre une recette de 324 M€ (contre 299 M€ en 2004, montant jugé « historique » il y a un an) !
Ce seul chiffre mérite d’être comparé au montant du programme d’investissement annuel du conseil général (365 M€), qui lui reste stable !
A noter que le Conseil Général se propose de n’inscrire en recettes « que » 240 M€ pour 2006, ce qui lui laisse une marge extrêmement confortable de 85 M€ si d’aventure les droits de mutation restaient stables en 2006…
Une nouvelle fois, on ne peut que regretter la très grande prudence de votre majorité dans ce domaine ; le moins que l’on puisse espérer, dans ces conditions, c’est que vous vous teniez à l’orientation que vous indiquez dans votre rapport, de ne pas varier les taux de la fiscalité départementale pour 2006 : c’est bien la moindre des choses.
Voilà pour l’essentiel de mon intervention.
Je voudrais cependant revenir sur deux sujets d’actualité, concernant Nanterre, et sur lesquels je ne suis pas intervenu ce matin dans le cadre du débat sur les Etats Généraux.
Tout d’abord, je trouve, Mon
sieur le Président, que vous avez encore beaucoup de progrès à faire dans le domaine de la démocratie participative.
Lorsque des habitants, ceux du « Bateau » à Nanterre, apprennent par le journal que leur bâtiment d’habitation va être démoli, c’est plutôt raté…. C’est même l’inverse du principe de démocratie participative, dont vous avez pourtant vanté les mérites depuis votre arrivée à la tête de notre assemblée.
Deuxième point, la réhabilitation des Tours Aillaud : je voudrais me féliciter, et féliciter M. Dova, pour les moyens donnés à l’Office Départemental pour faire les travaux de réhabilitation. C’est une longue attente qui est enfin prise en compte.
Je vous invite désormais à mettre en œuvre une vraie concertation avec les habitants et avec les élus.
Je vous remercie de votre attention