SEANCE DU CONSEIL GENERAL DU 21 JUIN 2013
POLE UNIVERSITAIRE LEONARD DE VINCI – RAPPORT D’ETAPE ET COMPTE RENDU SUR LA CONCLUSION DU LOUAGE DE CHOSES
Intervention de Catherine MARGATE
Monsieur le Président, cher-e-s collègue,
Pôle universitaire départemental pour les uns, fac Pasqua pour les autres, depuis le communiqué de presse du 3 mai 1993 annonçant l’entrée du projet de Pôle Universitaire des Hauts de Seine dans sa phase de réalisation, ce dossier reste l’un des plus épineux et des plus ruineux des Hauts de Seine.
Aujourd’hui, malgré tout ce qui a pu être dit et écrit, malgré la caricature de nos positions, le PULV reste bien ce qu’il a toujours été : un symbole d’injustice, d’arrogance et de gâchis.
Un projet évalué, à l’époque, à plus d’un milliard de francs en investissement 152,5 M€… « Des sommes astronomiques jetées dans un projet babylonien » dénonçait déjà notre groupe par la voix Léo Figuères, devant l’Assemblée départementale « engageant le département dans une aventure financière risquée et cela pour faire la démonstration hasardeuse que seule la solution de l’université privée peut permettre de répondre aux besoins de l’enseignement supérieur et aux nécessaires relations que celui-ci doit avoir désormais avec le monde de l’industrie et plus généralement de l’économie. »
Pompeusement décrété « Pôle universitaire pour le 21ème siècle », pour original, ce projet l’était avec ses 50 000 m², plus de 58 000 aujourd’hui dont seulement 35% sont utiles à la pédagogie, un investissement public de 216,6 M€ pour à peine 2 565 étudiants alors qu’il en était attendu 5 000 étudiants dès l’an 2000.
Cette débauche de locaux alors que la région Ile de France comptait la plus faible surface par étudiant et que 35 000 étudiants s’entassaient à Paris X a fait couler beaucoup d’encre. Si peu d’étudiants ne peut qu’interroger quand étaient vantées la qualité et la modernité des infrastructures, avec un coût par étudiant bien supérieur à celui de l’université publique.
Qu’y avait-il de moderne à consacrer des milliards de fonds publics dans une école supérieure de commerce quand l’enseignement supérieur public souffrait, certes, cruellement de manque de moyens mais était loin de l’image scandaleuse de fabrique à chômeurs diplômés ; loin de l’opposition contrefaite entre formation académique et professionnalisation qui serait à inventer, et que les universités collaborent avec les entreprises et possèdent une vaste gamme de formation technologique.
20 ans après que reste-t-il des ambitions de la « Fac Pasqua » ?
Le 92 a été la première collectivité locale à créer un établissement d’enseignement supérieur entièrement privé et financé par le Conseil Général, elle est aussi encore la seule aujourd’hui. Fort heureusement car ces sommes fabuleuses jetées dans une entreprise, l’université privée, ont montré qu’elle n’était ni efficace, ni un gage d’avenir pour la jeunesse. Ce financement aurait été infiniment plus utile pour hâter la réalisation de nouveaux équipements universitaires et de nouveaux IUT.
Alors que le Président Pasqua exaltait l’environnement exceptionnel que représente la Défense, les entreprises n’ont pas, non plus, répondu aux attentes…
Des entreprises dont la demande expresse, à l’époque, était de réaliser des immeubles banalisés transformables en bureaux. On ne peut pas dire que ce genre d’investisseurs ait eu une confiance exagérée dans la pérennité de l’initiative départementale. Une capacité de transformation qui devait leur apporter une garantie suffisante sur le long terme qui aurait dû conduire le Département à faire preuve de prudence. Mais pas du tout. L’ensemble immobilier a été réalisé directement par le Conseil Général avec délégation de la maîtrise d’ouvrage à la SEM 92. On voit le résultat aujourd’hui.
Quant à la participation des entreprises, co-initiatrices du projet, qui devait être un axe fort et innovant de ce pôle, elle se résume au seul versement de la taxe d’apprentissage dans le plus strict respect de la loi alors qu’elle devait permettre l’équilibre du budget, encore une fois en l’an 2000.
Ce sont encore les formations innovantes manquant au service public qui devaient comblées un vide et l’écart entre l’université et le système des grandes écoles, toutes ces formations n’ont été que des doublons de formations qui existaient déjà dans le service public ; tout comme ses contacts avec des partenaires étrangers et ses efforts pour diversifier les filières et rénover les cycles universitaires.
lsabelle Balkany l’avait alors dit clairement, il était plus question de dresser un établissement d’enseignement supérieur privé face à l’université pour démontrer que la privatisation à tout va et à tous les niveaux, est la seule solution véritable aux vrais problèmes qui se posent au plan universitaire et, en général, dans l’Education nationale, avec, en vue, le démantèlement progressivement de cette dernière.
Mais le Président de Paris X le soulignait, à l’époque, « Léonard de Vinci n’est qu’une école de commerce avec quelques originalités, l’université publique pouvant faire mieux, beaucoup mieux et surtout beaucoup moins cher… ».
Et cher, cela continue de l’être. Deux rapports de la CRC ont pointé son coût exorbitant mais aussi sa mauvaise gestion et ses dépenses élevées recommandant, en octobre 96, « de mettre fin, dès que possible à ces diverses incertitudes, de manière à qu’il puisse acquérir dans le respect du droit, une utilité à la mesure de son coût » ; puis, en octobre 2010, indiquant que cet organisme privé ne fonctionnait toujours que « grâce à l’aide massive de fonds publics, c’est-à-dire sans les contraintes financières propres à sa nature juridique. »
Malgré encore l’audit du département et le groupe de travail duquel nous avons été écartés et qui devait vérifier si les efforts annoncés au cours de l’audit étaient réalisés et si, comme elle s’y était aussi engagée, l’Association Léonard de Vinci les poursuivait. Là encore, les informations manquent…
Jamais, nous n’avons cessé de dénoncer et d’agir contre ce projet d’université privée, contre le flou qui a toujours entouré sa gestion. Un scandale financier que toutes les interventions et les actions ont permis de faire éclater au grand jour et qui, 20 ans après, n’est plus d’un milliard de francs mais de près de 600 M€ auxquels, il faut ajouter pour 2013, près de 6,5 M€ de charges de fonctionnement et plus de 2,6 M€ d’investissement.
Jamais nous n’avons jamais cessé, aussi, de demander un débat sur l’avenir d’un Pôle universitaire dans les Hauts de Seine, débat qui n’a jamais eu lieu.
La majorité du Conseil général, accrochée à ses certitudes, s’est obstinée à soutenir contre vents et marées un pôle lui votant chaque année, sans vergogne et sans aucun contrôle, toujours un peu plus de fonds publics.
Les Etats Généraux de votre prédécesseur avaient prévus « d’aller vers davantage de clarté en matière de fonctionnement », « voter chaque année, une enveloppe globale unique qui couvre l’ensemble de l’engagement du Département et débattre deux fois par an, pour voter le budget de l’association, puis pour évaluer la réalisation des engagements pris ».
Mais curieusement les séances qui ont suivi étaient parfaitement identiques aux précédentes et les subventions ont continué d’être votées sans aucun budget.
Monsieur le Président, vous aviez les moyens de porter ce débat devant l’Assemblée départementale, vous ne l’avez pas fait. Sans débat, vous avez fait adopter une nouvelle convention mettant gratuitement à disposition de l’Association Léonard de Vinci, les 58 000 m² de locaux d’une valeur locative de 17,3 M€ en juillet 2011. Et, en mars 2012, avec votre majorité, vous avez décidé que la gestion de l’ensemble immobilier du PULV serait assurée au 1er janvier 2013 directement par le Département. Des délibérations qui maintenant passent, pour l’essentiel, en commission permanente, donc adoptées sans débat public. L’Association continue, aussi, de bénéficier d’une subvention de 5,52 M€, votée en mai dernier, toujours en commission permanente.
Nous le redisons avec force, à l’occasion de ce rapport, tant d’argent financé par les contribuables des Hauts de Seine pour une école de commerce privée, pour ses filiales financières est inacceptable en regard des besoins.
Inacceptable quand on sait que la subvention départementale « a contribué au financement du secteur lucratif à hauteur de 79 755 € en 2010», un équilibre artificiel souligné par la CRC qui demandait à l’Association, l’équilibre sans la subvention du département.
Des effets d’annonce, il y en eu beaucoup. Mais, malgré les déclarations sur une réforme en profondeur des relations contractuelles entre le Département et l’Association, l’éloge des efforts de rationalisation, malgré les rapports de la chambre régionale des comptes, votre audit, la commission de suivi de laquelle nous avons été écartés… Que savons-nous concrètement du redressement de gestion opéré, des efforts annoncés au cours de l’audit ?
Que savons-nous de la Fondation dont on se souvient qu’il en avait été annoncé une, en 1994, pour recueillir les fonds des entreprises mais celle-ci n’avait pu être créée car pour être constituée elle devait recueillir 5 millions de francs de fonds minimum. Mise en place, par la suite, pour la gestion financière de l’établissement, le deuxième rapport de la CRC souligne que celle-ci « a conduit l’association à conserver les activités qui ne peuvent être rentables et à renvoyer dans ceux d’une autre structure – sa filiale – celles qui peuvent être productives de revenus ». Le Pôle a été sommé de cesser ces activités. Qu’en est-il ?
Et que nous apprend ce nouveau rapport ? Que la reprise en gestion directe de l’immeuble « doit » nous permettre – on retient le choix du verbe – d’en assurer une gestion optimale, d’en maîtriser l’occupation par des conventions conclues avec le département. Enfin…l’engagement avait été pris en 2004 !
On devrait aussi connaître précisément et progressivement les coûts d’exploitation du bâtiment dont l’impact des transferts a permis de les ramener de 6,7 à 6,5 M€ seulement …
Et maîtriser les évolutions du bâti en fonction des usagers futurs du bâtiment notamment de Paris Dauphine, occupation qui permettrait d’améliorer les recettes dès 2014 mais dont on nous donne aucune information… Encore à suivre !
Ce rapport n’a donc pas d’autre objectif que de masquer l’affaire, et faire oublier, l’exercice est difficile, que durant toutes ces années, la majorité de cette Assemblée a soutenu un projet inadapté et sous-utilisé.
Nous le disions déjà en novembre 2004, en rappelant la proposition faite par Monsieur Guaino, dans la Charte départementale 2000, de transformer le Pôle en une structure utile au développement économique du département, dotée de réseaux de conseils et d’aide à la création d’entreprise.
Déjà, nous posions la question de la Fac Pasqua : Comment s’en débarrasser ? Comment ne plus faire supporter aux contribuables des Hauts de Seine, ces dépenses scandaleuses pour un Pôle qui n’avait d’universitaire que le nom ?
Aujourd’hui, nous sommes confrontés aux mêmes questions mais nous sommes, ici, plus nombreux à nous interroger sur le devenir d’un tel « patrimoine » totalement inutile pour les jeunes et les habitants du département.
Dans l’attente d’une solution pour cet immobilier « pharaonique », pour notre groupe l’urgence, c’est d’abord, de prendre les bonnes décisions pour que l’argent public revienne au service public et rapidement. C’est une mesure de justice.
Les besoins sont
immenses pour l’enseignement supérieur, confronté à de nouveaux défis. L’augmentation importante du nombre d’étudiants n’est pas un handicap, bien au contraire. Notre pays a besoin de davantage de salariés formés, plus qualifiés dans tous les domaines utiles à la société. Immenses aussi sont les besoins pour d’autres secteurs qui sont de la compétence directe du Département, compétence à laquelle vous êtes tellement attaché ces derniers temps.
Avec ce rapport, nous demandons donc l’arrêt immédiat de toute subvention à l’Association Léonard de Vinci. Et que l’on ne nous parle pas du cycle d’études des étudiants du Pôle, argument que l’on nous remet d’année en année, le Département a certainement tous les moyens de les aider à trouver de bonnes écoles.
Votre rapport est éloquent ! Etude de potentiel… devenir du potentiel… Vous y croyez encore ?
Le rapport et le document remis en commission prouvent que le modèle économique du pôle est totalement irréaliste. Le coût des charges par m² bien trop élevé pour toute solution d’équilibre. Vous vous en rendez compte vous-même en évoquant l’hypothèse d’une évolution différente du site. A vous de la trouver et de prendre la seule décision valable : arrêter cette gabegie.
Le groupe communiste votera donc contre ce rapport.