Paul Ariès, Rédacteur en chef du journal La vie est à nous !
auteur de Le socialisme gourmand (la découverte)
Benoît Hamon monte au créneau contre la manifestation populaire en faveur de la VIe République initiée par le Front de Gauche le 5 mai prochain à Paris, suite au scandale moral et politique de l’affaire Cahuzac.
Nous ne doutons pas un seul instant que le Ministre délégué à l’économie sociale et solidaire soit en service commandé lorsqu’il accuse le Front de gauche de diviser la gauche, mais nous ne pensions pas que le fait d’être Ministre de la République rende amnésique l’ancien leader de la gauche socialiste. N’est-ce pas ce même Benoît Hamon qui publiait peu de temps avant sa nomination un brulot contre le PS intitulé « Tourner la page »…
Dans cet excellent livre, le dirigeant de la gauche socialiste, Benoît Hamon, avait des mots très durs : la social-démocratie a mis en œuvre des politiques ouvertement social-libérales, en fait plus libérales que sociales. Il écrivait aussi que cette gauche-là était « un pis-aller de la droite ». Il parlait même de « gauche placèbo » (sic). Il ajoutait que les sociaux-démocrates ont été en plusieurs lieux du monde un obstacle à l’émancipation (Amérique du Sud, notamment).
Le dirigeant de la gauche socialiste, Benoît Hamon, faisait dans son livre l’éloge du protectionnisme…prenant en cela à contre-pied Mitterrand (le protectionnisme c’est la guerre…), Lamy (le patriotisme c’est la xénophobie)…
Camarade-Ministre, comment organise-t-on maintenant ce protectionnisme au service du peuple ? Comment avancer vers la relocalisation de l’économie ? Comment l’économie sociale et solidaire pourrait-elle être une partie de la réponse à ce que cherche désespérément notre autre camarade-Ministre Arnaud Montebourg.
Le dirigeant de la gauche socialiste, Benoît Hamon, se présentait dans son livre comme un « keynésianiste de gauche », adepte de la relance par la demande, par la consommation des ménages notamment populaires et par la dépense publique.
Camarade-Ministre as-tu vraiment le sentiment que « Hollandréou » va dans cette direction ? Le dirigeant de la gauche socialiste écrivait : « la gauche n’a pas vocation à mettre un supplément de beurre dans les épinards »… Camarade-Ministre as-tu le sentiment que le gouvernement en place fait de la politique du point de vue du peuple, du point de vue de ceux qui souffrent, as-tu le sentiment que ton gouvernement va nous permettre de commencer à sortir du capitalisme et du productivisme le plus fou ?
Le dirigeant de la gauche socialiste ébauchait dans son livre toute une réflexion sur les biens communs… Camarade-Ministre as-tu le sentiment que ton gouvernement soit celui de la défense des services publics et des biens communs ? Le dirigeant de la gauche socialiste écrivait « il est urgent de propager la dissidence ». Camarade-Ministre as-tu le sentiment que ton gouvernement multiplie les « territoires libérés », comme la gauche de 1981 avait su le faire avec les radios libres ou les lois Auroux. Camarade-Ministre as-tu le sentiment que l’exclusion des désobéissants de la loi d’amnistie sociale aille dans le bon sens, celui de la « propagation de la dissidence » dont tu faisais l’éloge…
Le dirigeant de la gauche socialiste, Benoît Hamon, affirmait la nécessité de réaffirmer le clivage gauche/droite… Camarade-Ministre as-tu le sentiment que la politique de ton gouvernement va dans ce bon sens ? T’es-tu interrogé par exemple sur le nombre d’anciens sarkozystes qu’on retrouve au sein du Ministère de l’économie ?
Le dirigeant de la gauche socialiste, Benoît Hamon, parlait dans son livre de la rancune d’une génération socialiste vis-à-vis du peuple en songeant au 21 avril 2002 et au 29 mai 2005. Camarade-Ministre ne crois-tu pas qu’il est plus simple de changer de gouvernement que de changer de peuple ?
Le dirigeant de la gauche socialiste, Benoît Hamon, écrivait avec raison qu’une partie de la gauche a tiré un trait sur les classes populaires, corps électoral que les socialistes jugent volatiles, insaisissable et pour tout dire immatures… Camarade-Ministre ne crois-tu pas que cet abandon des classes populaires pensé, théorisé, programmé, organisé notamment par la fondation Terra Nova est aujourd’hui mis en œuvre par ton gouvernement ?
Camarade-Ministre, ce n’est pas l’appel à la manifestation du 5 mai qui « rompt avec toutes les traditions, toute l’histoire de la gauche », c’est ton gouvernement qui renonce à être de gauche.