Le monde à l’envers de la Justice française
On croirait marcher sur la tête !
Alors que la société Eternit France, productrice d’amiante-ciment est responsable de milliers de morts de l’amiante,
Alors que les victimes de l’amiante et leurs familles attendent depuis 16 ans que les responsables de cette société soient jugés au pénal,
Ce sont eux qui seront sur le banc des parties civiles et c’est un des avocats de l’Andeva qui sera bientôt sur celui des prévenus !
Eternit poursuit en effet, pour diffamation, Maître Jean-Paul Teissonnière, en raison des propos tenus par ce dernier dans l’hebdomadaire Télérama, en novembre 2011, à l’occasion du procès Eternit de Turin, où deux hauts dirigeants de la multinationale ont été condamnés à 16 ans d’emprisonnement et à plusieurs centaines de millions d’euros de provisions au titre de dommages et intérêts pour avoir empoisonné plusieurs milliers de salariés et d’habitants des usines italiennes de Casale Monferrato, Cavagnolo, Rubiera et Naples.
La société Eternit France soutient que, contrairement aux propos de notre avocat, « Eternit France et Eternit Italie sont totalement étrangères tant par leur nationalité que par leurs pratiques ou leurs conditions de travail ». Que « la société Eternit n’aurait jamais appliqué des conditions de travail similaires ou comparables d’une quelconque façon à celle de Casale Monferrato ». Ou encore qu’« Eternit France n’a jamais été poursuivi dans le procès de Turin et les faits d’empoisonnement n’ont jamais été poursuivis ni en France, ni en Italie ».
Pour l’Andeva, comme pour ses associations régionales regroupant les milliers de victimes de l’amiante des usines Eternit France à Thiant (Nord), à Vitry en Charollais (Saône et Loire) ou à Martigues dans l’usine de Caronte (Bouches du Rhône), les affirmations d’Eternit France sont démenties par les faits. Eternit a été condamnée des centaines de fois au titre de la faute inexcusable de l’employeur. Ses dirigeants ont été mis en examen pour homicides et blessures involontaires et leur tentative de faire annuler ces ordonnances a échoué : la Cour de cassation saisie par l’Andeva a récemment confirmé les mises en examen et rétabli le magistrat instructeur.
Eternit a participé à la contamination de dizaines de milliers d’ouvriers, a provoqué des milliers de victimes évitables à Thiant, Vitry-en-Charollais, Martigues, Albi, Rennes, Triel et Canari. Eternit a transformé des villes entières comme Thiant en véritable « cimetières de l’amiante ».
Ses dirigeants, des industriels de l’amiante, étaient parfaitement informés des dangers de ce matériau cancérogène et ont participé, au sein de l’association française de l’amiante, puis du Comité permanent amiante (CPA), à en masquer les dangers pour retarder des mesures de prévention indispensables et l’interdiction qui n’auraient pas manqué de faire baisser les profits de ces entreprises.
Plus grave encore, non seulement les ouvriers des usines Eternit ont été condamnés à la maladie et à la mort par cette attitude criminelle des industriels de l’amiante, mais ce sont aussi des milliers d’ouvriers du bâtiment qui ont été contaminés en découpant des tôles ou des tuyaux d’amiante-ciment sur des chantiers de construction, et parfois même leur épouse en lavant leurs vêtements de travail ou des personnes résidant tout simplement à proximité de l’usine.
Ce dernier rebondissement illustre jusqu’à l’absurde l’incurie de la Justice Française sur ce dossier pénal de l’amiante. Eternit et ses dirigeants auraient dû être renvoyés depuis longtemps devant un tribunal correctionnel pour y être jugés.
En raison de l’inertie totale du parquet depuis le premier dépôt de plainte par l’Andeva en 1995, du peu de moyens à la disposition des magistrats du pôle de santé publique, du manque de volonté politique de l’ensemble des gouvernements de poursuivre les responsables de cette catastrophe, c’est Eternit qui peut ainsi faire pression sur les victimes et leurs défenseurs en les poursuivant devant la justice.
L’Andeva qui a demandé une audience à la Garde des Sceaux en juillet réitère sa demande auprès de Madame Taubira.
D’ici là, l’Andeva et ses associations régionales des victimes d’Eternit soutiendront Jean-Paul Teissonnière, jeudi 6 septembre à 10h30, au palais de justice de Paris où il est convoqué pour se voir signifier sa mise en examen.
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