Rapport 05.157
Intervention de Michel Laubier
Monsieur le Président, cher(e)s collègues,
Je commencerai mon intervention par un premier constat, habituel :
Le département dispose de beaucoup d’argent
Personne ne peut le nier, cela revient de façon redondante le département des Hauts-de-Seine dispose de ressources considérables.
Avec Paris, c’est le département le plus riche de France, et de très loin !
Ainsi, sans même toucher aux taux de la fiscalité directe, la seule augmentation des bases permet de doter notre budget d’une somme supplémentaire assez rondelette (supérieure à 20 millions d’euros).
L’explosion des droits de mutation, a permis d’engranger 300 millions d’euros l’an passé, ce qui est considérable ! Vous projetez d’inscrire « prudemment » 230 millions d’euros cette année, cela correspond, pour se faire une idée, au budget d’une ville comme Nanterre.
il faut cependant bien mesurer la portée de ces chiffres. Ils sont intéressants si l’on se préoccupe uniquement des finances de notre collectivité. Ils sont bien plus inquiétants lorsque l’on creuse davantage le sens de cette brusque hausse du produit de cette taxe : la montée spectaculaire du coût du foncier et de l’immobilier en Ile-de-France, qui a des conséquences lourdes sur le développement de nos villes en matière de logement.
Mais la question que nous posons chaque année reste invariablement la même : tout cet argent, pour quoi faire ?
Nous l’avons déjà dit, je le redis aujourd’hui : le fait que les Hauts-de-Seine dispose de moyens importants n’est pas un problème en soi pour nous. Ce qui nous soucie davantage, c’est l’utilisation qui est faite de tout cet argent qui, il faut le rappeler, est l’argent de tous les habitants de ce département.
Lors de la séance d’orientations budgétaires, j’avais avancé au nom du groupe communiste toute une série de propositions et d’orientations pour un changement de cap dans la politique départementale.
Ce choix d’une autre politique est tout à fait possible, notre conseil général en a les moyens.
Il s’agit simplement de faire d’autres choix stratégiques et politiques.
Notre département a certes beaucoup de ressources, mais il n’est pas uniforme. Il est aussi le théâtre de grandes fractures spatiales et sociales, les inégalités y sont importantes et tendent à se creuser chaque jour davantage.
L’occasion aurait été belle de prendre des engagements importants, en matière de cohésion sociale, en matière de logement, de solidarité, pour ne citer que des sujets parmi les plus sensibles.
Nous ne sommes pas entendus, hélas. Mais nous aurons l’occasion, avec mes collègues de revenir de façon plus précise sur ces propositions durant ces 2 jours.
Mais tout d’abord un mot sur une inquiétude de tous les conseillers généraux de tous les départements :
La Loi de décentralisation nous inquiète et son application doit nous rendre vigilants.
Comment, en effet, les conseillers généraux communistes que nous sommes, pourraient ne pas être inquiets par ces dispositions imposées à tous par le gouvernement libéral de notre pays ?
En France, de longue date, l’essentiel des services était prodigué par un Etat redistributeur, et garant de l’intérêt commun. Sous le prétexte d’assurer un service « plus proche du citoyen », celui-ci se voit maintenant confié aux collectivités territoriales de notre pays, essentiellement les régions, les départements et les agglomérations disposant de moyens très différents.
Evidemment, une décentralisation, dans ces conditions, n’est pas acceptable pour nous. Elle oblige une mise en concurrence entre les territoires, elle risque d’accentuer les inégalités. Elle va s’attacher à diluer les responsabilités de cette loi, en faisant porter ses effets négatifs par les seuls acteurs locaux.
En affichant sans cesse sa volonté idéologique de réduire les charges et les impôts nationaux, le gouvernement de ce pays place les élus locaux devant la nécessité soit d’augmenter les impôts locaux afin de faire face aux nouvelles missions, soit de supprimer des services aux usagers, ou bien encore de les privatiser.
Nous souhaitons vivement suivre de très près l’ensemble des opérations financières de compensation des transferts de charge imposées par l’Etat – nous en reparlerons dans le cadre de nos débats, que ce soit pour le personnel TOS dans les collèges ou pour le transfert des routes nationales, pour ne citer que ces exemples.
L’Etat nous assure que les compensations seront assurées à l’euro près, mais nous avons de sérieux doutes, surtout sur la durée.
La commission consultative d’évaluation des charges, installée il y a peu au plan national, ne constitue pas à nos yeux la meilleure des réponses.
Aussi je vous invite à mettre en place une commission départementale, qui évaluerait l’impact de ces transferts de charge pour notre assemblée. Cette commission aurait naturellement accès à l’ensemble des éléments financiers nécessaires à cette mission, et nous serions pour notre part candidats pour y participer.
Revenons à notre budget. Pour dire un mot sur votre politique d’investissement.
Certes, celui-ci est globalement en hausse, nous prenons acte que vous ne vous arrêtez pas à la somme de 350 Millions d’euros, comme nous vous l’avions demandé. Mais on n’y sent pas la construction d’un vrai projet départemental.
Prenons ainsi la question de la construction des collèges ; certes, vous faites un effort réel en investissement, mais les besoins restent considérables dans le département. Qu’il s’agisse de la construction de nouveaux collèges, comme par exemple celui de Gennevilliers, ou de gros travaux d’entretien des établissements scolaires existants.
Malgré les sommes inscrites au budget, nous avons l’impression d’être assez loin du compte, et loin de satisfaire aux besoins exprimés dans le secondaire.
D’autres domaines sont aussi sous dotés, comme la voirie, alors que subsistent dans le département des points noirs, en matière de sécurité notamment, qui mériteraient d’être vite supprimés. Et je ne parle pas du transfert des routes nationales !
Manque d’ambition donc dans votre budget d’investissement, manque d’une vraie cohérence programmatique.
D’une façon générale, les sujets de divergence sont nombreux et profonds, nous n’avons ni les mêmes priorités, ni la même appréciation de l’intérêt général.
Ainsi, dans le domaine de l’emploi , redevenue la préoccupation n°1 de nos concitoyens, les altoséquanais sont en droit d’attendre autre chose de leur conseil général.
Ici comme partout ailleurs, le chômage augmente de façon dramatique, et
rien n’en déplaise à notre Premier ministre ne permet de penser que l’on assistera à un renversement de cette tendance dramatique pour les familles.
Certes, vous nous proposez de financer des séries de stages et de formation, c’est nécessaire, mais c’est notoirement insuffisant. Vous vous contentez d’accompagner cette crise économique.
Ce que nous attendons du département, c’est un engagement ferme contre les fermetures d’entreprises, contre les licenciements de toute sorte qui n’épargnent pas notre département, nous l’avons constaté ces derniers mois.
Dans le domaine de l’action sociale , nécessairement lié au précédent, mes collègues Michelle Fritsch et Nadine Garcia interviendront largement dans le débat. Ces sujets sont lourds et sensibles
- la question de l’APA, question essentielle pour nos personnes âgées, où nous prônons l’application de la loi instituant le dispositif
- La mise en œuvre d’une autre politique en direction de la petite-enfance, s’attachant davantage à répondre aux besoins de places de crèches publiques dans notre département qu’à favoriser des modes de garde individuels ou à participer au financement des structures privées.
Le domaine scolaire n’échappe pas à notre critique en matière de fonctionnement. Ainsi :
- Nous constatons, à la lecture de notre indicateur préféré, que le total des subventions initiales dédiées aux collèges publics du département reste inférieur à la seule subvention au pôle Léonard de Vinci (14.2 M€ pour les collèges contre 17 M€ pour le Pôle).
- Nous maintenons notre demande de bourse pour les collégiens, et de développer l’aide à la demi-pension dans les collèges.
Catherine MARGATE reviendra sur ces sujets.
Je veux dire un mot aussi sur le logement , que développera Jacques Bourgoin dans l’après-midi.
Voilà le dossier type où les Hauts-de-Seine auraient pu faire preuve d’audace et de détermination pour répondre à la demande de sa population.
75 000 habitants des Hauts-de-Seine demandent un logement, il existe une énorme pénurie de logements sociaux, ceux qui existent sont pour l’essentiel concentrés dans quelques villes.
Et quelle est votre réponse ? Vous allez vendre 4 000 logements sociaux pour répondre aux aspirations de propriété (sans doute légitimes d’ailleurs) des locataires !!
Et vous débloquez 2 petits millions pour la construction de logements sociaux. Mais dans quelle ville ?
Enfin, les vraies mauvaises surprises viennent de domaines que vous ne considérez pas prioritaires : la culture, le sport, et d’une manière générale, l’ensemble de la vie associative.
La réduction drastique des crédits dans ces domaines est particulièrement inquiétante, elle ne va pas dans le bon sens. Les habitants des Hauts-de-Seine résident dans des territoires souvent difficiles, contraints, fortement urbanisés ; nous devons donc permettre à toutes ces personnes de dépasser leurs quotidiens, et il appartient aux pouvoirs publics de les y aider.
Et puisque l’on parle mauvaise surprise, je voudrais dire un mot sur la colère qu’exprime le personnel départemental depuis plusieurs semaines, et encore ce midi dans la cour d’honneur du Conseil Général..
Visiblement, votre annonce de baisse de 6% des crédits de fonctionnement des services ne passe pas dans le personnel, les perspectives de « prime au mérite » interrogent les agents à juste titre. Les primes et régimes indemnitaires sont en baisse, et la reconnaissance fait défaut. C’est la qualité du service public qui est en jeu.
Le mécontentement s’exprime.
Nous partageons ces inquiétudes.
Nous avons la conviction que les agents départementaux, dont nous avons tous, je pense, unanimement, à louer la compétence et le dévouement, ont des revendications sérieuses à faire valoir.
Je vous invite donc à les écouter avec une grande attention, à l’heure où le service public, sous toutes ses formes, et partout dans notre pays, se trouve largement fragilisé.
Voici en quelques mots en préambule de nos interventions. Mes collègues auront bien sûr l’occasion de revenir sur ces points, et d’en aborder bien d’autres pendant ces deux jours.