Intervention générale sur cohesion sociale, solidarité et handicap
Intervention de Michèle Fritsch
Monsieur le Président, cher(e)s collègues,
Notre société vit à l’heure de graves régressions historiques. Cela est particulièrement criant concernant la cohésion sociale, les solidarités.
Le constat aujourd’hui est accablant : en France, 3,5 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dont 1 million d’enfants. Notre pays compte 1,3 millions d’allocataires du RMI. Ce chiffre a progressé de 10 % en un an. Le chômage dépasse les 10 % et frappe 2,5 millions de personnes. Moins d’un chômeur sur quatre est indemnisé et pour la première fois depuis 1996, le salaire moyen a reculé, selon une étude de l’INSEE. Parallèlement, les bénéfices de grandes entreprises du CAC 40 flambent : l’an dernier, ce sont 17 milliards d’euros de dividende qui ont été versés à leurs actionnaires dont la moitié sont des fonds de pension étrangers. La France est riche. Mais cette richesse est concentrée dans les mains de quelques-uns et c’est là tout le problème.
La situation aujourd’hui est le résultat de la politique menée par votre gouvernement privilégiant la spéculation, l’abaissement du coût du travail, les délocalisations qui engendrent le développement du chômage, du sous emploi et de la précarité.
Dans notre département, comme un plan national, cela se traduit par une aggravation des conditions de vie d’une large partie de la population.
Ainsi, le nombre de bénéficiaires du RMI ne cesse d’augmenter. De 7 841 bénéficiaires au 1er janvier 1991, on en compte aujourd’hui 22 379. C’est alarmant !
Ceci n’est pas en premier lieu la conséquence d’une politique d’insertion qui aurait échoué, privilégiant l’assistanat comme vous le suggérez, mais bien l’échec de la politique d’emploi de votre gouvernement que vous relayez au plan départemental.
Vous le dites d’ailleurs vous-même lorsque vous annoncez que 35 % des bénéficiaires du RMI sont "employables" immédiatement (terme par ailleurs bien désobligeant).
Vous annoncez un objectif qui est de permettre à chaque allocataire du RMI de vivre d’un travail. Nous partageons entièrement ce vœu. C’est d’ailleurs l’aspiration de tout bénéficiaire du RMI, qui contrairement à des idées culpabilisatrices sous-jacentes, ne se "complet" pas dans une "confortable" situation comme cela a été dit en survivant avec 425,40 € d’allocation RMI par mois.
Encore faut-il qu’ils puissent trouver en effet un travail dans ce pays où les licenciements se multiplient et où le chômage explose.
La réponse adaptée pour ces personnes n’est assurément pas le RMA, nouvelle forme d’emploi précaire, sous-payé, dans lesquelles les Rmistes dit "employables" vont se retrouver en fait, corvéables à merci.
Nous condamnons cette mesure que vous persistez à appliquer, sans grand succès d’ailleurs, tout comme nous condamnons la décision que vous avez prise, particulièrement choquante, de confier l’insertion professionnelle à des entreprises privées à but lucratif, comme MANPOWER, qui ne sont pas animées par des sentiments philanthropiques.
Pour notre part, nous agissons pour que l’insertion des personnes allocataires du RMI soit abordée dans le cadre d’une sécurité d’emploi, de formation et de revenu tout au long de la vie.
Pour notre département, à partir de plusieurs rencontres avec des associations et des professionnels intervenant dans ce domaine, des propositions ont été élaborées :
· Mobiliser les moyens de tous les partenaires intéressés par l’effort d’insertion : le département, parce qu’il a en charge l’action sociale et le RMI, la région, puisqu’elle agit pour la formation professionnelle, l’Etat, dont il faut refuser le désengagement, et la commune.
· S’engager au plan départemental sur des financements au moins à hauteur des « 17% » prévus par la précédente loi, pour répondre à l’effort nécessaire à l’insertion et la lutte contre la pauvreté.
· Assurer la présence de travailleurs sociaux en plus grand nombre, c’est bien de la responsabilité du département, afin de permettre un véritable travail d’insertion individualisé et d’accompagnement pour surmonter les difficultés rencontrées.
· Se donner les moyens d’un retour à un véritable emploi : développer les dispositifs d’accompagnement, engager un effort d’ampleur de formation qualifiante, aider au développement des entreprises d’insertion, viser un réel parcours d’insertion débouchant sur un emploi durable, à l’opposé de ce "sous-contrat de travail inacceptable" qu’est le RMA.
· Et enfin s’engager résolument dans des dispositifs d’appui aux organismes et associations à vocation sociale et poursuivant des objectifs d’intérêt général et non dans des organismes à but lucratif privés.
Avec l’extension de la pauvreté, les situations de détresse se multiplient : du jour au lendemain, des personnes, des familles avec des enfants se retrouvent à la rue ou privées de moyens pour se chauffer, disposer de la lumière ou de l’eau courante et ce, malgré la mobilisation des associations, et les dispositifs d’aides existants.
Cela n’est plus acceptable dans un pays comme le nôtre.
C’est la raison pour laquelle, les députés communistes ont déposé, le 15 mars dernier, une proposition de loi intitulée "droit de vivre dans la dignité" qui vise à interdire ces pratiques d’un autre âge que sont les expulsions, les coupures d’eau et d’électricité, résultant d’un défaut de paiement en raison de difficultés économiques et sociales.
Il est significatif que les députés de droite à l’assemblée nationale aient refusé d’en débattre, opposant au droit au logement et à une vie digne, constitutifs des droits fondamentaux de l’homme, le droit à la propriété.
Ce n’est pas là faire preuve d’une volonté politique de véritable cohésion sociale pourtant plus que jamais nécessaire.
Le désengagement de l’Etat dans ce domaine que nos condamnons, amène le département à assurer seul la gestion du fonds de solidarité pour le logement.
Je pense qu’il serait utile de faire un bilan de ce dispositif. Je rappelle en effet que l’ADIL avait effectué une étude très intéressante sur la prévention des expulsions dans notre département montrant que le fonds de solidarité logement "ne répondait pas à l’attente".
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Concernant ce fonds, celui-ci devra, au travers de son règlement intérieur et de ses nouvelles modalités, traduire des axes forts en direction de ceux et celles en grande difficulté.
En effet, va-t-on se contenter de réduire les dettes, ou va-t-on mieux qu’aujourd’hui favoriser des actions à long terme sur les causes de ces dettes en agissant sur la prévention, l’accompagnement ?
Enfin, la dernière question que je voulais évoquer concerne les personnes âgées et plus particulièrement l’APA sur laquelle je voudrais revenir.
J’avais, lors de notre séance du 19 décembre dernier
, proposé d’améliorer l’aide apportée aux personnes âgées confrontées à des problèmes de perte d’autonomie.
En effet, les modifications apportées par la réforme du 31 mars 2003 à la loi de janvier 2000 créant l’APA, a remis en cause cette avancée sociale restreignant l’accès au droit des bénéficiaires.
Les personnes âgées ont ainsi dû faire face à une augmentation de leur participation et à une baisse du seuil de participation fixé à un montant de revenu égal à 623 euros contre 949 précédemment. Même les personnes ne disposant que des minima sociaux ont de ce fait été appelées à contribution.
Ces mesures restrictives sont particulièrement choquantes car elles visent à faire des économies sur les besoins d’aide des personnes âgées dépendantes. Notre groupe s’est fermement opposé et a combattu ces mesures iniques.
S’il est vrai que l’APA représente une dépense importante, la solution juste n’est pas de réduire l’accès à la prestation pour la population.
Ayant participé à l’atelier sur les personnes âgées, j’ai été frappée par le nombre d’interventions qui attiraient fortement l’attention sur les difficultés de celles-ci à faire face aux coûts de leur dépendance. Je souhaiterais citer un extrait de la synthèse de cet atelier publié dans 92 Express : "un constat unanime s’est imposé : la personne âgée doit avoir le libre choix de son mode de vie, ce qui suppose de lever l’obstacle du coût de certaines prestations encore inaccessibles aux revenus modestes malgré la mise en œuvre de l’APA.".
C’est la raison pour laquelle nous avions déposé un amendement qui visait à rétablir les droits tels que les prévoyait la loi portant création de l’APA. La majorité de cette assemblée a rejeté notre proposition alors que des départements de sensibilités diverses et aux moyens financiers bien inférieurs aux nôtres, ont, dès 2003, pris des mesures dérogatoires dans ce sens, comme les y autorise la loi.
Je trouve cela tout à fait regrettable et je renouvelle aujourd’hui notre proposition.