SÉANCE DU CONSEIL GÉNÉRAL DU VENDREDI 23 OCTOBRE 2009
Rapports n° 09.211 et 09.225
Intervention dans le débat sur la nomination de Jean Sarkozy à l’Epad et sur les deux projets de décrets pour fusionner Epad-Epasa avec une extension de l’OIN
Monsieur Patrick Jarry
Monsieur le Président, Chers Collègues,
Enfin la voix de la sagesse a été entendue !
L’épisode que nous venons de vivre à permis de révéler à des milliers d’habitants et de salariés, à des centaines d’élus, les enjeux qui se jouaient derrière l’aménagement de la Défense. Il faut en prendre la mesure. Vous ne pourrez plus faire comme si c’était votre chasse gardée. Il va falloir accepter un débat transparent sur le devenir du quartier d’affaires. Une ère nouvelle peut s’ouvrir pour l’Ouest Parisien .
Personne n’est en effet sans ignorer que cette élection à la Présidence de l’Epad est intimement liée aux décrets de fusion de l’Epad et de l’Epasa et à l’extension de l’OIN que nous devons aborder .
La candidature de Jean Sarkozy à la Présidence de l’Epad, annoncée à grands renforts de communication médiatique, n’avait aucune légitimité et était ressentie très largement comme une véritable provocation par les Français et leurs élus locaux. Elle avait créé un véritable choc dans la jeunesse française.
Je n’ai rien contre Jean Sarkozy, il ne manque sans doute pas de talent.
Mais franchement, vouloir lui faire débuter ainsi sa carrière politique, est une grosse faute commise par ceux qui l’ont poussé dans cette mésaventure.
Il reste candidat pour être administrateur au Conseil d’Administration de l’Epad et nous verrons ce que le vote, que nous allons émettre, donnera comme résultat.
Je suis toujours candidat à la présidence de l’Établissement Public d’Aménagement de la Défense. Pourquoi ?
En même temps qu’il décidait de tenter d’imposer son fils à la Présidence de l’Epad, Le Président de la République envoyait aux collectivités locales concernées deux décrets, l’un concernant la fusion de l’Établissement Public d’Aménagement de la Défense (EPAD) et de l’Établissement Public d’Aménagement Seine-Arche (EPASA) afin d’en créer un nouveau que se dénommerait EPADSA, l’autre en prévoyant l’extension
Alors que je n’ai de cesse, depuis plus d’un an, de faire appel au dialogue, de chercher et de proposer des solutions d’avenir pour La Défense, pour l’aménagement de la Seine à l’Arche, pour l’aménagement de l’Ouest parisien. Des propositions qui peuvent se résumer ainsi : travaillons d’abord sur un projet partagé et ensuite nous nous attacherons aux questions de gouvernance.
Et qu’avons-nous vu venir ? Rien ! … Si ce n’est ces deux décrets, complétés par une extension de l’Opération d’Intérêt National, quasiment uniquement sur le territoire de Nanterre.
Tout cela réinterroge à la fois la pertinence du territoire et sa gouvernance !
De pertinence du territoire : il n’y en a pas ! Quelques chiffres :
Actuellement l’Epad, c’est-à-dire La Défense, repose sur 160 hectares.
L’opération Seine-Arche, mise en œuvre par l’Epasa, se déroule sur 320 hectares.
Le nouveau périmètre serait porté à 770 hectares dont 556 sur Nanterre,
Ce qui ferait que la seule ville de Nanterre compterait pour 72 % dans ce périmètre et que 46 % de son territoire serait dans cet OIN.
Pour en arriver à une telle « mainmise » sur le territoire de Nanterre, ceux qui ont préparé ce projet d’extension se sont permis d’inclure dans ce périmètre : la Zac des Guilleraies, la Zone d’activités du Petit-Nanterre, la Zone d’activités des Hautes-Pâtures soit toute les zones d’activité de Nanterre et un petit morceau du quartier du Parc.
Pour quelles raisons « d’Intérêt national » l’État souhaite t’il inclure ces secteurs dans ce qui serait le nouveau périmètre ?
Y a-t’il un projet cohérent en termes d’aménagement, d’urbanisation, d’enrichissement du cadre de vie ou encore en termes de développement économique ?
Non, il n’y a rien ! Vous pouvez lire et relire le « Rapport de présentation des décrets », que le Préfet a adressé à notre assemblée. Rien, hormis pour le secteur des Groues, secteur qu’il était déjà envisagé de travailler dans le cadre de l’Epasa actuel et sur lequel la ville et l’établissement public préparent depuis 2006 un projet audacieux que nous exposerons au MIPIM en mars.
Il faut de l’audace pour travailler sur ce territoire car il est traumatisé par les infrastructures routières et ferroviaires.
Pour comprendre la volonté qui sous-tend cette extension, je ne prendrai qu’un seul exemple, celui de la zone des « Guilleraies » : sa zone d’activité s’étend sur 130 hectares et comptent actuellement 151 établissements. Dans les deux années à venir, ce seront plus de 20.000 emplois qui y seront implantés. Tout cela dans un contexte difficile car ce territoire est contraint par une zone de sécurité appelé « boil-over » … ce qui prouve la bonne capacité de la Société d’économie mixte de Nanterre à bien gérer cette Zac.
J’ajoute que cette zone est l’une des dernières de la proche couronne de Paris où il reste des emplois industriels : fabrique de pâtes alimentaires, élaboration d’huile industrielle, une centre de tri des déchets ménagers, des sociétés de transports, des plateformes du bâtiment, de la blanchisserie, de l’imprimerie, …
et, pour abréger, je termine en citant la pharmacie centrale des hôpitaux de Paris qui y fabrique, notamment, des médicaments complexes et rares.
Que compte faire l’État avec les Guilleraies ? Pense t’il gérer cette zone d’activité mieux que nous ? Pense-t-il à un développement différents en y réalisant des milliers de m² de bureaux pour tertiariser encore un peu plus l’Ouest parisien ? Veut-il en bloquer le développement ?
S’agit-il tout simplement de tenter de capter les éventuelles gains résultants de la vente des droits à construire ?
C’est cela votre intérêt national ?
Après avoir pendant plus de 50 ans considérée Nanterre comme l’arrière cour de la Défense, Il faudrait aujourd’hui, lui faire « cracher » du cash pour le quartier d’affaires ?
On comprend mieux pourquoi ce soi disant intérêt national est inavouable !
Et là, on comprend mieux quelle est la logique qui sous-tend cette volonté d’inclure ces zones d’activités dans un nouveau périmètre de l’OIN.
L’exemple symptomatique est celui de ce petit terrain de 9.700 m², du quartier du Parc, à coté de l’école Maxime-Gorki. Il se trouve inscrit dans le nouveau périmètre de l’OIN. Tout cela parce que le groupe d’investissement américain « Carlyle » espère un jour y construire une tour de plusieurs milliers de m² de bureaux, dont Nanterre ne veut pas car elle écraserait littéralement l’école. Nous tenons évidemment à la qualité de vie des élèves et des enseignants.
Bien sûr, je vois bien la logique qui guide cette volonté. Ces richesses de Nanterre faciliteraient l’équilibre des comptes du futur établissement, car il est maintenant de notoriété publique que l’Epad est déficitaire de plus de cent millions d’euros.
Mais si l’on est dans cette démarche là, pourquoi ne pas inclure dans le périmètre de l’OIN : Rueil 2000, La Zac des Bergères et les Bords de Seine du Pont de Neuilly sur ce territoire de Levallois où le maire veut construire des tours ?
Y aurait-il deux poids, deux mesure ?
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J’en viens à la Gouvernance de ce nouvel établissement public.
Quinze membres sont annoncés ! Et deux seulement pour Nanterre.
Quelle est la population, quels sont les élus, quel est le maire qui accepteraient d’être représentés au niveau de 13% dans un Conseil d’administration dont le territoire entre pour 72 % dans l’OIN et qui s’étend sur près de 50% du territoire communal ?
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Au-delà de l’iniquité politique, même au niveau du Droit ce n’est pas acceptable !
Le Professeur Philippe Terneyre, agrégé de droit public à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour et Ancien Doyen de la Faculté de Droit de Pau, dans une note de Droit, et même de Droit Constitutionnel, – que je tiens ici à votre disposition – conteste la licité de ces décrets. Je me permets de vous citer un cours passage de sa conclusion tout en vous invitant à lire l’ensemble :
« … dès lors que près de la moitié d’un territoire communal est affectée par une OIN décidée par l’Etat, la « libre administration » de la commune qui est garantie par la Constitution et la loi est ainsi affectée dans l’une de ses compétences essentielles » ….. Le Professeur Terneyre poursuit en précisant « qu’en englobant 46 % du territoire de la commune de Nanterre dans le périmètre d’une OIN, un seuil est ainsi franchi par le Gouvernement de nature à rendre illégal le décret pour erreur manifeste d’appréciation malgré l’objectif d’intérêt général poursuivi ».
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Ce sont pour des motivations voisines de celles-ci, mais aussi du fait de l’injustice d’ensemble qu’ils constituent, que le Conseil régional et les Conseils Municipaux de Courbevoie, Puteaux, Nanterre ont rejeté ces projets de décrets.
Vous n’êtes pas sans avoir constaté que les deux conseils municipaux sur lesquels repose le territoire de la Défense – ceux de Courbevoie et de Puteaux – sont à majorité UMP … identique à la majorité de ce Conseil Général.
Dans la délibération adoptée hier soir par le Conseil Municipal de Puteaux, j’ai relevé un paragraphe qui correspond parfaitement à ce que nous pensons à Nanterre.
Je cite « Ces projets imposent aux communes de Puteaux et Courbevoie, par le biais du nouvel établissement, d’intervenir dans l’aménagement du territoire de l’Epasa, alors qu’elles y sont étrangères aujourd’hui et que l’État avait défini au travers d’un protocole en date du 9 mai 2000 avec la Ville de Nanterre les modalités de développement de ce territoire ».
Au moment du vote qui suivra, j’espère que chacun de vous aura le même courage que ces élus de terrains, qui ont eu l’intelligence de comprendre l’absurdité qu’il y avait à s’engager dans une voie qui oriente le développement de l’Ouest parisien vers une catastrophe économique, urbanistique, écologique et sans âme !
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Ce projet d’extension de la Défense avec ses centaines de milliers de m² de bureaux, où seule la manne financière de la vente de charges foncières en est à la fois le moteur et le carburant, constitue la vision élyséenne du « G
rand Paris ».
D’ailleurs, hier lors d’une réunion du STIF, j’ai eu la confirmation qu’il est prévu 60.000 emplois supplémentaires sur la dalle de La Défense. Que pensent les habitants de Puteaux et de Courbevoie et les salariés actuels d’une telle surdensification ?
Alors qu’il faudrait réinscrire La Défense dans un développement harmonieux, où il fait bon vivre, travailler, se cultiver et où l’être humain est au centre des préoccupations, nous assistons à une perpétuelle fuite en avant.
C’est sans doute pour tout cela que l’Élysée souhaitait installer d’urgence un « homme de confiance » à la tête de ce futur établissement ; car il ne fait de doute pour personne que celui sera à la présidence de l’Epad pourrait ensuite l’être à la présidence de l’Epadsa !
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Est-cela le Grand Paris ? Celui des dix grands architectes missionnés pour réfléchir à un avenir durable de la métropole parisienne et, singulièrement, pour ce qui nous concerne, de l’Ouest de la capitale ?
Non ! Non si j’en crois Jean Nouvel, que chacun a pu lire dans Le Monde du 21 octobre, où il interroge ainsi sur le travail fourni par ces équipes : « Où en sommes-nous ? Nulle part ! ».
Vous êtes entrain de tout gâcher ! Quel gaspillage de l’intelligence humaine. Quelle gabegie d’avoir fait appel aux meilleurs architectes-urbanistes de la planète pour ne pas se servir de leurs travaux et ne produire que du vent ou de la politique politicienne.
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Déjà lors de notre rencontre ici-même avec Christian Blanc, Secrétaire d’Etat chargé du Développement de la région capitale, auprès du Premier ministre, je disais qu’il fallait débattre, ouvrir réellement la concertation avec les élus, avec les populations, avec les acteurs des villes, avec deux dimensions intimement liées :
Ä Repenser La Défense dans son rapport à la métropole ;
Ä Repenser La Défense dans son environnement immédiat, …, avec, au moins, quatre orientations :
à Les transports d’abord. On ne peut pas commencer à imaginer de nouveaux développements sans d’abord faire des choix et les mettre en œuvre ;
à Le nombre et la diversité des logements dans cet espace.
à La question de l’accès à l’emploi. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, il ne suffit pas (les exemples de Nanterre ou de Saint-Denis le montrent) de localiser de l’emploi dans une ville pour en rendre l’accès à tous. Il faut travailler sur l’ensemble de la filière emploi-formation.
à Enfin, la diversité de l’emploi, car je pense que la question posée pa
r la crise énergétique amène à repenser la localisation d’une partie des activités de production.
Rappelez-vous, le Secrétaire d’État m’avait donné acte de la justesse de ces interrogations et propositions lors de cette séance !
Pourtant de cela non plus il n’est plus question. Quel gâchis ! Quelle perte de temps !
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Monsieur le Président, ma conclusion portera sur deux points et des propositions.
Premièrement, j’invite solennellement notre assemblée à rejeter les deux projets de décrets, entrant ainsi en cohérence avec celles et ceux du Conseil régional et des villes de Puteaux, Courbevoie, Nanterre qui ont voté contre et dont ici nous sommes les représentants. Soyons dignes de cette responsabilité que nous ont confiée les électeurs. Le Département doit soutenir ses élus locaux !
Deuxièmement :
Ä Je fais appel au dialogue afin que se noue un travail qui n’ignore pas les élus que nous sommes ;
Ä Je demande que dès demain nous nous adressions au Président de la République pour lui demander que soit instituée une grande réflexion collective sur l’avenir de l’Ouest parisien qui, n’en doutons pas, concerne l’ensemble de notre métropole.
Ä Cette structure d’élaboration constructive pourrait être constituée des maires ou d’élus des villes sur lesquelles La Défense a un impact :
Je pense à Puteaux, Courbevoie, La Garenne-Colombe, Suresnes, Rueil-Malmaison et Nanterre.
Aux représentants de ces villes devraient se joindre des représentants :
-
de notre Conseil Général ;
-
du Conseil Régional ;
-
de Paris ;
-
du STIF ;
-
du Syndicat Mixte d’études « Paris-Métropole » ;
-
enfin pour prendre en compte les remarques de Jean Nouvel, il m’apparait incontournable que des représentants des dix grandes équipes qui ont travaillé sur le Grand Paris soient parmi nous.
Le Président de la République doit nous entendre ! Il faut retirer les deux décrets de fusion et d’extension de l’OIN.
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Vous le voyez, loin d’avoir un esprit de chapelle, un esprit de clan, j’en appelle à l’ouverture, à l’imagination, à l’intelligence, à la politique dans son sens noble qui est avant tout celui de gérer la cité pour le bien des citoyens.
La France nous regarde et vous regarde, le monde entier nous observe.
Soyons dignes dans les réponses apportées.
Je vous remercie de votre attention.