Sur son blog, Mélenchon clarifie la stratégie du front de gauche et invite
le PCF a prendre une position claire pour les régionales.
Lundi soir je n’étais pas invité sur le plateau de «Mots Croisés». On se
demande pourquoi alors qu’il était question de la recomposition de
l’opposition avec Buffet PCF, Besancenot NPA, Duflot Verts, Peillon PS, Khan
Modem… Je crains de payer, à vie, mon «Allez au diable madame Chabot».
C’est d’ailleurs ce qui a été dit à quelqu’un qui s’étonnait de mon
abscence. «Non, Mélenchon ? On ne peut pas, il critique trop les médias».
Dommage. Je n’en dis pas plus car je sais que vous ressentez ça comme moi.
Vive le service public de la télévision!
Lundi, je suis donc de corvée sur ce clavier, dans l’obligation d’écrire
ligne à ligne ma façon de voir. Il le faut bien car samedi et dimanche il y
a eu beaucoup de mouvements sur la scène politique. Le contenu n’est pas
fameux mais le mouvement est incontestable. Tout se passe comme le décrit
mon livre «En quête de gauche». Le PS roule vers le Modem comme la rivière
vers la mer.
LE CONTENU
Donc, d’abord le contenu, scro gneu gneu! Le contenu, c’est là que le
bat blesse. Tout le monde s’y réfère. En général. Dans l’abstrait. Juste
pour laisser deviner sa propre densité et mettre à distance l’impression de
manoeuvre politicienne qui sans cela se verrait trop. Modem et socialistes
se tournent donc autour.
«Le projet, les idées d’abord» jurent-ils l’un après l’autre. Puis
faisant exactement le contraire de ce qu’ils annoncent, alors qu’aucun
contenu n’est énoncé, chacun entre dans le détail de la manoeuvre. Bayrou
veut parler avec tout le monde parce qu’il est tolérant, ouvert et d’abord
intéressé aux idées. Mais ceux qui ne veulent pas parler avec lui seront
étranglés sur place, en quelque sorte. Ceux là sont des sectaires dit-il.
Aubry est prête au dialogue et à s’entendre avec tous les hommes de
bonne volonté mais elle demande d’abord des clarifications sur le projet. On
se demande lesquelles. Mais quelle importance? La grande manoeuvre est
lancée. D’une façon ou d’une autre ils se parlent, ils se reniflent comme on
le dit vulgairement.
Bayrou a bien résumé sa façon de voir. Pour lui il y a «le camp de
l’alternance» et tous les autres sont des partisans de Sarkozy pour dix ans.
La droite en rajoute pour conforter ce paysage et les marier au plus vite.
Elle dénonce le «virage ultra gauche» de Bayrou. Ultra gauche! Mais pendant
cette comédie du centre gauche déjà jouée tant de fois avec le même désastre
à la clef pour la gauche, il faut bien avouer que nous, l’autre gauche nous
ne sommes pas flambards. Le Front de gauche peine alors qu’il devrait
avancer en petites foulées tranquilles. Les régionales pèsent comme une
enclume dans notre paquetage. Il est temps d’ajouter les efforts de mon blog
à ceux du Parti de Gauche pour se faire entendre clairement. Que chacun
d’entre nous en fasse autant s’il partage notre analyse. Qu’il le fasse
partout où il peut être lu et entendu. Car le moment est plein d’embuches.
Notre pari est que nous en sortirons par l’exposé franc de nos objectifs et
l’invitation à ce que chacun s’en mêle.
UN RESUME DU RAISONNEMENT
Commençons par le commencement. Je vous propose un résumé à très gros
traits de notre vision. Pour que la gauche gagne il faut qu’elle soit
porteuse d’un projet de rupture avec l’ordre en place. Donc un programme
capable de répondre aux besoins du pays et du grand nombre qui le compose.
Quel programme ?
Je résume le nôtre: partage des richesses, planification écologique,
refondation républicaine de la société et des institutions, sortie du Traité
de Lisbonne. Pour que ce programme l’emporte et s’applique il faut qu’une
stratégie le rende majoritaire dans les urnes. Pour nous cela passe par la
formation d’un Front de gauche qui s’enracine et s’élargisse d’une part à
des formations, groupes et collectifs politiques, d’autre part à un
implication populaire croissante. Le Front de gauche a vocation à devenir un
nouveau Front Populaire. Tout le monde suit le raisonnement ? Jusque là
chacun signe dans l’autre gauche. Ou presque. A ceci ou cela près. Voici
maintenant ce qui bloque.
LA FRONTIERE DU FRONT DE GAUCHE
Pour nous, le PS n’a pas sa place dans le Front de Gauche. Comprenez
bien ce que cela signifie. Je m’empresse de dire aux angoissés que, pour
nous, le principe du désistement mutuel à gauche est une évidence de
principe. Mais il y a une compétition entre deux lignes à gauche. Celle du
Social libéralisme et celle de l’autre gauche. Cette compétition doit être
assumée. C’est le seul moyen de la surmonter. Chacun défendant d’abord ses
idées et ses propositions, nul n’est étouffé ni interdit d’expression ou de
mobilisation.
Assumer cette compétition cela veut dire la porter devant les électeurs.
C’est à eux de fixer le curseur entre les deux lignes. Au premier tour.
Puis, au second tour, on se rassemble pour battre la droite. Voilà pourquoi
la question de l’autonomie de nos listes au premier tour de l’éléction
régionale, de notre candiadature au premier tour de l’élection
présidentielle et des législatives est fondamentale. Je dis que si nous ne
sommes pas présents au premier tour de façon autonome et indépendante, cela
signifie que nous renonçons par là même à avoir jamais la possibilité de
porter les couleurs de toute la gauche au second. Dans ce cas comment
concilier différence et unité ? Pourquoi faire des partis distincts du PS ?
Pourquoi le critiquer ? Mieux vaudrait l’intégrer pour peser en son sein.
Mais justement, ce qui s’est passé en Allemagne, en Italie, au Portugal, en
Grèce et au Chili récemment prouve que cette pression de l’intérieur ne sert
qu’à cautionner le système et n’en modifie pas la trajectoire. Dans tous ces
pays, comme en France il y a eu une scission dans les rangs du PS qui a
servi de point d’appui pour une recomposition de l’autre gauche.
UN PAQUET DE TROIS ELECTIONS
Dans une précédente note sur ce blog j’ai présenté la proposition du
Parti de Gauche de lier les trois prochains scrutins dans notre accord du
Front de gauche. Cette proposition est sur la table. Elle n’est pas un
préalable. Mais un test? Oui. Pourtant, selon le rapport de Pierre Laurent
devant le conseil national du PCF, ce n’est pas la conception du PCF ni son
mandat de congrès. Ce n’est pas ce que nous avions compris de l’une et de
l’autre. De plus dans ce cas que peuvent bien signifier alors les
précédentes déclarations selon lesquelles le Front de Gauche devait
s’inscrire dans la durée ? Mais je reconnais que les meilleurs connaisseurs
de leur ligne sont les communistes eux-mêmes. Cependant comme dans le même
temps les dirigeants communistes disent qu’ils sont d’accord pour un «comité
permanent» du Front de Gauche et la mise au point d’une «plateforme
partagée» et qu’ils lient tout cela à la tenue «d’ateliers» avec la
participation du PS, il y a problème.
Nous ne voulons pas de «comité permanent» avec le PS, nous ne croyons
pas que ce soit le moment d’une «plateforme partagée» avec le PS. Surtout
pas
au moment où celui-ci engage le dialogue du «camp de l’alternance» avec
le Modem de Bayrou. L’ambiguité doit donc être levée. Le dire ce n’est
mettre personne au pied du mur. C’est pouvoir s’organiser en connaissance de
cause. Car, pour notre part, si nous n’exigeons pas des communistes qu’ils
suivent notre ligne d’action nous sommes bien certains qu’eux n’espèrent pas
nous faire renoncer à la nôtre. En effet, nous n’avons pas du tout
l’intention de renoncer à notre cohérence. Nulle part. Le Front de gauche
doit s’enraciner et s’élargir de façon autonome par rapport au PS.
Nous ne ferons donc aucune liste en commun avec le PS au premier tour.
Et nous nous militerons avec ceux qui partagent notre vision.
Tous, qu’ils viennnent à titre collectif ou individuel. Je résume notre
orientation: liste autonome au premier tour, «fusion démocratique» au second
entre les listes de gauche. «Démocratique» signifie que chacun occupe le
nombre de sièges correspondant à son résultat du premier tour. Autrefois on
disait «à la calculette». Tout le monde comprend. Nous sommes certains qu’il
existe de nombreux partenaires pour cette ligne. Le NPA, La Fédération,
combien de groupes localement se disent disponibles. Nous pensons que les
communistes le prendront en compte. Nous voudrions mener cette nouvelle
bataille la main dans la main, de nouveau, avec le Parti communiste. J’ai
dit mille fois ce qu’il représente pour nous depuis 2005 et le Référendum
Constitutionnel. Nous le voulons parce que nous croyons que la démonstration
a été faite de la fécondité de cette ligne dans les élections européennes.
Et si nous avons avancé la proposition de faire un paquet des trois
prochaines élections, nous savons aussi que c’est une façon de ne pas rester
le nez cloué sur une élection dont la nature pousse à la géométrie variable.
Nous avons dit aux communistes que c’était aussi pour nous une façon de ne
pas faire des cas particuliers de telle ou telle région un point de blocage
pour tout notre projet commun a long terme. Enfin nous avons fait une
proposition originale pour dénouer le tout.
DEMANDONS LEUR AVIS A NOS ADHERENTS
Cette proposition la voici. Puisque cette proposition est, certes sur un
plan formel, entièrement nouvelle par rapport à nos décisions de congrès aux
uns et aux autres, proposons là ensemble à nos adhérents. Faisons voter tous
nos adhérents, chacun dans son parti suivant ses règles de fonctionnement,
pour savoir s’ils l’approuvent. Ce qui est sûr c’est que l’opinion de
gauche, si l’on en croit nos enquêtes est plutôt d’accord avec nous. Je
reviens sur tout cela dès qu’il y aura du nouveau. Ca ne saurait tarder.