Une tribune de Jacques Perreux.
La tribune de Alain Hayot publiée dans l’Huma du 29 août et intitulée «camarades verts encore un effort pour devenir anti-libéraux» est naturellement une invitation au débat entre verts et communistes mais aussi une opportunité -dont je profite- pour débattre entre communistes de l’écologie et de notre rapport aux écologistes.
Tout d’abord pour ma part j’ai appris que les combats écologistes demandaient beaucoup de modestie au vue de la gravité des enjeux, et une ligne de conduite constante et lisible. Certes depuis longtemps certains communistes participent à ces combats, – je pense notamment à tout le travail animé par Sylvie Mayer – cependant, ce n’est que très récemment que le PCF se déclare écologiste et non productiviste. Mais chacun sait bien qu’en la matière c’est comme pour le féminisme, l’altermondialisme, l’anti-racisme, la lutte contre l’homophobie , cela ne se décrète pas, cela se ressent individuellement et surtout cela se prouve en actes. Nous avons beaucoup à progresser pour être par exemple aux premiers rangs, des batailles contre les OGM , les pesticides et pour une gestion publique de l’eau…qui sont d’ailleurs aussi des batailles contre le libéralisme!
Ensuite pour la qualité du débat on ne gagne rien à caricaturer la pensée de l’autre en considérant comme le fait Alain Hayot que «les écologistes ont cessé de vouloir revenir un siècle en arrière».
C’est sûr, des écologistes mènent des combats anti-libéraux depuis belle lurette et n’attendent donc pas que le PCF leur décerne un brevet dont il n’est d’ailleurs pas détenteur. D’autres sont libéraux, cela n’interdit pas d’évoluer! D’autres encore ne sont pas antilibéraux, c’est vrai, mais ce n’est pas une condition sine qua non de l’écologie.
D’autres enfin le sont devenus, par souci d’efficacité, en découvrant sur le chemin de la protection de la planète l’obstacle que constitue le libéralisme. Mais en définitive il n’en va pas différemment pour les communistes. Personnellement mon idéal n’est pas l’anti-capitalisme, il est le communisme c’est à dire la mise en commun, le partage, l’altruisme, le goût des autres. Et si je suis contre le capitalisme, c’est parce que celui-ci empêche par sa logique de mise en concurrence, leurs réalisations.
De la même façon, le capitalisme parce qu’il cherche le profit maximum à court terme, gaspille les ressources et détruit la planète. Il faut donc dépasser comme le dit Alain Hayot ce modèle économique et financier dominant au plan mondial. Oui c’est nécessaire mais ce n’est pas suffisant.
Au PCF nous ne croyons plus depuis longtemps que la transformation économique entraîne automatiquement la transformation de tous les rapports sociaux. Nous savons bien qu’il ne suffit pas d’être anti-libéral ou même communiste pour être féministe, anti-raciste, alter mondialiste…et nous savons bien aussi que des militants particulièrement efficaces du féminisme, de l’anti-racisme, de l’alter mondialisme…ne sont ni anti-libéraux, ni communistes.
L’écologie est profondément affaire de comportements, de choix de mode de vie, de culture, de conception du bonheur, qui a en ligne de mire le développement harmonieux de la nature, la préservation des ressources, et la vie des générations futures. Il y a matière à un débat permanent sur les conceptions de vie, sur la décroissance de certaines activités. Par exemple Alain Hayot dit:«qu’il faut créer et produire des voitures propres». Sans aucun doute mais ne faut-il pas aussi faire évoluer nos rapports au temps et à la vitesse et imaginer un autre rapport que celui de la propriété individuelle de la voiture? Cette idée et cette pratique ne sont-elles pas déjà présentes dans la société d‘aujourd’hui au travers de vélolib, autolib…
Que signifie «ne plus être productiviste»? N’y a –t-il pas à mener une réflexion sur le bien-être aujourd’hui souvent associé à l’acquisition de biens matériels.
Ce qui me dérange un peu dans la tribune d’Alain Hayot c’est qu’au fond, je crois que ce qui l’empêche de voir ce que sont les écologistes, c’est cet ancien tropisme qui le place du point de vue du parti-guide autour duquel il faudrait se rassembler. Le PCF a tout à gagner à voir les autres tels qu’ils sont dans des processus longs, toujours complexes. Comme l’est la vie!
Dans la deuxième partie du 20ème siècle, des millions de citoyen-es ont lutté contre toutes sortes de dominations et n’ont pas trouvé dans le PCF l’espace pour les porter et les faire aboutir. D’ailleurs le PCF a reconnu une grande partie de ses retards et rendez-vous manqués. Faut-il dès lors persister et vouloir transformer le PCF, en espérant que tous ceux là finiront par y venir ou bien ne faut-il pas travailler à un mouvement ouvert où toutes ces sensibilités de combats se côtoieraient et s’enrichiraient mutuellement pour produire et construire une alternative au capitalisme et à toutes les dominations. A défaut d’une telle audace, le PCF continuerait à perdre ses forces et à laisser place à des recompositions politiques sous forme d’impasses.
Jacques Perreux