Congrès du PCF : deux textes pour de nombreux débats
En vue de leur rendez-vous d’avril à Marseille, les communistes doivent choisir d’ici fin janvier le texte qui servira de base commune pour les débats : celui adopté par la direction sortante ou une proposition alternative. Rassemblement de la gauche, bilan, stratégie de conquête des classes populaires, écologie, travail, communisme… autant de questions sur lesquelles devraient porter les échanges pour définir les orientations des prochaines années.
Publié leSamedi 14 Janvier 2023Julia Hamlaoui https://www.humanite.fr/politique/pcf/congres-du-pcf-deux-textes-pour-de-nombreux-debats-778005
En 2018, les communistes avaient fait le choix d’une base commune alternative portant Fabien Roussel à la tête du parti. © Julien Jaulin/HansLucas
Cette fois, seulement deux textes d’orientation seront en lice pour le congrès du PCF prévu dans moins de trois mois, contre quatre lors du précédent rendez-vous en 2018. Un choix plus resserré pour les adhérents de la formation, qui devront se prononcer par un vote fin janvier pour choisir le document sur lequel ils plancheront ensuite tous ensemble, avant de se retrouver en avril à Marseille pour leur rendez-vous national.
D’un côté, le texte adopté par le conseil national (CN) du PCF en décembre, intitulé « L’ambition communiste pour de nouveaux jours heureux ». De l’autre, un texte dit « alternatif » : « Urgence de communisme – ensemble pour des victoires populaires ».
Ses quelque 1 000 premiers signataires (sur 300 au minimum) sont majoritairement issus des soutiens de la précédente direction – qui avait été devancée lors du dernier congrès (avec 38 % contre 42 %) par la proposition dénommée « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle », lors du vote interne – ou de ceux d’un courant déjà à l’origine d’un texte en 2018 (« Pour un printemps du communisme », 12 %).
On y compte les anciens secrétaires nationaux Pierre Laurent et Marie-George Buffet, des parlementaires, des maires, ou encore des secrétaires départementaux. En revanche, les partisans de « Reconstruire un parti de classe » (8 % en 2018) n’ont pas déposé de texte. Reste que les débats, eux, n’en sont pas moins nombreux.
Divergences sur le bilan, le rassemblement et le communisme
« Le texte adopté au CN compte quatre points forts qui sont des points de débat : sur le bilan de l’action des communistes ces quatre dernières années, l’analyse de la crise systémique du capitalisme et de régime en France, la question stratégique, le rôle du PCF », évalue le coordinateur de l’exécutif du PCF, Igor Zamichiei. Une analyse qui recoupe peu ou prou celle des soutiens du texte alternatif. « Les points qui font débat, ce sont l’appréciation du bilan depuis le dernier congrès, la question du rassemblement, et celle du communisme », liste le membre du CN Robert Injey.
Avec une pandémie, et pas moins de six élections dont la présidentielle et les législatives depuis le dernier congrès, chacun s’attache à regarder en arrière. « Même si la période a été extrêmement difficile, l’acquis des quatre dernières années est d’avoir commencé à sortir de l’effacement qui nous guettait et d’avoir redonné de la visibilité au Parti communiste et un écho populaire à ses idées », avance ainsi Christian Picquet, à la tête de la commission qui a rédigé le projet de « base commune de discussion » adopté par la direction avant Noël, et qui propose de « poursuivre dans la voie ouverte par le 38e congrès ».
Malgré « un score décevant, inférieur au potentiel construit dans la bataille », estime « L’ambition communiste », la campagne présidentielle « aura dessiné les axes de la reconquête de l’électorat populaire, permis de faire fortement progresser l’identification de l’originalité et de l’utilité des communistes dans la reconstruction de la gauche ».
Côté « Urgence de communisme », les signataires ont une tout autre vision : « Je comprends qu’on soit heureux de voir que Fabien Roussel passe bien dans les médias, mais il existe une confusion entre sa cote de popularité et la force de persuasion de nos idées. Les résultats (2,28 % à la présidentielle – NDLR) le prouvent », objecte ainsi la sénatrice Laurence Cohen, soutien du texte alternatif, qui en appelle à un « bilan lucide et réaliste ».
Reconquérir les classes populaires
Derrière cette première question s’en cache en réalité une autre : comment faire reculer le Rassemblement national et reconquérir les classes populaires ? « Il existe une coupure profonde entre la gauche et une large partie du monde du travail, des classes populaires, qui se traduit par un plafond de verre », observe Christian Picquet.
À partir de ce constat, le texte adopté en décembre estime que « le monde du travail a vocation à devenir l’aile marchante, la force motrice réunissant l’ensemble des classes et couches disponibles à un combat pour changer la vie », soit le « sujet de la révolution ».
Il plaide pour une « démarche (qui) ne saurait se résumer à la recherche d’alliances entre forces de gauche, ni à céder à l’illusion d’un changement politique initié du seul sommet de l’État », abordant également la nécessité d’ « engager la révolution féministe », ou de porter « une conception communiste de l’antiracisme ».
« Investir toutes les urgences »
Parmi ceux qui y proposent une alternative, est toutefois critiquée la place centrale accordée à la seule question sociale mais aussi la tentation, malgré les précautions prises, de distinguer classes populaires urbaines et rurales, ou encore la « sous-estimation » du danger d’extrême droite.
« La lutte contre l’extrême droite doit-elle se faire en partant du constat que “les électrices et électeurs du FN posent de vraies questions mais pas la bonne réponse” et qui conduit à aller sur leur terrain : sécurité, immigration, violence, lutte contre l’islam… ou cette lutte doit-elle se mener en développant les questions sociales, les luttes contre toutes les discriminations, la stigmatisation de l’extrême droite et de la haine de l’autre, en donnant espoir d’une alternative politique ? » résume pour sa part le maire de Gennevilliers, Patrice Leclerc, en référence aux polémiques qui ont émaillé ces derniers mois.
Le texte qu’il soutient invite à « investir toutes les urgences » – services publics, niveau des salaires, sens du travail, féminisme, antiracisme sont notamment cités –, définies comme « autant de leviers pour un projet politique partagé par les forces vives du pays, un véritable programme d’union populaire ». « L’articulation entre luttes immédiates et transformations sociales est seule en mesure de rendre crédible l’idée d’une sortie du système. Ce qui pose la nécessité de réinvestir la question du communisme au présent, trop délaissée ces dernières années », ajoute la secrétaire départementale de Seine-Saint-Denis, Nathalie Simonnet.
« Révolutionner nos modes de production et de consommation »
L’écologie y occupe aussi une place importante face au « capitalocène », une ère où « pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, un mode de production, le capitalisme mondialisé, menace à brève échéance l’existence même de notre espèce », indique la proposition alternative. À cet égard, « nous avons eu tendance à prioriser les luttes sociales, voire à minorer certains combats en les renvoyant aux aspirations de couches sociales relativement favorisées des centre-villes, ou à les mettre en opposition aux luttes des catégories populaires des banlieues ou des périphéries. Nous devons corriger cette erreur », critiquent les signataires.
Un pan important de « L’ambition communiste » est également consacré à l’enjeu de l’écologie. Cette fois, il est question de faire face à « l’anthropocène » et de « révolutionner nos modes de production et de consommation ». « C’est un défi scientifique et politique, au-delà du seul dépassement du capitalisme », y est-il considéré pour la première fois.
« Être un grand parti populaire, utile, efficace »
La stratégie à l’égard de la gauche est elle aussi au cœur des débats. « Face au danger d’extrême droite et à l’exigence de faire gagner la gauche, l’alliance électorale des forces de gauche ne suffira pas, comme l’ont montré les législatives », juge Igor Zamichiei, qui plaide pour « travailler le rassemblement en actes sur des sujets précis, comme on le fait avec le mouvement des retraites » et pour « faire grandir le projet communiste dans toutes ses dimensions », avec un « PCF plus fort, pour être un grand parti populaire, utile, efficace ».
À partir du constat d’une « double limite » de la Nupes (les désaccords de fond persistants et la volonté hégémonique de la FI), le document estime que la coalition, qui n’a pas « suscité l’élan de nature à faire refluer l’abstention », « ne doit pas devenir un carcan » et propose « chaque fois que c’est possible et nécessaire des fronts de lutte » articulant le « renforcement » de celles-ci en lien avec le mouvement social et la « bataille d’idées ».
« Lancer de grandes mobilisations communes en 2023 »
Au contraire, pour les partisans de la proposition alternative, la coalition constituée lors des législatives par les quatre forces de gauche autour d’un programme commun peut servir de point d’appui, à condition de la « démocratiser ». Elle « apparaît fragile, et tout reste à faire pour concrétiser l’espoir qu’elle a suscité », reconnaissent-ils, partageant certaines critiques, notamment sur la volonté hégémonique de FI.
« La Nupes, poursuivent-ils, ne peut en rester à une action qui se réduise à soutenir ses élu·es : il est besoin de batailles militantes, nationales comme locales, il est besoin dans le respect de l’autonomie de chacun de travailler avec les acteurs sociaux et leurs organisations. » Ils estiment également nécessaire que « celles et ceux, membres de partis politiques ou pas, qui veulent rejoindre le combat puissent avoir les moyens de le faire » et proposent « aux forces de la Nupes de lancer de grandes mobilisations communes en 2023 ».
Eux n’y voient pas de danger pour l’avenir du PCF. « Chaque fois que notre parti s’est mis au service d’un grand mouvement populaire (…), il s’est vu renforcé dans ses rangs militants et dans ses résultats électoraux, car reconnu comme utile au peuple », avancent-ils.
La question du travail au cœur des débats
Même si dans certains domaines les deux textes convergent, les questions de fond mises en discussion ne manquent pas non plus. Outre l’analyse des rapports internationaux, ou la façon d’aborder l’enjeu décisif de l’écologie, le travail en est un des sujets.
Un débat ouvert à gauche à la rentrée de septembre par Fabien Roussel, qui a déclaré préférer la « gauche du travail » à celle des « allocs ». Une question prioritaire pour « L’ambition communiste », qui invite à construire un projet « plaçant en son cœur le travail, la République sociale et démocratique, et une voix souveraine de la France en Europe et dans le monde. C’est ainsi que nous parviendrons à arracher des victoires, à redonner confiance en la politique et en la gauche au monde du travail et aux catégories populaires », écrivent ses rédacteurs, qui défendent « une sécurité de l’emploi et de la formation dont l’ambition est d’éradiquer le chômage ».
Si tous les signataires de l’autre texte ne partagent pas forcément le point de vue de Bernard Friot, qui en est un des soutiens, ils entendent en la matière ne pas « glisser la poussière sous le tapis ». « Pour une partie très importante et croissante des salarié·es, le travail est source de souffrance », analysent-ils, plaidant pour « une société du bon travail et du temps libéré » passant par « le droit à un salaire conforme à la qualification de chacun·e garanti tout au long de la vie ». Autant de questions dont les communistes sont appelés à débattre dans les semaines à venir avant de se prononcer sur le texte qu’ils souhaitent voir devenir celui de leur congrès.
Un calendrier bien chargé
Le congrès du PCF entre ces jours-ci dans le vif du sujet. Après l’adoption le 4 décembre lors de son conseil national d’un projet de « base commune de discussion », intitulé « L’ambition communiste pour de nouveaux jours heureux », et le dépôt d’une proposition alternative, « Urgence de communisme – ensemble pour des victoires populaires », ce sont les adhérents de la formation qui auront à trancher par un vote organisé du 27 au 29 janvier.
Le texte qui emportera le plus de suffrages sera ensuite soumis à amendements, d’abord dans les congrès de sections entre les 4 et 12 mars, puis de fédérations entre les 18 et 26 mars. Le tout avant le rendez-vous national prévu à Marseille du 7 au 9 avril.