Intervention de Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers, le 8 janvier 2022,
Chère Yamna, cher-es enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants de Saad, permettez-moi, au nom des élu-es du conseil municipal, de celui de Jacques Bourgoin, ancien maire, Elsa faucillon, députée, Roland Muzeau, ancien député, et en mon nom, de vous présenter toutes nos condoléances.
Je mesure votre douleur face à la perte d’un être cher, d’un mari, d’un père, d’un grand-père dont vous pouvez toutes et tous être très fier. Et je sais que vous l’êtes.
Gennevilliers a perdu le 9 décembre dernier, une personnalité locale, un acteur de notre ville, un humaniste attachant. Je le dis sans détour, Saad Abssi, est une fierté de notre ville. Fierté d’avoir compté en son sein un militant de la liberté et de l’émancipation, un militant de la solidarité, un militant de l’ouverture aux autres et au monde, un expert du combat pour la dignité humaine.
Je suis déchiré entre la douleur de la perte d’un ami et la fierté d’avoir connu Saad.
C’est une rencontre qui compte dans une vie, car à l’intérêt des discussions que nous pouvions avoir sur des questions sociales, politiques ou religieuses s’ajoutait l’épaisseur humaine de la rencontre, la chaleur humaine de l’ami bienveillant, du camarade de combat pour un monde meilleur.
J’aimais aussi ses colères, sa véhémence pour dénoncer les injustices. Il était capable d’alterner le calme du sage et la colère du militant intransigeant. Il savait haranguer les foules tout comme conseiller à voix basse. Il s’intéressait aux malheurs du monde comme celui de son voisin.
Son regard profond et espiègle nous manquera. Malice qui fait que Saad m’oblige à prononcer un discours en son hommage en 2022, l’année du 60e anniversaire de proclamation de l’indépendance de l’Algérie. Je ne pouvais rater ce clin d’œil.
L’histoire de Saad, l’enfant du désert, est intimement liée à l’histoire de l’Algérie, à sa lutte pour l’indépendance, contre le colonialisme, mais aussi pour le respect de la démocratie. Ainsi, il a refusé les honneurs et le pouvoir en refusant de reconnaitre légitime le coup d’État de Boumediene en 1965. Saad est un incorruptible. Nous devons à Houari Boumediene le retour de Saad à Gennevilliers.
Intransigeant, Saad est pourtant un militant du dialogue. La libération de son pays obtenue, il agissait pour une réconciliation apaisée entre les peuples français et Algériens. Installé à Gennevilliers, il cofonde avec le prêtre Michel Jondot et Mohamed Benali l’association Islamo-chrétienne Approche 92 qui donnera naissance à l’association Métissage. Ces trois-là était inséparables, du dialogue à l’amitié il n’y a qu’un pas à faire et ils l’ont fait.
Ils étaient unis pour faire avancer la dignité humaine et celles des croyants. C’est eux qui sont venus voir Jacques Brunhes pour la création d’un carré musulman à Gennevilliers à la fin des années 80, puis qui sont revenus pour parler dignité des lieux de cultes et nécessité de créer une mosquée sur la ville.
Patients mais déterminés, Saad Abssi et Mohamed Benali ont avancé pas à pas, ils ont levé tous les obstacles, mobilisés aussi toutes les énergies pour créer une mosquée qui fait référence dans les Hauts-de-Seine et bien au-delà. Une mosquée Gennevilloise.
Je partage ce que Jacques Brunhes a dit de lui « Monsieur Abssi, c’est un homme politique au sens noble du terme. Il n’y en pas énormément ».
Saad Abssi, c’est le militant associatif, solidarité algérienne qui vient en aide aux migrants algériens, l’association Ville univers qui soutient le droit au logement, la maison de la solidarité avec la fondation abbé Pierre, qui vient en aide aux SDF, écrivain public avec le secours catholique, le comité local France Palestine, le Comité local pour la promotion de la santé, le CCFD, Médecins du monde, mémoire fertile, l’Atmf, la Cgt, la CFDT sont autant d’associations et de mouvements avec lesquels il a agi.
Saad se déplaçait à pied dans Gennevilliers ou en transport en commun. Il était connu et reconnu, respecté comme militant, comme père honnête d’une famille de 8 enfants.
Chère Yamna, je voulais te remercier d’avoir accepté de partager ton époux avec nous, car la vie de Saad, son investissement militant, son dévouement, c’est aussi le tien. Vous avez partagé peur et espoir, colère et ténacité. Avec Saad vous formiez un couple empreint de vertu au sens donné par Spinoza, c’est à dire disposé à faire le bien, pure de toute mauvaise intention. Vous avez préféré vivre avec le peuple plutôt qu’avec les dominants, une forme de frugalité heureuse qu’il faut donner en exemple, car elle n’était pas de la soumission, mais de la rébellion pour changer le monde.
Nous avons souhaité que l’exemple de vie de Saad Abssi, reste pour les générations futures en donnant son nom au future centre social et culturel des Agnettes.
Cher-es enfants et petits-enfants de Saad, merci à vous aussi d’avoir accepté de partager votre père et grand-père. Cela ne vous a pas empêcher de garder entier votre amour pour lui. Vous poursuivez ainsi ce qui aurait pu être sa devise: le partage n’enlève rien, mais donne, humanise.
Merci d’avoir accepté que nous puissions rendre un hommage public à votre papa. Il le mérite même s’il aurait été gêné car un de ses traits de caractère était de vouloir toujours rester humble.
Saad a marqué notre ville de son empreinte. Nous lui disons merci. Je vous propose d’observer une minute de silence en sa mémoire.
Mille mercis
Magnifique texte. tout est dit.