Les arrêtés anti-pesticides ayant été rejetés par le Conseil d’Etat, les maires de Grenoble (Isère) et de La Montagne (Loire-Atlantique) ont pris de nouveaux arrêtés pour limiter l’usage des phytosanitaires sur la base de la compétence municipale en matière de déchets. Neuf communes franciliennes s’apprêtent à en faire autant le 3 mars.
Article de la Gazette.fr https://www.lagazettedescommunes.com/724533/arretes-anti-pesticides-deuxieme-round/
Lundi 22 février, Eric Piolle, maire écologiste de Grenoble (159 000 habitants) a pris un arrêté municipal de « protection de la population » à l’égard des pesticides, se fondant sur le droit de la propriété et la réglementation des déchets. Le 11 janvier, Fabien Gracia, maire de La Montagne (6200 habitants) avait pris une disposition similaire.
L’arrêté de Grenoble indique que « tout utilisateur de produits phytopharmaceutiques (…) est tenu d’assurer l’élimination des déchets générés par son activité, c’est-à-dire, des substances à base de pesticides non-utilisés à leurs fins initiales » et que tout utilisateur de pesticides « ne pourra utiliser de tels produits que s’il est en mesure d’assurer qu’aucun résidu ne se dispersera au-delà de la parcelle traitée ». A La Montagne, en bord de Loire, « tout rejet de produits phytopharmaceutiques hors de la propriété à laquelle ils sont destinés constitue un dépôt de déchet et est interdit ».
« Les armes juridiques dont ils disposent »
« Le Conseil d’Etat a jugé que les maires n’ont pas la compétence pour interdire les pesticides, observe l’avocate et ancienne ministre de l’Environnement, Corinne Lepage. Mais ils ont la police des déchets et ils utilisent les armes juridiques dont ils disposent. »
Les deux arrêtés se fondent sur un raisonnement défendu par Les Amis de la Terre qui estiment que « la dérive des produits phytopharmaceutiques viole à notre avis le droit de la propriété » et que leur débordement hors des parcelles de traitement permet de les assimiler à des déchets. Cette approche s’appuie aussi sur la jurisprudence Erika qui avait vu la condamnation du pétrolier Total suite à la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne par la Cour de cassation (arrêt du 24 juin 2008, affaire C-188/07). Cette jurisprudence est directement liée à la définition communautaire du déchet transcrite dans le code de l’environnement (L 541-1-1) : « Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ».
Intimidation
« Cela peut paraître curieux de considérer comme déchets les pesticides qui arrivent sur une propriété voisine, mais ça se défend tout à fait à partir de la définition européenne des déchets, » commente Corinne Lepage, qui représentait les intérêts de Mesquer dans l’affaire Erika.
Tel n’est pourtant pas l’avis du préfet de Loire-Atlantique qui a adressé au maire de La Montagne un courrier pour qu’il retire son arrêté. Cette demande gracieuse fait écho à celle qu’avait faite la préfecture d’Ille-et-Vilaine au maire de Langouët en 2019 et qui a conduit à la décision du Conseil d’Etat le 31 décembre 2020. « Le préfet invoque l’affaire Erika mais il oublie de dire que si Total a gagné au tribunal administratif de Nantes, il a perdu au niveau européen, c’est de l’intimidation, » déclare Alain Moinard, adjoint à l’écologie à La Montagne.
Et bientôt neuf communes en Ile-de-France
En Ile-de-France, neuf communes du Collectif des maires anti-pesticides (Arcueil, Bagneux, Gennevilliers, L’île-Saint-Denis, Malakoff, Montfermeil, Nanterre, Savigny-le-Temple et Sceaux) prendront un arrêté similaire le 3 mars. « Depuis plusieurs années, de nombreuses études mettent en évidence les risques inhérents à l’utilisation du glyphosate et autres produits phytopharmaceutiques, qui ont été classés comme cancérigènes probables dans un rapport rendu en 2015 par le Centre international des recherches contre le cancer (CIRC), » justifie le collectif.
Par ailleurs, le centre hospitalier régional universitaire de Tours a publié, le 21 janvier, une étude établissant clairement le lien entre une exposition forte aux pesticides et l’apparition de leucémies.