Lettre ouverte au Président de la République pour l’égalité républicaine de nos quartiers prioritaires

Patrice Leclerc
Actualités générales

Il y a trois ans, vous annonciez à Tourcoing (Nord) un grand « plan de mobilisation nationale » pour les quartiers populaires. Votre discours était alors très attendu ; un mois plus tôt, un millier d’élus locaux et d’acteurs issus du monde associatif, de l’entreprise et du syndicalisme s’étaient rassemblés à Grigny pour protester contre la suppression des contrats aidés et la baisse des dotations destinées aux villes pauvres.

Au terme de cette prise de parole forte, vous aviez demandé à Jean-Louis Borloo de « remettre les gants pour aider à la bataille » et mobilisé près de 200 bénévoles (élus, associatifs, entrepreneurs, syndicalistes, universitaires, artistes, citoyens…) autour de l’élaboration d’un « plan de marche ».

De cette co-construction, unique dans l’histoire de la politique de la ville, était sorti le rapport « Vivre ensemble, vivre en grand la République. Pour une réconciliation nationale » ; 19 programmes et 48 mesures « simples, robustes, évaluables et complémentaires » destinés à recréer une cohésion urbaine, sociale et républicaine.

Alors que ce plan avait vocation à être mis en œuvre de façon globale dans les 1514 quartiers prioritaires de Métropole et d’Outre-Mer, seules 20 mesures sur 48 ont pu voir le jour (et seulement 4 avec le portage de l’Etat !). Le 2 octobre dernier, vous avez affirmé que 70% du plan était aujourd’hui devenu réalité ; nous sommes loin du compte…

Ce rapport anticipait en grande partie la situation que nous connaissons aujourd’hui : « Notre pays est à un carrefour : assumer le repli sur soi et l’affaiblissement, avec la spirale de l’incompréhension, de la rupture et de l’affrontement, laissant les ennemis de la République occuper le terrain, ou décider que notre grande Nation est riche du potentiel de cette jeunesse et forte des qualités de sa diversité. (…) A défaut, fermenteront loin des yeux, le recroquevillement identitaire et le repli communautaire si trop de concitoyens ont le sentiment de ne pas participer au rêve républicain ».

Le virus du décrochage républicain

Trois ans après le discours de Tourcoing, l’ambition que vous aviez formulé de « changer le visage de nos quartiers (…) d’ici la fin du quinquennat » a fait long feu.

Certes, la crise sanitaire du Covid-19 et les attentats terroristes de ces dernières semaines ont bousculé nos vies, et face à ce nouveau contexte, le sentiment qui domine est celui de non-assistance à territoires en danger.

En dépit des alertes, les villes et quartiers populaires restent un angle mort du plan de relance : aucune mesure ambitieuse n’a été prise pour répondre à la détresse sociale et économique qui frappe nos communes. Pire, la surmortalité Covid y est malheureusement démontrée (selon l’étude menée par Guy Burgel de l’université de Paris-Nanterre). La précarité du travail s’accélère alors même que les habitants ont été en première ligne (personnels soignants, caissières, logistique, déchets…)

Cette inertie se paie cash, et se développe aujourd’hui dans nos quartiers et même au-delà un autre virus, celui du décrochage à la République.

Il serait injuste de pointer du doigt l’ensemble de nos concitoyens qui, comme tout un chacun, se battent quotidiennement pour travailler, se loger dignement, élever leurs enfants et se construire un avenir. Mais de la même manière, Monsieur le Président, il serait irresponsable de nier que la haine et le repli sur soi prospèrent à mesure que la rupture sociale et la pauvreté augmentent.  

Partout sur le terrain, les signaux sont au rouge :

  • Les demandes d’aide alimentaire d’urgence explosent : +28% à Hérouville-Saint-Clair (Calvados), +21% à Allonnes (Sarthe). A Mantes-la Ville (Yvelines), le nombre de tickets alimentaires distribués par le Centre communal d’Action Sociale a doublé entre 2019 et 2020 tandis qu’à Roubaix, l’équivalent d’une année d’aide alimentaire a été distribué en 3 mois ! Enfin, dans certains territoires, les épiceries solidaires ont vu leur fréquentation croître de 100%…
  • La demande de RSA progresse massivement : entre octobre 2019 et octobre 2020, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 17% dans la Sarthe et de 17,5% dans les Yvelines. Depuis le début de l’année 2020, ce chiffre a augmenté de plus de 20% à Grigny (Essonne) et Hérouville-Saint-Clair (Calvados). A Arras (Pas-de-Calais), il a même été multiplié par 2 !
  • Le chômage augmente : +13% à Chanteloup-les-Vignes et Mantes-la-Jolie (Yvelines), +8% à Strasbourg (Bas-Rhin), +11,3% à Allonnes (Sarthe). A Reims, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie B est passé du simple au double !
  • Les inscriptions dans les associations culturelles et sportives ont massivement diminué : -28% dans les associations culturelles de Poissy (Yvelines), -23% dans les clubs sportifs d’Allonnes (Sarthe), -25% pour les associations de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), -43% pour celles d’Arras, -50% à Grigny.

La confiance est l’huile du moteur républicain

Cette situation n’est pas une fatalité, Monsieur le Président. Notre pays a traversé de très nombreuses crises dans son Histoire ; nous savons par expérience que le désespoir et la division sont nos pires ennemis. Pour leur faire barrage, renouons avec la confiance et le sens du collectif !

Vous pouvez agir en créant une dynamique unique et nouvelle en vous appuyant sur le savoir-faire des élus et des acteurs locaux. Habitants, associatifs, élus, entrepreneurs, artistes, éducateurs sportifs, enseignants, bénévoles : ce sont souvent eux qui détiennent les clés de la réussite de nos quartiers. Le dernier rapport de l’institut Montaigne « Les Quartiers pauvres ont un avenir » rédigé par Hakim El Karaoui montre à quel point les quartiers les plus pauvres ont beaucoup moins de moyens qu’ailleurs (police, justice, éducation…) et malgré cela leur dynamisme est considérable, (la seine saint Denis est un des départements ou l’on crée le plus d’emploi en France).  

À l’heure où nos villes sont sous pression, où nos habitants se précarisent, où nos associations s’éteignent, où les idéologies mortifères se développent, où les difficultés débordent, faisons le pari ensemble d’une nouvelle confiance dans nos territoires pour faire gagner la République !

Mais cette confiance n’est rien si elle ne se traduit pas en actes, en moyens conséquents pour stopper l’hémorragie à laquelle nous devons faire face.

Nous vous proposons sans plus attendre la mise en œuvre de mesures immédiatement opérationnelles :

  • Création d’un fond de soutien à la création de maisons médicales et de centres de santé dans les villes pauvres ou en voie de paupérisation. Doté dès son lancement de 200 millions d’euros.
  • Généralisation des clauses d’insertion (soit portées par les entreprises elles-mêmes soit déléguées à un acteur de l’économie sociale et solidaire) dans tous les marchés publics et particulièrement dans le cadre de Paris 2024.
  • Création de 7000 postes aidés « médiation et tranquillité publique » (ASVP, médiateurs) dans les quartiers prioritaires.
  • Développement d’un plan national de lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme.
  • Lancement de 200 plateformes de mobilité dans les villes les plus enclavées (territoires urbains et ruraux).
  • Création d’une cour d’équité territoriale vérifiant la mise en œuvre des moyens de rééquilibrage des politiques publiques sur les territoires carencés et pouvant   sanctionner l’inaction des administrations.
  • Renforcement des programmes d’éducation aux médias et au numérique dans le secondaire (collèges et lycées).
  • Mise en place d’un fond d’urgence annuel cogérés par les villes en direction des associations qui sont en contact avec la jeunesse et les publics en difficultés (sport, culture, jeunesse, pauvreté) de 100 millions d’euros.

Afin de suivre ces mesures, de les encadrer et de ne pas laisser sommeiller, et de s’assurer que les mesure déjà en place sont bien appliquées (loi sur le peuplement), nous vous demandons de créer un Conseil National des Solutions qui sera composés d’élus, d’associatifs, de fonctionnaires, d’entrepreneurs et d’universitaires tous bénévoles et nommés pour un mandat maximum de 2 ans nous renouvelable et dont la mission sera de favoriser l’essaimage des solutions qui fonctionnent.

Dans ce cadre nous souhaitons la mise en place de collectifs pour l’emploi et la formation dans les 100 villes les plus pauvres de France, regroupant les entreprises, les syndicats, les associations et les élus.

Installation d’un fond de 75 millions d’euros pour aider l’amorçage des projets ce qui représente 0,5% de la dotation du plan d’investissement des compétences.

Pour renforcer la confiance nécessaire entre tous les Français et parce qu’il est trop souvent dit que l’argent distribué dans les quartiers l’est fait en pure perte, nous nous engageons à ce que le Conseil national des Solutions rende compte chaque trimestre de ses actions et de ses résultats. De plus chaque mois le Conseil National des Solutions mettra en avant une thématique (emploi, santé, mobilité …) au travers de ce que les derniers mois nous ont appris à faire des visios conférences qui regrouperont acteurs, élus et bénéficiaires pour partager les bonnes pratiques et en favoriser leur essaimage.

Monsieur le Président, nous sommes prêts à nous mobiliser, à agir et à travailler dès demain pour la mise en place de ces actions, les 5,6 millions d’habitants de nos quartiers revendiquent leur souhait de faire partie intégrante de la République.

La liste des signataires

1. Philippe Rio Maire de Grigny
2. Catherine Arenou maire de Chanteloup les Vignes
3. Gilles Leproust maire d’Allonnes
4. Natacha Bouchart maire de Calais
5. Guillaume Delbar maire de Roubaix
6. Catherine Vautrin Présidente du Grand Reims
7. Frédéric Leturque maire d’Arras
8. Marie-Claude Jarrot maire de Montceaux les Mines
9. Jean Pierre Bosino maire de Montataire (60)
10.Marie Line Pichery maire de Savigny le temple
11.Stéphane Beaudet maire d’Évry-Courcouronnes (Président AMIF)
12.Hélène Geoffroy maire de Vaulx en Velin
13.Damien Allouch maire d’Épinay sous Sénart
14.Marie-Hélène Amiable maire de Bagneux
15.Marc Goua maire de Trélazé (49)
16.Caroline Cayeux maire de Beauvais (Présidente de Villes de France)
17.Patrice Leclerc maire de Gennevilliers
18.Stéphanie Guiraud-Chaumeil maire d’Albi
19.Patrice Bessac maire de Montreuil
20.Delphine Labails maire de Périgueux
21.Abdel Sadi maire de Bobigny
22.Pierre Garzon maire de Villejuif
23.Line Magne maire de Moissy Cramayel
24.Frédéric Chéreau maire de Douai
25.Joséphine Kollmansberger maire de Plaisir
26.Thierry Falconnet maire de Chenôve (Président de Villes & Banlieues )
27.Sonia Brau maire de Saint Cyr l’École
28.Jean-Philippe Acensi Président de l’Agence Pour l’Éducation par le Sport
29.Line Magne maire de Moissy Cramayel
30.Guillaume Villemot Président de l’Agence des Quartiers
31.Anne Claire Boux, adjointe à la politique de la Ville Paris
32.Jean-Michel Ricard Siel Bleu
33.Johanna Rolland maire de Nantes
34.Jean-Daniel Muller Siel Bleu
35.Renzo Sulli maire d’Echirolles
36.Hélène de Comarmond maire de Cachan 
37.Frédéric Macarez maire de Saint-Quentin
38.Chantal Mainguené Présidente Fondatrice Réseau Mom’artre
39.Michèle Picard maire de Vénissieux
40.Martine Faïta maire de Pont l’Évêque
41.Jean-François Debat maire de Bourg en Bresse
42.Corinne Noel maire de Marck
43.Luc Bouard maire de La Roche-sur-Yon
44.Sandrine Gelot maire de Longjumeau
45.Luc Carvounas maire d’Alfortville
46.Patricia Tordjman maire de Gentilly
47.Olivier Gacquerre maire de Béthune
48.Carole Dubois maire de Lillers
49.Rémi Engrand co-fondateur de Vu des Quartiers
50.Frédéric Valletoux maire de Fontainebleau
51.Bruno Piriou Maire de Corbeil-Essonnes
52.David Marti maire de Le Creusot
53.Jean-Marc Vayssouze-Faure maire de Cahors
54.Franck Leroy maire d’Épernay
55.Marc Gricourt maire de Blois
56.Jean Philippe Gautrais maire de Fontenay-sous-Bois
57.Philippe Bouyssou maire d’Ivry sur Seine
58.Florian Bercault maire de Laval
59.Xavier Bonnefont maire d’Angoulême
60.Yann Galut maire de Bourges
61.Nicolas Langlois maire de Dieppe
62.Pierre Mathonier maire d’Aurillac
63.Yves Nicolin maire de Roanne
64.Éric Straumann maire de Colmar
65.Gilles Poux maire de La Courneuve
66.Azzedine Taïbi maire de Stains
67.André Molino maire de Septèmes les Vallons
68.Patrick Jarry maire de Nanterre
69.Pascal Collado maire de Vernouillet
70.Clovis Cassan maire Les Ulis
71.Michel Bisson maire de Lieusaint et Président de Grand Paris Sud
72.Clément Puech Rossignol maire de Bègles
73.Christian Métairie maire d’Arcueil
74.Nicolas Sansu maire de Vierzon
75.David Queiros maire de Sainte Martin d’Hères
76.Laurent Belsola maire de Port de Bouc 
77.Rodolphe Thomas maire de Hérouville Saint Clerc
78.André Laignel maire d’Issoudun
79.François Baroin maire de Troyes
80.Jean-Jacques Grousseau maire d’Athis-Mons
81.Clovis Cassan maire Les Ulis
82.Olivier Corzani maire de Fleury Mérogis
83.Frédéric Petita maire de Sainte Geneviève des Bois
84.Bernard Baudoux maire d’Aulnoye-Aymeries
85.François Garay maire Les Mureaux
86.Philippe Fait maire d’Etaples
87.Franck Dhersin maire de Teteghem
88.Guillaume Lelay maire de Torcy
89.Mathieu Viskovic maire Noisiel
90.Jean-Marc Defremont maire de Savigny sur Orge
91.Arnaud Decagny maire de Maubeuge
92.Sylvain Robert maire de Lens
93.Raphaël Cognet maire de Mantes la Jolie
94.Stéphane Raffali maire de Ris-Orangis
95.Rudy Elegeest maire de Mons en Baroeul
96.Nicolas Dainville maire de La Verrière
97.Olivier Sarrebeyrousse maire de Noisy le Sec
98.Francis Vercamer maire de Hem
99.Jean-François Theret maire de Frevent
100. Laurent Marcangeli maire d’Ajaccio
101. Mathieu Desmoncheaux maire de Hesdin
102. Jacques Petit maire de Marquion
103. Mohamed Gnabaly maire de l’Ile Saint-Denis
104. Sébastien Martin président du Grand Chalon
105. James Cheron maire de Montereau 

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