« La crise de la COVID19 et l’émergence de formes nouvelles de solidarité »

Patrice Leclerc
Gennevilliers

Dans le cadre des 6e rencontre de la Plaine Saint-Denis sur l’ESS, Samedi 14 novembre 2020, j’ai été invité à intervenir dans un Webinaire sur ce thèe : « La crise de la COVID19 et l’émergence de formes nouvelles de solidarité ». Voici mon intervention.

D’abord je tiens à dire, avant d’aborder les nouvelles formes de solidarité, que la crise du COVID19 a re-démontré que les milieux populaires avaient de fortes formes de solidarité, de générosité et de courage, assez développées pour affronter les difficultés de la vie. Ce que certain veulent montrer comme des ghettos sociaux, nos HLM, sont des lieux d’une forte vie sociale. Nous ne la voyons plus quand nous sommes coupés d’un mode de vie populaire, parce que ces liens sociaux sont coupés des liens institutionnels.

Une des formes traditionnelles des solidarités populaires est fortement réapparue, certes de façon silencieuse, sans publicité ou expression publique, mais certainement la plus forte des solidarités dans cette période de crise, c’est l’assistance et le soutien entre voisin.e. Une solidarité à l’échelle humaine, à l’échelle du quotidien, du palier entre jeune couple et retraité.e.s isolé.e.s, entre personnes d’origines différentes.

L’office HLM de Gennevilliers avait affiché dans les halls une feuille avec « nom prénom j’ai besoin de », et en face « nom prénom je peux aider ». Cela a aidé à développer un mouvement qui était déjà enclenché « naturellement ».

En fait, je ne suis pas sûr que l’on puisse parler d’émergence avec la crise de la COVID, mais plutôt de mise en évidence de solidarités, de remise en cause d’idées reçues sur l’individualisme et le repli sur soi égoïste des gens. Il y a une forte sociabilité populaire, notre problème ou plutôt le mien en tant qu’élu, c’est que cette sociabilité se fait parfois en méfiance des institutions, en méfiance des politiques, avec le sentiment que c’est une sociabilité des battu.e.s, des humilié.e.s. Ce qui peut être intéressant dans cette période, c’est qu’en même temps qu’on peut valoriser les premier.e.s de corvée, nous pouvons aussi valoriser, rendre remarquable cette sociabilité populaire.

Je n’ai pas repéré de nouvelles formes de solidarité, au sens de avant et après la COVID, mais nous assistons par contre à une nouvelle visibilité et valorisation de celle-ci. 

Ce qui est interessant c’est que cela génère un nouveau rapport de l’institution municipale avec ces solidarités. Nous passons de : « nous organisons tout comme ville », à « nous faisons appel à la solidarité individuelle et collective des gens, nous mettons en réseau, soutenons les initiatives et idées ». Ce qui est peut-être nouveau, c’est une plus grande maitrise du numérique, des réseaux sociaux au service des solidarités.

Ainsi, nous avons lancé un appel à bénévolat et cela répond :

  • Pour faire et distribuer des masques (fabriqué 20 000)
  • Participer aux distributions alimentaires
  • Faire les courses des gens isolé.es
  • Donner des coups de téléphone solidaire
  • Faire des maraudes

Il est intéressant de remarquer que dans notre appel à bénévolat, des gens répondent positivement aussi à l’item  « participer à l’activité des associations caritatives existantes » : secours pop, restau du cœur, croix-rouge, etc… 

Ces associations, souvent avec un corps militant vieillissant, ont pu renouveler leurs bénévoles, développer leur activité avec cet apport de « sang neuf ». Pour l’instant je ne peux pas dire si la greffe va prendre, si le nombre de bénévoles dans ces associations caritatives va durablement augmenter, mais l’expérience pendant cette crise de la COVID, montre que c’est possible et que l’appel « à la cantonade à la solidarité » permet de trouver des bénévoles sur des actions jugées utiles.

Nous avons aussi un réseau étudiant qui mène une belle activité toute l’année, d’aide au devoir, de soutien à la recherche d’emploi, d’aide à l’orientation. 

Près de 400 jeunes sont organisés dans ce réseau, avec un fil whatsaps, à partir de 3 personnes vacataires salariés par la ville. La ville paye mais le mode d’organisation est plutôt proche d’un mode associatif. Pendant le confinement, le réseau s’est assez vite réorganisé pour faire de l’aide en ligne, mais aussi trouver des solutions pour celles et ceux qui n’avaient pas d’ordinateurs, de connexion internet, et même organiser des distributions alimentaires pour les étudiant.e.s en difficulté, organiser des maraudes. Ce qui est intéressant, c’est que face à un problème détecté, le réseau montre sa capacité d’adaptation, capacité à mobiliser des ressources (autres étudiant.e.s, salarié.e.s dans l’entreprises, appel à d’autres associations, …) pour trouver des réponses.

Pour conclure, je dirai que ce qui est peut être nouveau et intéressant pour le développement de l’ESS, c’est qu’avec cette crise, apparait avec force chez les plus jeunes, cette façon de repérer un problème, de chercher une solution, de mobiliser des énergies bénévoles parfois mixées avec des professionnel.le.s ? C’est que l’expérience se fait par des gens qui redécouvrent le pouvoir d’agir, le plaisir du pouvoir d’agir, le plaisir de se sentir socialement utile dans des actes collectifs. 

Par contre cela ne se fait pas sur un terrain politique. Il y a clairement conscience de la faillite de l’Etat centralisé, de l’utilité de s’auto-organiser, s’autogérer en local, sans que cela ne fasse d’interrogation sur le système économique ou politique. On ne dépasse pas la critique de l’Etat ou du gouvernement inefficace par une alternative. Peut-être une piste pour développer un nouveau municipalisme, expérimentateur, s’engageant dans des dynamiques sociales émancipatrices.

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