Conseil Municipal du 1er juillet 2020
Dans un rapport intitulé « Discriminations et origines : l’urgence d’agir », rapport publié le 22 juin dernier, le Défenseur des Droits, Jacques Toubon, est sans appel : les discriminations augmentent et minent notre cohésion au point de remettre en cause les droits fondamentaux de millions de personnes. Selon les données officielles de la statistique publique, c’est tout un système qui est en cause et les politiques publiques sont très insuffisantes pour lutter contre les discriminations qui sévissent quant à l’accès au logement, à l’éducation, à l’emploi, aux contrôles policiers, etc. Dans ce contexte, Jacques Toubon réclame la création d’un Observatoire des discriminations.
Contrairement à un racisme affiché, les discriminations sont difficiles à identifier. Si un Français, petit-fils de Sénégalais, cherche un emploi et que, systématiquement, quelqu’un qui a la peau plus claire que lui est embauché, pour un niveau d’études équivalent, celui-ci peut soupçonner d’être discriminé, mais ne peut le prouver. Pour cela, il aurait besoin de statistiques qui établissent une comparaison entre son groupe ethnique et le groupe ethnique de référence. Quand une pratique apparemment neutre comme un processus de recrutement désavantage de manière probante et injustifiée certaines catégories de personnes, c’est qu’il y a potentiellement discrimination.
Aujourd’hui, il n’est plus possible de se cacher derrière le modèle d’intégration républicain quand 36% des hommes descendant d’immigrés maghrébins sont au chômage, contre 16% des hommes sans ascendance migratoire (étude INSEE de 2017), cela dans les 10 ans suivant la fin des études. Dans cette situation, refuser de compter, d’analyser, revient à cautionner. Il n’est plus possible non plus de noyer le sujet des discriminations dans un discours antiraciste très généraliste, ou de promotion d’une diversité de façade : cette lutte contre l’inéquité doit faire l’objet d’une politique ambitieuse, coordonnée et chiffrée, à l’image du combat pour l’égalité femmes – hommes.
A Gennevilliers, qui se dit être une terre d’innovation sociale, et de lutte contre toutes les formes d’inégalités, nous ne pouvons pas traiter le sujet des discriminations de façon superficielle. Il est temps de nous doter d’un outil permettant d’aborder ce problème de façon sérieuse : considérant que notre ville doit faire figure d’exemple, et dans la droite ligne de ce que propose le Défenseur des Droits, nous proposons la création d’un Observatoire local des discriminations. Il en est temps car ce vœu fait écho à un ancienne proposition du Conseil Local de la Jeunesse, datant de 2003, et que le Maire d’alors, Jacques Bourgoin, s’était engagé à étudier.
Malgré la forte proportion de logements sociaux sur la ville, et la mise en place d’une politique de critérisation de la demande, nombre d’habitants se plaignent d’un traitement inéquitable quant à l’attribution de ces logements. Malgré la forte proportion d’emplois municipaux, dont bénéficient notamment les Gennevillois, nombre d’habitants disent que leurs candidatures sont écartées et ont le sentiment qu’elles ne sont même pas étudiées. Malgré la prégnance d’une politique sociale, qui se veut forte, nombre d’habitants se sentent délaissés, notamment les personnes âgées et les jeunes. Pour tous ces cas, des études, des chiffres, permettraient de lever toute ambiguïté.
Contrairement à une idée répandue, la loi ne pose pas d’interdit absolu à traiter statistiquement des données sensibles, y compris ethniques. Elle l’autorise, sous contrôle de la CNIL, à condition de respecter le volontariat, l’anonymat, et l’intérêt général. Quant au Conseil Constitutionnel, il ne s’oppose pas au traitement de données subjectives fondées sur le ressenti d’appartenance : ainsi, l’interviewé choisit de se désigner lui-même comme faisant partie de telle ou telle catégorie. Il est ainsi tout-à-fait possible de s’appuyer sur des réalités tangibles, et de faire la part des choses entre les discriminations et d’autres inégalités telles la précarité sociale ou le manque de qualification.
Via cet observatoire local, la question des contrôles au faciès sur notre commune doit être traitée : nous proposons que la ville manifeste sa volonté d’expérimenter la délivrance de récépissés de contrôle. Si, grâce aux campagnes de testing qui ont été effectuées en France, nous savons que les personnes d’origine africaine sont bien plus contrôlées que celles qui n’ont pas cette ascendance, il n’en reste pas moins que ces récépissés permettraient de comprendre le motif des contrôles d’identité, d’assurer leur traçabilité et, le cas échéant, de faciliter la preuve de la discrimination en matière pénale. Contrôler ne doit plus rimer avec discriminer.
Cet Observatoire local des discriminations doit être à la fois collaboratif, en consultant un maximum d’habitants, et indépendant en matière de gouvernance. Cet observatoire travaillera sur l’ensemble des discriminations telles que définies par le code pénal dans son article 225-1 du code pénal. Pour cela, la structure doit être administrée à parité par des membres de la société civile gennevilloise et des élus du conseil municipal : ce sont eux qui, après mise en concurrence, désigneront l’institut chargé d’effectuer une enquête sectorielle. Ainsi cet Observatoire serait composé de 9 citoyens choisis par tirage au sort et de 9 représentants des groupes politiques constitués au sein du Conseil Municipal (6 pour la majorité et 1 par groupe de l’opposition). Cet observatoire sera doté d’un budget dédié.
Enfin, le Conseil Municipal demande au ministre de l’intérieur d’agir dès à présent pour que le dialogue, et donc la confiance, revienne entre la police et la population, et plus particulièrement celle des villes populaires trop largement stigmatisée et violentée, en conviant à une table ronde les associations de défense des citoyens, les syndicats de police et les représentants des collectivités locales.
Le Conseil Municipal sollicite également l’engagement de l’Etat au niveau national avec une déclinaison locale pour :
- Mobiliser et coordonner le travail partenarial, et lever le déni sur les discriminations dont sont victimes une partie de nos concitoyens
- Faire appliquer des sanctions aux structures dont les mécanismes de sélection peuvent engendrer des discriminations systémiques ;
- Être vigilant sur l’emploi des jeunes issus des quartiers populaires, qui cumulent les discriminations et ne doivent pas être les victimes collatérales de la crise économique qui se profile;
- Disposer d’un volet financier qui permette de soutenir les projets ainsi que le soutien financier de la Région Ile-de-France et du département des Hauts-de-Seine
Est-ce que la discrimination liée à l’espèce est prise également en compte? Car elle est légion et inacceptable.
Les animaux sont des êtres-vivants sensibles innocents au même titre que les humains et sont traités différemment parce qu’ils sont « différents », cela constitue une discrimination selon la définition de la discrimination, ou sinon nous entrons dans l’anthropocentrisme et c’est tout aussi grave et injuste.