Notre pays, et singulièrement la métropole parisienne, subit une crise du logement, inédite depuis cinquante ans. Parallèlement, les collectivités sont confrontées à des enjeux majeurs d’aménagement ; les logiques de partition urbaine et de ségrégation continuent à s’imposer dans les territoires et à dégrader le quotidien de leurs habitants.
Cette double réalité alimente des dynamiques spéculatives d’un côté, une paupérisation et une spécialisation des bailleurs sociaux de l’autre.
Les prochaines échéances électorales vont être l’occasion pour les hommes et les femmes politiques de questionner ces dynamiques et de reconstruire du sens et du projet pour la société et pour la ville. Pour nous, ce projet passe notamment par les Offices publics de l’habitat. Leurs compétences de gestionnaire, leur modèle économique, la dimension universaliste de leur mission en font des acteurs de premier plan dans les politiques du logement ; ils peuvent jouer un rôle plus grand encore en matière de construction de logements et d’aménagement. Ils peuvent apporter des réponses novatrices, justes et efficientes.
Les offices publics d’habitation sont des leviers pour une politique qui veut reconstruire du commun. Exception française, ils ne sont pas les instruments du “logement des pauvres”. En France, le logement social est destiné au plus grand nombre. 75% des Français ont des revenus qui les rendent éligibles au logement social. Cela est souvent remis en cause – frontalement ou insidieusement. Néanmoins, à ce jour, cela reste la philosophie des offices publics. Et c’est fondamental.
Prévu pour être un logement pour tous, ses normes d’habitat, de confort ne sont pas au rabais. Bien plus qu’ailleurs, les logements sociaux sont suffisamment grands et confortables pour vivre des vies modernes.
L’entretien du parc existant est souvent mieux assuré par les bailleurs sociaux qui ont les moyens d’une intervention que n’ont pas ou plus les copropriétés. Ainsi, pour faire baisser l’emprunte carbone liée au logement, on peut compter sur les offices publics. Trop de villes savent les difficultés des “copropriétés de pauvres” ou des constructions pour placement défiscalisés… très éloignés de ces objectifs.
Les Offices publics sont reconnus comme des acteurs sur le terrain du logement. Mais ils sont sous-utilisés pour leur impact social. Leur premier effet est d’assurer la présence en cœur de villes des familles populaires. La métropole parisienne, une des plus grande ville du monde, possède avec la première couronne près de 25% de logements sociaux. Cela participe à son fonctionnement et à son rayonnement international. C’est de ce grand mélange que nait la culture et la créativité qui sont si nécessaires en ces temps troublés.
Les Offices sont également des acteurs importants des projets urbains. Quand un quartier doit changer, évoluer, se transformer c’est bien souvent l’Office public qui le premier va investir le territoire, bien avant les constructeurs traditionnels. Ils sont aussi un outil pour calmer la folle hausse du prix des terrains dans les zones denses : ils sont les contrefeux de la spéculation foncière et immobilière qui abîment nos villes. Ils savent, au contraire, offrir une place à chacun dans la ville.
Le logement public est un levier essentiel d’une politique d’égalité et de cohésion. Les Offices parce qu’ils sont pilotés par des élus et intègrent la participation des habitants dans leur conseil d’administration sont des lieux de démocratisation et de retour du politique, au sens le plus noble.
Le logement social ne doit plus être attaqué de toute part – dans le discours politique et dans les normes administratives. Il faut cesser de faire de l’improbable « tous propriétaire » un horizon. Il faut arrêter de mettre des plafonds aussi rigides qu’absurdes au nombre de logements sociaux par ville et par quartier. Heureusement que des villes construisent encore du logement social, quand bien même elles en ont sur leur territoire plus que le minimum réglementaire!
Pour toutes ces raisons les Offices publics doivent être défendus et confortés.
Et d’abord en leur donnant les moyens de leurs missions. La politique fiscale doit être reconsidérée. Il faut en finir avec la défiscalisation qui coute chaque année des milliards et revenir à une aide à la construction qui ne soit pas anecdotique. Sait-on qu’un Office bénéficie seulement de quelques centaines d’euros de subvention pour un T3 quand la défiscalisation coûte aux finances publics des milliers d’euros par logement et ceci alors même qu’aucun pilotage autre que spéculatif président à leur construction ?
Il faut également remettre en cause les politiques de surloyer, qui ruinent les efforts de mixité sociale au sein du patrimoine.
Il faut oser mettre en place d’autres politiques foncières. Les collectivités qui cèdent des terrains pour construire du logement social doivent être soutenues financièrement. Les baux emphytéotiques doivent se développer. Les Domaines doivent avoir comme directive de cesser d’alimenter la pression foncière en évaluant les terrains toujours plus chers.
Parallèlement, les Offices doivent évoluer et se doter d’équipes pluridisciplinaires qui leur font aujourd’hui trop souvent défaut. Pour jouer pleinement leur rôle d’aménageur, de “développeurs” d’une ville durable et équitable, ils doivent se doter d’outils financiers, techniques et légaux partagés.
Les Offices doivent être soutenus pour remplir leurs missions : un logement pour tous dans des territoires de cohésion et de solidarité.
Patrice Leclerc
Maire de Gennevilliers
Thierry Rosset
Directeur général de L’OPH de Vitry-sur-Seine
Monique Eleb
Psychologue, sociologue, spécialiste de l’Habitat
Catherine Tricot
Architecte, urbaniste