Tribune de Patrice Leclerc parue dans le journal l’Humanité du 22 août 2016
Nous ne sommes pas de celles et ceux qui pensent que la lutte contre les inégalités territoriales et sociales passe d’abord par des changements de périmètre des lieux de décision. Cette illusion est soigneusement entretenue pour éviter les débats sur le contenu des politiques décidées et leurs conséquences. Nous voyons même un risque, à terme, d’affaiblissement des communes et des Territoires, de leur diversité de gestion et de proximité avec les citoyennes et les citoyens, au profit d’une gestion technocratique garante d’une pensée unique libérale. Inventer une articulation entre la proximité communale et territoriale et la vision stratégique métropolitaine reste à faire.
9 mois après la création de la Métropole du Grand Paris (MGP) et des Territoires, la question reste posée : pour qui et pour quoi faire ? Bref, pour quelle politique ? La gestion pluraliste de la MGP n’échappera pas longtemps à des débats de fond.
Les élu-es Front de Gauche et Citoyen-nes de la Métropole du Grand Paris souhaitent depuis plus de 3 ans que les enjeux politiques de la MGP soient débattus publiquement, avec les citoyen-nes et pas seulement entre les élu-es et l’Etat. Ce texte public, après d’autres, vise à y contribuer en faisant deux propositions précises qui ne pourront devenir réalité que si elles sont portées par la majorité des citoyen-nes.
Si la Métropole du Grand Paris continue à se développer comme elle le fait aujourd’hui, en laissant faire le marché dans le cadre d’une concurrence internationale entre métropoles, celle-ci se videra de ses couches populaires, des salariés ouvriers, employés et cadres. Le manque de logements sociaux, la montée des prix de l’immobilier et l’éloignement des entreprises, accélèrent une gentrification dessinant une métropole déterritorialisée, quasi hors sol. Ainsi, nos enfants et petits enfants auront le droit certes, mais auront-ils demain, la possibilité d’habiter la Métropole ? L’expérience de ces jeunes couples qui s’éloignent de leur lieu d’habitation d’origine et du cœur de la Métropole à chaque nouvel achat pour s’agrandir montre « vers où on va ! ».
S’il est une innovation que la France pourrait contribuer à apporter au monde, c’est d’inventer une métropole qui combat les inégalités sociales et spatiales. C’est ce défi que nous aimerions remplir avec les 7 millions de métropolitains.
Une des pistes que nous souhaitons soumettre à la réflexion porte sur la fin de la propriété privée du foncier.
Laisser faire le marché, c’est assurément laisser augmenter les prix des terrains dans la Métropole chassant ainsi « naturellement » les entreprises, les espaces de respiration et les logements à loyers modérés de celle-ci. Nous proposons que la MGP assure les moyens aux communes en lien avec leurs territoires respectifs de préempter chaque vente de terrain pour ensuite ne vendre que des droits à construire avec des baux emphytéotiques. L’Etat pourrait d’ailleurs inscrire dès maintenant dans cette démarche ses réserves foncières disponibles. Cette proposition n’est certes pas suffisante mais nécessaire pour reprendre la main sur l’aménagement territorial en luttant contre la spéculation foncière. Elle peut être un outil pour maintenir et relancer une industrie innovante et durable dans nos Territoires.
La deuxième piste est l’augmentation de l’aide à la pierre pour construire des logements sociaux au cœur de la métropole.
Il faut répondre à la demande des 800 000 demandeurs de logements sociaux. En créant une offre correspondant à la demande de logements à loyers modérés nous ferions mécaniquement baisser les prix du logement libre, nous diminuerions le nombre de salariés endettés car obligés d’acheter. Nous nous inscririons dans un développement durable en diminuant les trajets habitat/travail et surtout nous préserverions la possibilité à nos enfants et petits-enfants de vivre en métropole demain. Le logement à loyer modéré pour toutes et tous est un des moyens nécessaires pour enrayer une spéculation immobilière galopante. C’est un outil pour faire en sorte qu’aucun territoire ne soit, de fait, interdit à des populations.
Voici donc deux propositions que nous soumettons au débat public. Deux propositions qui travaillées dans le cadre de la construction de nouveaux biens communs, peuvent contribuer au développement d’une Métropole du Grand Paris, innovante car créant les conditions de l’égalité, de la fraternité et de la liberté de toutes et tous en son sein. Elle doit permettre d’y vivre en tout lieu avec une qualité de vie respectueuse des êtres humains et des milieux naturels.
Tribune de Patrice Leclerc, Président du Groupe Front de Gauche et citoyen-nes de la Métropole du Grand Paris. Maire de Gennevilliers.