Intervention de Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers, Soirée-débat Génocide des Tutsis au Rwanda
Mercredi 21 octobre 2015, Salle du Conseil municipal
Chers invités,
Mesdames, Messieurs,
Au nom de la Municipalité, de Véronique DESMETTRE, conseillère municipale chargée de la Mémoire et de Daniel BERDER, Conseiller municipal chargé des Relations internationales, nous vous souhaitons la bienvenue.
Pourquoi avoir répondu à la sollicitation de Benjamin Abtan ? Pour 2 raisons.
– la première, c’est la solidarité avec une cause juste. C’est le refus de voir attaqué des êtres humains, dans quelque pays que ce soit. Attaqué l’humanité des Tutsis, c’est attaquer mon humanité, notre humanité.
– La Deuxième c’est pour Gennevilliers. Cette solidarité est aussi la continuité de notre travail de mémoire que nous faisons sur le fait colonial, l’esclavage, sur les discriminations. C’est de montrer qu’il n’y a pas de concurrence victimaire, ce n’est pas en diminuant le combat contre l’antisémitisme que l’on augmente la solidarité avec la Palestine, ce n’est pas en ne parlant que des gens qui nous ressemblent que l’on se bat le mieux pour nos semblables. L’universalité des femmes et des hommes doit d’exprimer dans une solidarité universelle.
Je suis ému d’avoir parmi nous, deux hommes, Pasteur Gratien MITSINDO et Gaspard KALISA qui ont refusé la haine et la violence pour protéger des Tutsis.
Je suis ému aussi d’accueillir Charles HABONIMANA, qui fut sauvé de cette barbarie, un rescapé de l’horreur.
Je veux dire ici toute ma solidarité avec les Rwandais, qu’ils soient des Tutsis, victimes de l’extermination planifiée, ou des Hutus, refusant l’idéologie raciste de leurs dirigeants.
Vingt-et-un ans après le génocide de 1994 qui a coûté la vie à un million de Rwandais tutsis, et s’est accompagné du massacre de milliers de Hutu opposés à ce crime, la question des responsabilités de l’Etat français se pose plus que jamais.
Permettez-moi de souligner qu’il faut du courage pour s’opposer à la violence comme celle qui a été vécue par les Tutsis, mais il faut aussi du courage pour assumer nos responsabilités et nos erreurs, quand on est un Etat comme la France.
La décision du gouvernement français de ne pas envoyer de représentant officiel de haut rang aux cérémonies du 20ème anniversaire est une atteinte à la mémoire du million de femmes, d’enfants et d’hommes victimes de la barbarie génocidaire.
Aujourd’hui, l’ouverture des archives françaises est encore timide, mais elle devrait être accélérée et soutenue pour que l’Etat fasse son travail de reconnaissance de la responsabilité de hauts responsable français.
La question de la reconnaissance du génocide des Tutsis fait appel à la même incapacité que notre Etat a eue pour reconnaître sa responsabilité dans la déportation des juifs de France ou encore dans la guerre d’Algérie, notamment avec la torture.
Il nous faut dire des paroles de vérité face au silence des autorités, car une démocratie doit respecter ses valeurs. C’est l’idée que nous avons de notre pays, celui des droits de l’homme et du respect de chacun dans ses différences. Notre combat pour la vérité sur ce génocide est universel, contre toute forme de violence et de haine. Comme pour la Shoah, comme pour le génocide arménien, le génocide des Tutsis est inacceptable et ses responsables directs et indirects doivent être punis.
Vingt ans après les faits, faire connaître le génocide à notre jeunesse est une nécessité absolue. Nous voyons trop les dégâts aujourd’hui du manque de travail mémoriel sur le colonialisme pour ne pas trouver important aussi ce travail sur le génocide tutsis.
Nous devons également reconsidérer nos relations avec les peuples et les États africains, plutôt que de considérer l’Afrique comme une zone d’intervention prioritaire sur le plan militaire sans jamais promouvoir une véritable politique de coopération et d’échange laissant aux Africains la maîtrise de leurs choix politiques et économiques de leurs pays.
L’épisode génocidaire est révélateur de cette emprise des anciens empires colonialistes (français et belge) sur le destin politique du Rwanda. Pour sortir de cette vision paternaliste, il faut considérer les Etats africains comme nos partenaires, nos égaux.
Merci, chers amis, des combats que vous menez, vous agissez pour l’humain universel incarné dans chacune et chacun d’entre nous.