Hommage à Jean-Honoré BRIFFAULT
Patrice LECLERC, Maire
Mercredi 3 Juin 2015, 18h30
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs les membres de
la famille Briffault,
Cher Jacques,
Mesdames et Messieurs, Chers Gennevillois,
Nous voici réunis pour rendre hommage au premier Maire de Gennevilliers, pour évoquer la mémoire de celui qui sera le premier à présider aux destinées de la commune et qui l’est devenu en des temps révolutionnaires.
Je veux parler de Jean-Honoré BRIFFAULT, Maire de Gennevilliers de 1790 à 1792.
Plusieurs d’entre vous se demande pourquoi, tout d’un coup, cet hommage ?
Cela fait un an que je découvre la fonction de Maire. Je vis les joies, l’enthousiasme, les difficultés, l’engagement d’une action au service du public et je pensais à tout ceux qui avant moi l’ont très bien fait au service de notre ville. Jacques Briffault n’a rien demandé, et je crois qu’il a été lui meme surpris de ma proposition d’honorer le premier maire de Gennevilliers et son descendant dans notre équipe municipale.
En nous replongeant dans le passé, dans les racines Gennevilloises, je puise ainsi de la force dans les valeurs progressistes et réalisations portées par les différentes équipes municipales.
C’est le sens de la récente commémoration des 80 ans de la Municipalité et de sa gestion progressiste au service des couches populaires.
Dans la continuité de cet événement, il s’agit à travers l’initiative de ce soir de porter un regard sur les évolutions et les transformations historiques connues par Gennevilliers et qui ont forgé l’originalité et l’identité de tout un territoire et sa population.
Des membres de ta famille aussi Jacques ont apporté une contribution particulière à la préparation de l’exposition : « Gennevilliers à travers les âges », en 1953. Jacques BOURGOIN a son tour avait plongé loin dans nos racines en commémorant les 700 ans de la commune.
Je m’inscris dans cette continuité et c’est bien la raison pour laquelle j’ai proposé ce temps de commémoration.
Pour parler de Jean-Honoré, je me suis replongé dans les archives. J’ai aussi fait appel à la mémoire de Jacques BRIFFAULT, notre Conseiller municipal, qui a la particularité pas banale d’être l’arrière, arrière, arrière, arrière, arrière, arrière (sixiaïeul), petits fils de Jean-Honoré.
C’est une singularité Gennevilloise. Rien que cela mérite d’être souligné. D’autant qu’il ne s’agit pas d’une succession de notables, d’héritage, d’entre soi. Mais une succession de valeurs.
1789 voit les communautés paroissiales s’organiser spontanément en commune pour prendre en main la chose publique. Reconnu par décret du 14 décembre, les élections ont lieu au printemps 1790.
Mais n’oublions pas qu’à cette époque pour voter, il fallait être un homme de plus de 21 ans et payer une contribution égale à au moins 3 jours de travail, 10 pour être élu.
Le premier Maire de Gennevilliers, Jean-Honoré, est un cultivateur. Il dirige alors une commune d’à peine un millier d’habitants.
Elle compte environ 200 familles dont 90 vivaient de la vigne, les autres cultivaient la terre. Sur les 1 000 hectares appartenant à l’Abbaye de Saint-Denis ou à de grands bourgeois parisiens, seulement 31 hectares étaient exploitées.
Les BRIFFAULT comptaient parmi les grandes familles de propriétaires, cultivateurs Gennevillois. En 1796, 14 BRIFFAULT figurent au rôle de la contribution foncière. 4 BRIFFAULT (Jean-Jacques, Jacques, Pierre et Eugène) seront membres de la Société populaire.
Le 5 décembre l790, Jean-Honoré BRIFFAULT fait parvenir à l’Assemblée Nationale l’état des Biens Nationaux de Gennevilliers. Sa consultation nous renseigne sur la situation des terres, leur valeur, leur appartenance et les lieux-dits.
Ce travail a un autre mérite, il conduira à l’aliénation à la municipalité de Gennevilliers une notable partie des Biens Nationaux. La ville tout en n’en revendant une partie en conservera 38 hectares. Ces terrains loués à la fin du XIXème siècle aux habitants, dont à Nicolas et et Jean-Pierre BRIFFAULT (loué 2 337 livres par an pour une surface de 1 215 perches aux Carmélites de Saint-Denis), constituent les prémices de la première politique foncière de Gennevilliers.
Pour gérer la ville, il disposait d’un agent municipal et d’un adjoint également nommé. Cela a bien changé. On le reproche parfois aux communes mais le niveau de service n’est plus le même.
Gennevilliers faisait partie de ses bourgs ruraux que Paris utilisait depuis le Moyen-Âge et dans un rayon de 50 km, pour pouvoir à son ravitaillement.
A la veille de la Révolution, la France est au bord de la banqueroute, quelques années auparavant, on mourrait de faim à Gennevilliers. Le Roi et la noblesse veulent faire payer la bourgeoisie et le peuple qui n’en peut plus. Il est vrai qu’entre 1627 et 1788, le montant de la Taille, l’impôt royal, a été multiplié par 10 dans la ville. La convocation des Etats-Généraux, d’abord refusé, fini, sous la pression populaire, par être acceptée. S’engage alors à Gennevilliers comme dans chaque Paroisse, la rédaction des Cahiers de « Doléances de la paroisse ». Jean-Honoré en sera l’un des principaux rédacteurs.
Les mois qui ont précédé sa rédaction dans les Hauts-de-Seine, ont été calmes, et le département ne connaitra pas d’émeute ni de soulèvement.
A l’exception d’une ville, déjà protestataire, un village d’irréductible, Gennevilliers, déjà singulière par son esprit de combativité. Il est vrai que les ravages du gibier, qu’il était interdit de chasser, ajoutaient encore à la misère d’un terroir déjà fort éprouvé par la nature caillouteuse de son sol, par les inondations régulières de la plaine et la baisse des revenus issus de la vigne à cause de l’augmentation des impôts prélevés par les fermiers généraux.
Il en résultat une révolte et une battue sauvage organisée le 22 mars par les vignerons de Gennevilliers pour détruire les lapins des garennes du duc d’Orléans : celui-ci avait bien supprimé sur son domaine les capitaineries de chasse, mais les habitants n’en avaient pas encore pour autant le droit de chasser, fût-ce avec des bâtons.
Les jeunes gens qui avaient participé à cette expédition seront néanmoins poursuivis tardivement.
Arrêtés les 11 et 12 avril, ils seront écroués au Châtelet puis libérés quelques semaines plus tard.
Clément-Jean-Baptiste Manet qui relate ces faits dans un mémoire qu’il envoie au
x États Généraux fin mai 1789, termine son témoignage en posant en conclusion cette question : « Peut-on exiger qu’on croie à la liberté individuelle, quand il est, depuis six semaines, douze individus menacés de la perdre, à la volonté d’un seul officier? »
Les vignerons feront encore parler d’eux le 13 juillet 1789.
Accompagnés de leurs compères de Colombes et d’Argenteuil, ils forceront la barrière des Fermiers Généraux et feront entrer leur vin dans Paris sans payer de taxes.
Comme l’écrit le regretté Georges Quiqueré (1921-2009) l’historien de Gennevilliers : « Je me sens assez flatté de penser que le vin de Gennevilliers est peut-être pour quelques chose dans la prise de la Bastille ».
Plus modestement, ils ont dû se trouver dans la foule qui participait à la prise de ce bastion, symbole du despotisme royal.
Mon cher Jacques, toi qui est un fidèle de notre paroisse, sais-tu que ton sixiaïeul s’est élevé contre que le curé de notre paroisse, Alexandre-François Chappillon, qui exerça son ministère à Gennevilliers de 1762 à 1813.
Ce curé réputé pour son caractère ombrageux avait multiplié les causes de discordes entre la cure et ses paroissiens, en raison du montant trop élevé des frais imposés par la paroisse en compensation des services religieux. Cela avait faire dire à l’un des Gennevillois qu’il « voulait transformer la modeste église de campagne en cathédrale ».
Les tarifs des enterrements dépassaient la dizaine de livres. On imagine l’importance de cette somme lorsqu’on compare ce chiffre à celui du salaire d’une servante qui était de 10 livres par an et d’un charretier une cinquantaine. Quatre articles du cahier des doléances traduisent cette colère.
En ce qui concerne les revendications des cultivateurs qui n’en peuvent plus des dégâts causés par les gibiers, ils exigent la suppression de la Capitainerie des Chasses et l’élévation des digues contre les crues.
34 signatures sont apposées au bas du cahier dont celle de BRIFFAUT et du … Curé qui franchira ainsi plus aisément les tourmentes qui s’annoncent.
Dans les registres de l’Etat civil, les traces des BRIFFAULT remontent au moins jusqu’à 1661, et à l’acte de naissance d’un certain Estienne BRIFFAULT. Sa famille était alors vigneronne.
Y succèdera une longue filiation d’agriculteurs, à partir du XIXème siècle. Dès 1801, il y est fait référence et notamment à une exploitation existant, rue du puisard, jusqu’à ton père, Lucien, Menuisier.
Dans une belle Estampe, possession de la Bibliothèque Nationale, on découvre le profil de Madeleine BRIFFAULT, dite Rosalie, femme de chambre de Madame DE LA MOTTE. Cette dernière fut la principe instigatrice de l’affaire du collier de la Reine.
J’en arrive à toi Jacques. Tu es devenu Conseiller municipal pour la première fois le 11 juin 1995, membre du groupe des élus socialistes de notre majorité municipale. Déjà à cette époque, tu disais : « Ma conscience est heurtée quand j’entends des propos racistes et c’est parfois le cas sur les chantiers où se côtoient des travailleurs de plusieurs pays. »
Jacques, marié, père de deux enfants, tu étais aussi menuisier dans l’entreprise Gennevilloise CK.
Ton activité de menuisier ébéniste, t’amenait à agencer et à décorer des magasins, bureaux et halls d’entrée.
Né à Gennevilliers, ton engagement a commencé comme délégué puis président des parents d’élèves à Caillebotte. Le travail ne manque pas.
Catholique pratiquant, avec ta femme, tu donnes un gros coup de main à la paroisse. Tu seras aussi un acteur important du CCFD-Terre Solidaire ainsi que le membre fondateur, aujourd’hui Président, de la Régie du Luth.
Véritable républicain, (chacune et chacun pourquoi j’accole véritable à républicain) ton cœur a toujours battu à gauche.
Tu es de ceux pour qui le bien public et l’intérêt général donnent sens à l’action.
Tu es de ces hommes dont le dévouement et l’engagement personnels sont, pour nombre de leurs contemporains, des repères.
Tu as l’art de savoir rassembler au-delà ta propre famille de pensée.
Il y a sûrement des leçons à retenir dans cette volonté d’être constructif ensemble…
Notre façon d’être fidèle à la richesse de cette histoire, c’est de voir la manière dont notre ville s’est modernisée, avec la construction des grands ensembles et l’ouverture de nouveaux équipements, permettant de promouvoir un territoire ouvrier et de protéger les populations venant de tous les horizons.
Voilà ce que je tenais à rappeler en hommage à Jean-Honoré BRIFFAULT et à ses descendants.
Comment mieux conclure cet hommage si ce n’est qu’au nom de cette histoire, fort de notre avenir, avoir le plaisir au nom de la Municipalité de te remettre, cher Jacques, la Médaille de la Ville.