Monsieur le Ministre,
Je me permets d’attirer votre attention sur la révision des valeurs locatives des locaux professionnels de Gennevilliers.
A travers ce courrier, je souhaite vous faire part de mes observations et critiques quant aux modalités d’application de cette réforme.
Les modalités de mise en œuvre sont prévues à l’article 34 de la loi de finance rectificative pour 2010. Cette disposition a fixé le principe d’une revalorisation des valeurs locatives des locaux professionnels pour toute la France, à mettre en œuvre par les services fiscaux et applicable dès 2016. Cette révision constitue la première étape d’une réforme générale des bases locatives, avec dans un second temps celle des locaux d’habitations.
Si la nécessité d’une révision des valeurs locatives est évoquée depuis plusieurs années, compte tenu de l’absence de révision générale depuis 1970, il apparaît de sérieuses difficultés pour estimer les incidences de cette réforme pour les contribuables Gennevillois.
En effet, le projet remis à la ville fin janvier 2015 par la Commission Départementale de révision des Valeurs Locatives Professionnelles (CDVLLP créée en 2014) propose un nouveau système d’évaluation en créant des secteurs au nombre de six, la mise en place d’une grille tarifaire au m² et la possibilité d’appliquer un coefficient de localisation.
C’est sur ces critères que les commissions communales ont été saisies pour formuler un avis dans un délai extrêmement court, avant le 19 février dernier. Ce délai est inapproprié au regard des enjeux et des répercutions pour certains contribuables : il est primordial de pouvoir estimer de façon certaine les variations de cotisations sur certaines catégories et d’identifier les zones les plus concernées avant de formuler un avis.
Avec 2 249 locaux professionnels concernés par cette réforme à Gennevilliers, soit 94 % des locaux économiques du territoire, l’enjeu apparaît très élevé pour notre ville. D’un point de vue budgétaire, la réforme semble garantir un produit fiscal constant grâce à l’application d’un mécanisme de neutralisation permettant de maintenir la proportion entre les locaux d’habitation et les locaux professionnels dans le produit fiscal de la commune. Toutefois, elle engendre des transferts de la charge fiscale très importants entre les différentes catégories de locaux.
Si l’on prend acte que les objectifs de cette révision visent à rendre plus juste l’imposition entre les contribuables, on ne peut négliger l’impact de la nouvelle grille tarifaire sur certaines catégories, notamment celle des petits commerces donnant sur rue, qui vont subir de fortes hausses de cotisation au détriment des bureaux, dont l’augmentation des tarifs est peu significative.
A titre d’exemple, sur la partie de notre territoire classé en secteur 3 (centre-ville), certains commerçants verront leur base (hors application du coefficient de neutralisation) augmenter de plus de 250 % dans certains cas, selon nos estimations. En moyenne, sur ce secteur, les tarifs seraient multipliés par 2,5 par rapport aux précédentes valeurs locatives. Malgré le mécanisme de lissage prévu pour les augmentations les plus sensibles, certaines catégories demeureront vivement touchées par cette révision.
D’autre part, il apparaît impossible d’estimer la réalité de l’impôt après réforme. La classification des locaux par catégorie s’est opérée sur la base de déclarations des propriétaires. En l’espèce, le rattachement du local à une catégorie dans un secteur donné ne nous permet pas de déterminer avec certitude le tarif applicable à un local sur notre territoire. A cela s’ajoute deux incertitudes, le niveau du coefficient de neutralisation qui sera appliqué à la base révisée et la nature des mises à jour des locaux concernés (pondération des surfaces et nature du local). De plus, l’incapacité des services fiscaux à transmettre des éléments détaillés par commune, entrave notre capacité à élaborer un avis objectif et éclairé.
D’autres éléments nous interrogent, notamment la méthodologie appliquée pour déterminer les secteurs d’évaluation à l’échelle du département et infra-communal. En effet, la grille tarifaire et la progressivité selon le secteur d’appartenance pour une catégorie apparaissent très dispersées.
On retrouve par exemple une augmentation de plus de 40 % pour les tarifs des locaux exploités par des artisans entre le secteur 1 et le secteur 2, puis des variations très inférieures entre les secteurs 2 et 3. On peut également critiquer la méthode retenue, à savoir, se baser sur la catégorie la plus représentée dans le département qui ne semble pas adaptée au tissu économique Gennevillois et à son maillage territorial.
Je souhaite également vous interpeler sur les limites des textes en vigueur. En effet, cette révision doit s’effectuer à produit fiscal constant pour les collectivités locales. Or, selon les textes tels qu’ils sont rédigés, la neutralité budgétaire s’effectuera grâce à l’application d’un coefficient de neutralisation. Dans la mesure où il n’est pas fait mention d’une exclusion des locaux exonérés dans le calcul de ce coefficient, la stricte neutralité pour notre commune pourrait être remise en cause (cas des locaux localisés en ZUS). Il semble important de clarifier cette question, pour pouvoir garantir une réforme à produit fiscal constant.
En outre, si l’on souhaite associer les CCID au débat, il semble indispensable de fournir à leurs membres le temps et les moyens nécessaires pour appréhender l’ensemble des incidences d’une réforme de cette envergure. Tous ces éléments constituent un réel obstacle pour permettre à la CCID de tenir pleinement son rôle, à savoir soumettre des recommandations fondées et cohérentes avec le contexte économique local.
Ainsi, je souhaite vous alerter sur les lourdes conséquences de cette révision des valeurs locatives, étant donné que le principal défaut repéré, dans les délais très contraints qui nous sont accordés, réside dans l’impact très négatif pour les petits commerces de proximité, que la ville n’entend en aucun cas fragiliser par des charges supplémentaires.
La ville regrette des simulations inexistantes, un calendrier trop serré et une concertation absente.
C’est pourquoi, je vous remercie par avance, de bien vouloir prendre en compte les difficultés que nous rencontrons, notamment en faisant évoluer les modalités de mise en œuvre (implication plus forte des communes en amont ; simulations commune par commune) et en accordant un délai plus long.
Je vous prie croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de toute ma considération.
Patrice LECLERC