Le 97ème congrès des maires et des présidents de communautés de France s’achève.
Pour un certain nombre, ce congrès est le premier car on compte près de 40% de nouveaux élus. Le début d’un mandat c’est, après la tension de l’élection, la découverte des responsabilités qui pèsent sur les épaules des élus, que l’on soit maire d’un village ou d’une grande ville, en métropole ou en outre-mer. Alors que la gestion des collectivités locales est critiquée car soi-disant trop dépensière et peu soucieuse de l’intérêt général, il nous semble essentiel de valoriser la fonction de maire qui s’apparente à un véritable sacerdoce.
Ces 4 jours de débat ont été empreints de gravité à cause de la profondeur de la crise et des dangers qui pèsent sur la place des communes et de leurs outils intercommunaux dans la future organisation territoriale.
1. La baisse drastique des dotations de l’Etat doit être corrigée
Souvent mises injustement en accusation pour leurs dépenses, les collectivités doivent être, au contraire, considérées comme un atout pour faire face à la crise. Les élus, parfaitement conscients des difficultés financières du pays, estiment que le redressement des finances publiques ne peut passer que par une action commune, concertée et solidaire pour contribuer à l’effort national, et non par des injonctions unilatérales de l’Etat aux collectivités.
Les maires et présidents d’EPCI rappellent que les collectivités locales financent plus de 70% des investissements publics (soit 58 Md€) et que leurs budgets doivent être votés en équilibre.
Le dynamisme économique de la France passe donc en grande partie par l’action des collectivités. Or, la forte baisse des dotations de l’Etat en 2014 et les années suivantes met à mal cet impératif de retrouver les chemins de la croissance. Les concours financiers de l’Etat sont appelés à diminuer de 11 milliards d’euros de façon progressive jusqu’en 2017, soit une baisse cumulée de 28 milliards d’euros sur la période 2014-2017.
C’est le vivre ensemble qui est menacé avec une double conséquence :
– La diminution prévisible de l’investissement public
L’étude conjointe AMF – Banque Postale diffusée au Congrès montre que les investissements des communes seront en repli de 10,2 % en 2014 et ceux des EPCI de 5,6%. Cette baisse représenterait l’une des plus fortes observées depuis les premières lois de décentralisation, ce qui nous interroge sur le rôle à venir de l’investissement local et l’ampleur de son repli en 2015. Avec la baisse accentuée des dotations sur les trois prochaines années, et une fiscalité non mobilisable dans le contexte actuel, qui viennent après la suppression de la taxe professionnelle et une période de gel des ressources, les collectivités devront relever de nouveaux défis pour concilier contraction des moyens et attentes fortes de la population en matière de services publics.
Or, 10% de baisse de l’investissement public, c’est 0,2 point de croissance en moins.
Les communes ne sont pas un fardeau pour la Nation mais un levier de la relance, un moteur essentiel de l’activité économique de nos territoires.
– L’affaiblissement des services publics
Faut-il rappeler que les communes et les intercommunalités, rurales ou urbaines, avant d’être des instances et des élus, c’est : l’organisation des transports publics, l’offre de moyens de déplacements alternatifs et l’entretien des voiries pour permettre à nos concitoyens de se déplacer et d’aller travailler, la préservation de l’environnement et le défi de la transition écologique et énergétique, la construction et la gestion des crèches, des écoles, des maisons de retraite, la mise en place de maisons de santé, la participation à l’effort de logement dans le secteur privé et social, le soutien à l’offre culturelle, sportive, de loisirs, les interventions des CCAS auprès des publics fragilisés, la participation au développement des réseaux numériques, la gestion des déchets, de l’assainissement, de l’eau. Bref, tout ce qui fait le dynamisme territorial, le lien social et le bien vivre ensemble !
Si l’ampleur des restrictions devait être confirmée, les élus auraient demain la lourde tâche de devoir renoncer à des services publics locaux qui cimentent le lien entre les populations sur leur territoire, notamment dans les espaces ruraux et les banlieues en difficulté : c’est insupportable.
Aujourd’hui, 13 200 délibérations ont été reçues à l’AMF, de tous les horizons, de toutes les strates de communes et EPCI.
Ce mouvement massif témoigne de l’inquiétude profonde des élus locaux.
Forte de ce soutien sans précédent, l’AMF demande avec force :
– une diminution de la contribution du bloc communal ;
– l’arrêt immédiat des transferts de charges et des mesures normatives ;
– la pérennisation du fonds de soutien à la mise en œuvre des rythmes scolaires à la hauteur des dépenses engagées. Une évaluation de la réforme devra être réalisée pour préparer la rentrée 2015.
– la tenue d’une conférence sur l’investissement public et la création d’un véritable fonds d’investissement, et non la redistribution de dotations qui existent déjà (ex : FDPTP)
– la sanctuarisation des ressources du bloc communal (si des recettes fiscales sont supprimées, elles doivent être compensées intégralement).
Nous espérons par ailleurs que les communes pourront pleinement bénéficier du plan de relance européen de 315 Md€.
2. La réforme territoriale doit conforter la commune comme l’échelon de proximité
La commune est et doit rester l’échelon de proximité de la République. L’intercommunalité est un outil indispensable des communes pour mener des politiques ou des projets ambitieux sur les territoires mais ne peut se substituer à elles. L’AMF veut des communes fortes s’appuyant sur une intercommunalité de projet. La commune a toujours su s’adapter au cours des siècles et une fois encore la réforme territoriale ne pourra être réussie que par la mobilisation des communes. L’engagement de l’AMF pour la création volontaire de « communes nouvelles » prouve que c’est avec la volonté des élus locaux que les grands changements sont possibles. Toujours nous préfèrerons la liberté à la contrainte.
Les maires et présidents d’intercommunalités demandent solennellement aux pouvoirs publics plus de liberté et de confiance dans la construction de l’intercommunalité au plus près de la réalité des territoires.
L’AMF exprime clairement :
o son refus catégorique de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires ;
o sa demande de suppression du seuil de 20 000 habitants comme minimum normatif des intercommunalités, qui aboutirait à des périmètres uniformisés ;
o la nécessité d’une pause législative en matière de transfert obligatoire de compétences aux intercommunalités, l’AMF privilégiant les transferts volontairement consentis ;
o le maintien de la notion d’intérêt communautaire attachée aux compétences transférées ;
o son opposition à un « modèle » imposé dans les processus de mutualisation et le refus de tout transfert obligatoire du personnel ;
o sa volonté de coopération avec les régions et les départements (notamment en ce qui concerne la gestion des fonds européens), mais son refus des schémas prescriptifs qui feraient des communes des sous-traitants.
3. L’Etat doit entendre la volonté des élus locaux.
Malgré ce contexte, les maires et présidents d’intercommunalités, pleinement inves
tis de la confiance de leurs concitoyens, font preuve de détermination et d’engagement pour :
– garantir l’égal accès à des services publics locaux de qualité, notamment dans les territoires ruraux ;
– soutenir l’investissement public local ;
– répondre aux enjeux cruciaux en matière de révolution numérique ;
– répondre à l’urgence climatique, aujourd’hui avérée, qui appelle une mobilisation sans précédent de l’ensemble des Etats et des peuples de la planète.
A l’approche de la conférence mondiale sur le climat, qui se tiendra à Paris en décembre 2015, les maires et présidents d’intercommunalité s’engagent à renforcer les actions de sensibilisation, de prévention et d’adaptation au changement climatique.
Les maires et présidents d’intercommunalités souhaitent conserver leurs moyens d’agir. Il ne s’agit pas de soutenir des revendications catégorielles mais de répondre aux attentes des habitants qui nous ont élus pour assurer les services publics et la préservation du lien social.
Les maires et présidents s’estiment mal considérés par les pouvoirs publics et la campagne de mise en cause quasi systématique de la gestion des élus dans leurs mairies ou intercommunalités, présentée comme dispendieuse, est insupportable parce qu’elle est erronée et injuste.
Aujourd’hui, réunis au 97ème congrès des maires et présidents d’intercommunalités de France, nous exigeons des pouvoirs publics :
– l’ouverture d’une négociation entre l’AMF et le Premier ministre dans les meilleurs délais,
– la traduction dans les faits du « choc de simplification». En effet, l’Etat ne peut pas contraindre les collectivités à dépenser beaucoup moins tout en augmentant la dépense publique par des transferts de charges non compensés ou des normes coûteuses ;
– la réunion urgente d’une instance permanente de dialogue et de négociation ;
– la prise en compte de la spécificité des territoires ultramarins. Les échanges qui ont eu lieu lundi avec les élus d’outre-mer ont témoigné de l’inapplicabilité de certaines décisions nationales prises sans considération des réalités des territoires (rythmes scolaires, baisse des dotations de l’Etat, bases fiscales, etc.) ;
– que la légitimité de la commune mais aussi l’engagement et la responsabilité des maires et présidents d’intercommunalités soient pleinement reconnus.
A l’exaspération risquerait de succéder la colère si des réponses concrètes n’étaient pas apportées maintenant. Ce qui est en jeu, c’est le service aux habitants et la modernisation du pays. Nous demandons donc solennellement aux pouvoirs publics, résolument et sans réserve, de renforcer le socle de la République que sont nos communes en prenant le pari de la proximité, de la modernité, de l’intelligence de nos territoires, pour la