Intervention de Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers aux funérailles de Carmen Gérard 11 août 2014
Mesdames, Messieurs,
C’est avec une grande tristesse que nous sommes présents aujourd’hui pour honorer, notre amie, notre camarade Carmen Gérard, décédée à l’âge de 103 ans.
Nos premières pensées vont à sa famille et à ses proches. Au nom de la Municipalité, de Jacques Brunhes et Jacques Bourgoin, maires honoraires, je voudrais présenter à ses trois filles Myriam, Carmen et Malvina, son fils Roland, ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, nos plus sincères condoléances.
Nous perdons aujourd’hui une femme exceptionnelle, et pas seulement parce qu’elle était centenaire. Je suis d’une génération où l’on se méfie des modèles. Pourtant, pour moi, Carmen est comme un modèle. Un modèle d’une vie qui a mis en adéquation sa pensée et ses actes, un modèle d’humilité, un modèle de joie de vivre. Un modèle de femme communiste.
Arrivée en 1921 dans notre ville avec ses parents, Carmen a baigné, toute son enfance, dans les combats que son père a menés au sein de la CGTU. D’origine espagnole, ses parents venaient de Bordeaux pour travailler dans la région parisienne. Son papa était fraiseur à Chenard, militant ouvrier engagé dans le combat de classe.
Militante à l’Union des Femmes françaises, Carmen a vécu la grande époque du Front Populaire avec ferveur et enthousiasme, elle a assisté aux grands meetings de Pierre Timbaud. « Il était notre tribun », comme elle aimait si bien le rappeler. Elle s’investit très tôt contre le fascisme en militant pour l’envoi de vivres pendant la guerre d’Espagne et en soutenant politiquement les Brigades Internationales. C’est la période où sa famille adopte un enfant espagnol.
Puis c’est avec courage et détermination que Carmen Gérard s’est engagée dans la résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale. On dit aujourd’hui « courage et détermination », et c’est vrai, mais Carmen en parlait comme d’une action naturelle, qui vient comme cela, poussée par l’engagement et les évènements.
Ce combat Carmen l’a mené aux côtés de son mari, René Sévi qui fut arrêté pour diffusion illégale de l’Humanité. René Sévi entrera dans la clandestinité après s’être évadé de la prison de la Santé en juin 1940. Puis il sera à nouveau arrêté, puis déporté et gazé à Auschwitz en août 1943.
La même année, Carmen adhère au PCF et devient agent de liaison de Roger Linet et Cécile Rol-Tanguy, chez les Francs-Tireurs et Partisans et transporte chaque jour dans Paris des documents confidentiels et faux papiers, sous le pseudonyme de « Line. Elle fait notamment passer du courrier pour Jean Grandel, maire de Gennevilliers destitué par l‘occupant et le gouvernement de collaboration, et transporte des tracts dans son panier ou le landau de ses jumelles, Carmen et Malvina. C’est une mission à haut risque.
Arrêtée en 1943, elle fait front avec bravoure lors des interrogatoires. Frappée par les SS, dans les locaux de la Gestapo, elle ne parle pas, elle tient tête. Jugée et condamnée le 8 juin 1944, elle craint d’être déportée. Elle passe une année à la prison de la Roquette. Elle est libérée le 17 août.
Après-guerre, elle est employée aux écritures à la mairie de Gennevilliers, puis secrétaire médicale au centre municipal de santé jusqu’à sa retraite.
En 1948, elle épouse René Gérard, militant communiste, conseiller municipal sous Jean Grandel, prisonnier en Allemagne qui décèdera en 1952. Ensemble, ils auront un fils, Rolland.
Il y a trois ans, nous fêtions le centenaire de Carmen avec sa famille et ses amis. Ce fut un moment simple, à son image et plein de chaleurs humaines, d’amitiés, de rappels des engagements militants.
Carmen est restée syndiquée à la CGT jusqu’à son dernier souffle. Elle était aussi membre de la section de Gennevilliers du parti communiste français. Fidèle toute sa vie au PCF, elle n’en faisait pas un engagement doctrinaire, fermé mais bien au contraire ouvert sur le réel, avec des actes en adéquation avec ses idées. Elle s’est aussi longtemps occupée de l’ANACR, de la FNDIRP.
Je revois ses yeux pétiller, pleins de vie, limites coquins avec toujours le bon mot pour plaisanter. « Alors mon camarade » disait-elle souvent en guise d’accueil. Jamais elle n’oubliait de nous envoyer notre carte de l’ANACR avec la demande de cotisation qui allait avec. Elle le faisait par courrier si elle n’avait pas réussi à nous coincer Jacques Bourgoin et moi même. Et savait nous rappeler à notre devoir si nous tardions mais toujours avec gentillesse.
Si Marc Hourson avait le malheur de passer en retard pour sa cellule, elle l’appelait pour pouvoir payer ses cotisations. C’est d’ailleurs souvent grâce à lui que nous avions des nouvelles régulières de Carmen ces derniers temps.
Carmen Gérard a été une combattante de la liberté qui a traversé le siècle avec courage. Elle a croisé la mort, l’horreur et la barbarie, plus d’une fois, mais elle nous faisait partager la dignité, la joie de vivre, la simplicité, la ténacité dans le combat. Nous garderons en souvenir ses yeux rieurs.
Elle laisse derrière elle un grand vide pour sa famille et pour tous les Gennevillois.
La municipalité de Gennevilliers lui rendra un hommage solennel et officiel en octobre. Nous pouvons être fiers de la citoyenne, de la camarade Carmen Gérard, comme elle pouvait être fière de sa ville et de sa famille. Je vous remercie. accueil.monastier@asmeg.org