Vendredi 23 septembre 2011
Monsieur le Député, Monsieur le Conseiller général, Mesdames et Messieurs,
Gennevillois, nous sommes fiers ce soir d’être auprès de cette grande dame que nous allons inaugurer aujourd’hui, car elle est le symbole de l’histoire ouvrière de notre ville et de ses valeurs.
Une presse Bliss, dite Toledo Bliss, de 150 tonnes et de 8 mètres de haut, érigée en œuvre d’art en l’honneur de tous les « Chaussons », de tous ceux qui n’ont cessé de porter avec fierté la culture ouvrière, et à travers leurs luttes leur aspiration à la justice sociale et au progrès pour tous.
Permettez-moi de remercier ici, Jacques Pédexès, ancien salariés de chez Chausson et toute l’équipe du CCPG, d’avoir su nous convaincre de tout l’intérêt que représente la préservation de ce patrimoine industriel pour l’histoire de notre ville, pour les Gennevillois. Merci a eux tous, qui ont aussi réalisé un formidable travail autour des usines Chausson, notamment la restauration de la maquette du complexe et une exposition de documents, que vous pouvez dès aujourd’hui découvrir dans leurs locaux à deux pas d’ici.
Notre Conseil municipal a, en 2008, décidé de réaliser ce projet qui a été particulièrement suivi par Sandrine HERTIG, Maire Adjointe à la culture et Patrick THERET, Conseiller municipal en charge du Patrimoine, que je remercie.
Merci également à nos Directions municipales de la Culture, de la Communication et des Services techniques qui se sont particulièrement investis sur ce projet pour être prêts le jour J.
Et si je voudrais également attirer votre attention sur la très belle exposition de photos réalisée par Didier Comellec notre photographe.
Ce projet de restauration de la Presse BLISS, a été confié à Michel VERJUX, plasticien et Philippe DANEY, designer. Vous pourrez admirer le résultat de leur travail. Ils ont su faire passer la presse Bliss de la représentation d’un outil industriel à celui d’une œuvre d’art, et ont également réalisé des « boîtes à mémoires » qui seront installées ultérieurement sur le site du futur écoquartier. Huit d’entre elles sont aujourd’hui visibles.
A eux deux bravos et félicitations !
Vous pouvez également découvrir leurs œuvres d’artistes à l’exposition qui se tient actuellement à la galerie des Beaux-arts Manet dans le village.
Alors oui, au-delà de cette œuvre d’art populaire et contemporaine, c’est bien de l’histoire humaine d’une importante usine automobile, alors la plus importante d’Europe, dont nous parlons.
Une histoire humaine qui a commencé en 1908 avec l’installation de Chenard et Walker à Gennevilliers à l’angle de l’actuelle rue Henri Barbusse et de l’avenue Chandon et connu notamment pour sa fabrication de taxis et de voitures. L’entreprise compte alors 200 ouvriers.
Usine en pointe qui se diversifie dans la fabrication de tracteurs mais qui connait une crise importante dans les années 30.
En 1935, les prospères usines Chausson, déjà installées à Asnières, rachètent CHENARD et Walker et s’implantent en cœur de Ville. Ils deviennent leader mondial des radiateurs pour automobile.
L’usine Gennevilloise devenant l’Ilot H. CHAUSSON innove dans un prototype de camionnette, dite « caisse-poutre », qui révolutionne les véhicules utilitaires. Le premier autocar sort de l’usine de Gennevilliers en juillet 1942 ; La grande aventure des cars Chausson commence vraiment à la libération. La RATP en équipe tout son réseau.
Dans les années 40, Chausson, Chenard et Walker et la SECAN, vont occuper plus de 20 hectares de part et d’autre de l’avenue Henri Barbusse.
En 1960, CHAUSSON est la plus grande usine de cars d’Europe, et devient en 1975 le plus grand constructeur européen des véhicules utilitaires légers, l’entreprise compte alors au plus fort de son activité plus de 4500 salariés à Gennevilliers.
Mais dans les années 80, CHAUSSON rencontre des difficultés économiques, pris dans la tourmente de l’industrie automobile, et ne travaille quasiment plus que pour Renault et Peugeot.
En 1996 le site et ses 1200 salariés sont repris par Renault et devient Emboutissage, Tôlerie, Gennevilliers (ETG).
L’arrêt définitif de la fabrication intervient en 2007 avec la fermeture du site et la démolition des bâtiments en 2008.
Une histoire industrielle qui a profondément marqué notre ville et forgé ses valeurs.
L’histoire d’hommes et de femmes, français et immigrés, qui ont porté haut la dignité ouvrière avec un sens aigu de la solidarité, de la justice sociale, de l’action collective.
Chez les Chaussons on ne plaisantait pas avec les valeurs transmises. Le travail devait être bien fait, et il fallait se battre pour faire sa place.
Ils ont contribué à forger l’identité de notre ville, dans la première moitié du 20ème siècle, avec tous ceux arrivant des quatre coins de la France et des pays du nord de l’Afrique qui travaillaient dans les usines en pleine croissance.
Un corps social se crée à Gennevilliers où travailleurs et élus vivent et luttent à l’unisson.
-Luttes pour l’amélioration des conditions de travail insupportables, avec une mobilisation ouvrière importante, des organisations syndicales très présentes :
-En 1935 avec le soutien de Jean Grandel et Jean-Pierre Timbaud puis en 1936 au moment du Front populaire,
-Dans les années 50 contre les semaines de travail de 50 heures et où le salaire est lié au temps de fabrication de pièces,
– En mai 1968 où les Chaussons participent aux grands mouvements de grève et obtiennent des avantages importants,
-En 1975, les 55 jours de Chausson, l’usine est occupée 5 semaines. La photo de Lucien LANTERNIER, Maire, et de Jacqueline FRENAY, Maire adjointe, assis à ce carrefour, soutenant les Chaussons avec toute la population, pour empêcher que les CRS ne sortent les pièces de l’usine, est dans toute les mémoires.
Les grévistes après un dur conflit, obtiennent notamment 250 Francs d’augmentation pour tous et surtout l’égalité des droits entre travailleurs français et étrangers.
Et toutes les luttes à partir des années 80 pour empêcher le démantèlement des usines.
Le Gennevilliers populaire du 20ème siècle s’est ainsi bâti dans une société fondée sur une communauté de valeurs avec le sens aigu de la solidarité, de la justice sociale et de l’action collective, l’esprit de classe, celui des petits contre les grands, fait de fierté et de dignité. Valeurs qu’Annick MAYEUX, militante syndicale chez Chausson, portait haut au sein de notre équipe municipale.
Certes le choc de la désindustrialisation à été important pour les salariés et pour tous les Gennevillois.
Mais si la mémoire est nostalgique, elle n’est surtout pas passéiste.
Elle a mis en place des fondements qui nous guident toujours vers l’avenir avec ce refus d’un monde marchand et inégalitaire. Cette volonté sans cesse renouvelée de faire de Gennevilliers, avec et pour ces habitants, une ville à la fois dynamique moderne et populaire.
Une ville pour tous sans exclusion.
Et c’est dans ce cadre que nous travaillons depuis 3 ans à la reconversion du site des usines chausson pour en faire un écoquartier, à proximité d’un pole de près de 2000 emplois.
Un quartier durable, un morceau de ville, du centre ville vivant que nous voulons construire aujourd’hui pour les Gennevillois avec d’ambitieux objectifs.
L’ensemble du débat citoyen, mult
iforme, animé par Roland MUZEAU, notre Député, et par Muriel Goudou, Maire adjointe en charge de l’environnement, ne visait pas seulement un morceau de ville à part mais bien à rejaillir sur l’ensemble de notre projet de Ville.
Cette dimension participative et citoyenne avec des confrontations d’idées est essentielle afin de faire de la Ville en devenir, l’affaire de tous.
Nous avons tenu particulièrement à mettre en avant le concept d’un écoquartier pour TOUS. Il ne s’agit pas de faire un écoquartier seulement pour des couches sociales privilégiées mais bien pour tous avec 50% de logements sociaux et 50% de logements en accession et tous les équipements publics nécessaires.
C’est le sens primordial de cet ambitieux projet qui s’appuie sur ces valeurs qui ont toujours animés notre ville et toute l’histoire ouvrière qui s’est écrite sur ce site.
Pour conclure, je voudrai citer Bernard MASSERA qui dans le livre sur Chausson, « Une dignité ouvrière », écrit :
« L’histoire des Chaussons est celle de ceux qui veulent se faire respecter ; de ceux qui pensent que rien ne s’obtient sans débat, sans lutte, mais surtout sans unité de ceux qui croient que leurs rêves peuvent se réaliser à condition que beaucoup se donnent la possibilité de rêver ensemble »
Et bien cette grande dame que nous allons dévoiler, éclatante de ses couleurs retrouvées, vive et tellement présente, doit nous aider à rêver et à porter tous ensemble l’espoir d’un monde meilleur.
Je vous remercie.