Le mardi 12 novembre 2008 j’ai introduit une réunion du groupe des élus CACR (communistes, Républicains et alternative citoyenne) de Gennevilliers sur le thème de la laîcité. Je soumets ici ces réflexions personnelles au débat public.
Ce sujet vient en réponse à ma demande de travailler sur les repas de substitution dans les cantines. Ce n’est pas complètement la réponse à cette demande mais ce n’est pas à coté non plus. Cela s’inscrit dans le travail d’approfondissement de quelques sujets sur lesquels nous avions besoin d’une réflexion collective du groupe avant de prendre des décisions.
C’est un thème important car notre conception de la laïcité découle de notre conception du vivre ensemble, de la façon de faire société, de notre vision du monde.
D’entrée, je voudrai faire remarquer que si nous avons peut-être des différences sur notre définition de la laïcité (on le verra dans la discussion), sur le fond et l’essentiel, c’est un sujet qui fait consensus dans notre groupe CACR. Je ne connais pas un seul élu de notre groupe qui remette en cause la laïcité, je n’en connaît pas non plus dans la majorité municipale : ni au PS ni dans le groupe d’Union des Gennevillois. Pas un ou une, qui souhaite, d’une façon ou d’une autre, remettre en cause cette notion, cet acquis dans notre pays.
Dans Wikipédia on trouve la définition suivante :
La laïcité désigne au sens actuel la séparation du civil et du religieux. Le principe de séparation des pouvoirs politique et administratif de l’État du pouvoir religieux en est une application. Au sens contemporain, elle est le principe d’unité qui rassemble les hommes d’opinions, religions ou de convictions diverses en une même communauté.
L’adjectif « laïque », qui s’oppose d’abord à « clérical », peut aussi désigner l’indépendance par rapport à toute confession religieuse.
La laîcité ce n’est donc pas l’athéisme, l’anti religieux.
Pour exemple, devant la pénurie de prêtres mais aussi avec les évolutions internes de l’Eglise, la messe est souvent faite par des laïcs.
Est un laïc celui qui ne relève pas du clergé, notamment dans une société chrétienne. Les personnes qui n’en relèvent pas font partie du laïcat. Dans l’Église catholique, on désigne comme « laïc » les personnes qui, tout en appartenant au sacerdoce commun des fidèles, n’ont pas la responsabilité du sacerdoce ministériel.
Toujours selon Wikipédia :
La conception française est, dans son principe, la plus radicale des conceptions de la laïcité (comparativement), quoiqu’elle ne soit pas totale. La justification de ce principe est que, pour que l’État respecte toutes les croyances de manière égale, il ne devrait en reconnaître aucune. Selon ce principe, la croyance religieuse relève de l’intimité de l’individu. De ce fait, l’État n’intervient pas dans la religion du citoyen, pas plus que la religion n’intervient dans le fonctionnement de l’État. La laïcité à la française pose comme fondement la neutralité religieuse de l’État. L’État n’intervient pas dans le fonctionnement de la religion, sauf si la religion est persécutée (article 1 de la loi de 1905 : « l’État garantit l’exercice des cultes. »).
La conception française de laïcité, bien que dans son principe la plus radicale, a été extrêmement marquée dans son application pratique par le fait qu’il s’agit d’un long et périlleux combat anticlérical, consistant non pas à séparer le pouvoir politique du fait religieux en tant que tel, mais à réduire l’influence de l’Église Catholique et des militants politiques chrétiens.
Ces traces historiques expliquent pourquoi, souvent la laïcité est confondue avec athéisme, pourquoi une certaine conception de la laïcité est anti religieuse. C’est aussi avec une certaine conception de la laïcité que l’on voulait m’empêcher de militer à la JC dans mon lycée.
En France la laïcité est surtout une conception qui fait société.
Ainsi Marie-Georges Buffet considère :
« La République est porteuse de valeurs qui sont essentielles mais loin de constituer un référent unique pour les individus. L’identité d’un homme ou d’une femme ne peut se résumer au seul fait d’être citoyen ou citoyenne de la République française. Le corollaire de cette conception serait de faire de la laïcité une négation des religions. »
« La laïcité ne doit pas non plus consister en une séparation factice, voire schizophrène, entre l’espace public et l’espace privé, cantonnant l’espace de la liberté d’opinion là où elle n’est pas visible. On demanderait ainsi à chaque individu de renier ce qui, finalement, construit son identité pour ne montrer à la société que ce qui le réunit au reste de la nation. Or ce n’est acceptable, ni du point de vue de l’individu qui ne peut accepter que ses déterminants identitaires se voient cantonnés hors de l’espace public, ni du point de vue de la République, qui ne peut, par nature, se désintéresser de ce qui se déroule dans l’espace privé. »
Je pense qu’il est bon de se situer, comme élus pour la liberté individuelle et collective de pratiquer ou non une religion. La société doit donc organiser cette liberté. Cela passe pour moi par une conception de la laïcité qui rime avec liberté. Liberté de croire, liberté de ne pas croire. Liberté « dans une concurrence libre et non faussée » (pour reprendre une formule libérale) entre les religions, entre les religions et les athées.
Et donc aucune reconnaissance de notre part d’une religion plus que d’une autre et l’affirmation que « l’autorité publique procède de la souveraineté du peuple et ne peut être soumise à aucune autre forme de tutelle extérieure ».
Cette conception est au centre d’une lutte idéologique. Je pense à la campagne électorale de Nicolas Sarko
zy.
Permettez-moi de citer les propos de l’historien Jean-Paul Scot paru dans l’Humanité en janvier 2008 sous le titre « la religion serait-elle devenue la garante de l’ordre social »
« En quoi les propos de Nicolas Sarkozy portent-ils atteinte au principe de laïcité ?
Dès son discours d’investiture, le 15 janvier 2007, le candidat Sarkozy disait vouloir « moderniser la laïcité ». « La laïcité à laquelle je crois, c’est le respect de toutes les religions, ce n’est pas le combat contre la religion. »
Trois remarques.
Premièrement, l’hostilité à la religion a toujours été un courant minoritaire parmi les laïques car les pères de la laïcité l’ont fondée sur les principes de la liberté de conscience et de l’égalité de droit et de dignité de toutes les options religieuses ou philosophiques, agnostiques ou athées.
Deuxièmement, Jaurès et Buisson, les pères de la loi de 1905, ont affirmé que l’État laïque devait être neutre entre tous les cultes, indépendant de tous les clergés et dégagé de toute emprise religieuse et théologique. Le général de Gaulle lui-même déclara aux évêques en 1958 : « Vous dites que la France est catholique, mais la République est laïque. »
Et, troisièmement, même si, aujourd’hui, Sarkozy dit que la « laïcité, c’est le respect de toutes les croyances », il déclare aussi vouloir « prendre en compte les attentes des grandes religions » car « la vie spirituelle constitue le support d’engagements humains que la République ne peut pas offrir, elle qui ignore le bien ou le mal. (…) La religion peut apporter cette distinction ».
La République n’aurait donc pas de principes communs à tous les citoyens ! La religion serait donc le fondement de la morale et la garantie de l’ordre social ! En instrumentalisant les religions à des fins politiques, Sarkozy remet en cause non seulement la laïcité, mais aussi la Constitution et la République. »
Nous sommes confrontés à l’exercice de la promotion de la laïcité, du vivre ensemble dans notre ville. Ce n’est pas simple, cela mérite en permanence confrontation entre notre cadre de cohérence théorique et nos pratiques. La pression des fondamentalistes de tout poil, si j’ose dire, ne doive pas à nous pousser à des raidissements qui favoriseraient leur développement.
Je partage l’opinon de MG Buffet dans(MGB Fev 2007) dans La croix
Comment peut-on combattre les tentations communautaristes ?
Si nous vivons ces problèmes de communautarisme et d’intégrisme, ce n’est pas parce que des gens ont pensé qu’il fallait attaquer la laïcité. C’est la société telle qu’elle est qui produit ce repli. Pour défendre la laïcité, il faut donc s’attaquer aux causes et faire en sorte que des hommes et des femmes ne soient plus amenés à chercher dans l’intégrisme la place qu’on leur refuse ailleurs. Reparlons des droits, de l’égalité pour chaque homme et chaque femme quelles que soient sa religion ou sa philosophie. Alors, là, la laïcité s’épanouira.
En ce sens, quand une grande partie de la population de Gennevilliers est de confession musulmane, il me semble normale de soutenir les efforts de la communauté pour se construire par elle-même un lieu de culte décent. Il me semble évident qu’il faut, comme élu de la République, lever les obstacles qui bureaucratiquement empêcheraient cette initiative privée. Comme il me semble normale que les musulmans puissent être enterrés à Gennevilliers avec le carré musulman et que donc la Ville doit réserver un espace à cette fin au même titre qu’elle le fait pour les catholiques et les juifs.
A partir de cette expérience récente : carré musulman, « aide » pour construire la mosquée, fête du ramadam, etc… nous pourrions déjà tirer des enseignements. Notre façon de faire favorise-t-elle l’intégrisme ou pas ? Reculons nous devant l’assaut de religieux, ou notre reconnaissance de ces faits religieux ne favorise –t-elle pas le dialogue, la dignité et en fin de compte le vivre ensemble ?
Je fais parti des élus et des citoyens qui se sont prononcés contre la loi sur le port du voile et pour autant, une société de femmes voilées n’est pas du tout mon projet de société. Je pense que ce combat n’est pas du domaine législatif, mais politique.
Ainsi, je différencie la situation d’une jeune femme de notre ville qui porte le voile après avoir fait un vœu pour la guérison d’un être cher, c’est de l’ordre privé, du sentiment individuel, à ce que connaissent des femmes de nos quartiers ou la pression sociale religieuse s’exerce sur des jeunes filles qui se font traiter de « putes » si elles ne se cachent pas du regard des hommes. Cette pression est pour moi inacceptable.
La liberté de la pratique religieuse, doit s’accompagner du débat politique, voire du combat politique sur la liberté de la femme, son émancipation, son égalité avec l’homme. Il y a des femmes battus de toutes confessions, de toutes origines dans notre ville comme dans notre pays, des violences plus sournoises leurs sont imposées. Il y a là matière à un combat politique en grand qui aura des répercussions positives contre les violences de toutes natures. Qui agiront de fait aussi contre les fondamentalistes qui veulent imposer des comportements aux autres. Ne nous plaçons pas sur un débat religieux qui n’est pas de notre responsabilité. C’est le débat public, sur le champ des libertés et de l’émancipation, qui fera progresser les droits des femmes et en fin de compte reculer l’obscurantisme.
Troisième exemple. Dans notre ville, il y a une demande autour de la viande hallal dans la restauration scolaire. Je ne suis pas pour répondre positivement à cette demande, personne ne l’est dans la majorité car cela installerait le fait religieux au sein des établissements scolaires, engagerait des fonds publics dans le financement de la religion. Par contre, je suis pour que le respect de la pratique individuelle de la religion nous engage à proposer des repas de substitution à la viande pour celles et ceux qui le souhaitent comme il y avait le poisson le vendredi. La question n’est
pas de stigmatiser en demandant qui est ne mange pas de viande pour des raisons religieuses, mais d’installer le choix sans que personne n’ait besoin de se justifier sur ses choix personnels.