L’Humanité du 14 avril 2010 – Jacques Moran.
« La matrice de la création des universités populaires en France, c’est l’affaire Dreyfus. Ça date de 1898. Personne n’a le droit aujourd’hui de s’auto-attribuer le nom » : Denis Rambaud, directeur de l’université populaire du Rhin et président de l’Association des universités populaires de France, a la réponse polie mais ferme aux Désirs d’avenir de Ségolène Royal. Celle-ci avait déposé auprès de l’Institut national de la propriété industrielle le 15 janvier plusieurs appellations : fête de la fraternité, ordre juste et, surtout, université populaire. Patrice Leclerc, un des responsables de l’université populaire des Hauts-de-Seine à Gennevilliers, qui fut un des premiers à réagir, s’est adressé le 30 mars à Mme Royal pour lui demander de retirer le dépôt à l’Inpi. Laquelle a finalement annoncé le 1er avril dernier qu’elle y renonçait. Kamel Chibli, le secrétaire général de Désirs d’avenir, nous a confirmé hier le retrait du nom à l’Inpi. « Depuis plus d’un siècle pour certaines d’entre elles, dix, trente ou quarante ans pour les autres, les universités populaires participent à la vitalité d’un réseau associatif d’éducation des adultes à travers tout le pays », souligne Denis Rambaud, qui appelle les responsables des universités à rester vigilants. Michel Onfray, le fondateur de l’UP de Caen, rappelait, en répondant à Ségolène Royal, la nature de « cette grande aventure collective » exercée par des bénévoles : « On est tous dans le bénévolat, dans la générosité, dans la gratuité. »
Un succès grandissant
Les universités populaires, nées pendant l’affaire Dreyfus, ont connu un renouveau dans les années 1970 et il s’en crée régulièrement de nouvelles. Les relations avec les collectivités territoriales sont très diverses mais le directeur de l’UP du Rhin cite l’exemple de la convention signée avec le conseil régional d’Alsace. Cycles de conférences, débats, entretiens sous toutes les formes, les universités populaires rencontrent un succès grandissant. Plus d’une centaine existe en France, des plus anciennes de la fin du XIXe siècle à Lille, Moulins ou Ruelle, en Charente, aux plus récentes, Bordeaux ou Digne. Aux appellations les plus diverses, l’université des Bistrots dans la Nièvre, les universités interâges, l’université populaire centre du travail de Nancy…, elles rassemblent un public surtout féminin et, insiste Denis Rambaud, plus jeune qu’on ne l’imagine, moins de 20 % des participants étant âgés de plus de soixante ans. Le public des universités populaires manifeste un désir de connaissance, de découverte, de rencontre, dans un esprit de liberté impossible à enfermer dans une structure politique.
Jacques Moran