Dans son dernier essai, Myriam Revault d’Allonnes se demande « pourquoi nous n’aimons pas la démocratie ». A défaut de faire rêver, elle apparaît comme la « forme politique des promesses non-tenues ou intenables ». On s’en détache. Un « processus de dé-démocratisation à l’intérieur même de la démocratie » attisé par le néolibéralisme efface toute référence à un bien commun. Comment ne pas partager ces constats accablants ? A quelques heures du premier tour des élections régionales, sont annoncés des taux record d’abstention. Le désintérêt et l’indifférence sont devenus majoritaires. Un sentiment de désespérance mine la société là où le débat électoral devrait susciter les espoirs et aspirations à transformer le monde dans lequel nous vivons. Se lamenter des polémiques de caniveau auxquelles nous avons assisté est absolument nécessaire. Mais exiger un peu de tenue ne suffit pas. Le mal est plus profond. La crise démocratique n’est pas qu’une crise de ses formes mais également une crise de ses réponses. Le néolibéralisme, la concentration des richesses et des pouvoirs économiques et médiatiques, sapent les fondements mêmes de la démocratie. LEMONDE.FR | 11.03.10 | 18h08 • Mis à jour le 11.03.10 | 18h30
Les agissements du gouvernement et du président de la République pour remettre la main sur l’Ile-de-France, au détriment de tout principe démocratique élémentaire, s’accumulent. Chargé par la loi d’établir un schéma d’aménagement du territoire pour les trente prochaines années, le conseil régional a rédigé un document que le gouvernement s’est refusé à valider. Dans le même temps, Nicolas Sarkozy nomme un secrétaire d’Etat qui rédige un projet contradictoire aux principes définis par ce schéma et crée une Société du Grand Paris qui aura droit de préemption sur presque 50 % du territoire francilien : adieu à la solidarité entre les territoires et au développement durable. Comme le montre Myriam Revault d’Allonnes, la rationalité néolibérale impose la règle du « sujet entrepreneur », au point que Nicolas Sarkozy se félicite de transformer l’Etat en « Etat entreprise ». Il ne suffira donc pas d’un conseil régional démocratiquement élu à gauche pour en faire un territoire libéré des appétits prédateurs, capitalistes et, ou, gouvernementaux, mais la résistance pour transformer l’existant passe par là.
Soyons lucides. Reconstruire un bien commun démocratique ne peut se réduire à la création de quelques instances de concertation et du saupoudrage participatif. Surtout lorsqu’une réforme des collectivités territoriales renforce le mal-démocratique ! La clause de compétence générale risque de disparaître en même temps que l’élection proportionnelle à deux tours qui assure, notamment, la parité dans les hémicycles régionaux. Demain, un peu plus qu’aujourd’hui encore, la vie politique et le débat public seront confisqués par quelques-un-e-s au détriment de toutes celles et tous ceux qui n’ont pas voix au chapitre. Comment imaginer obtenir des politiques plus égalitaires si les modes de scrutin et d’organisation des débats politiques ne le sont pas ? Nous devons au contraire faire surgir une véritable exigence de participation. Tout simplement parce que nous avons besoin de l’immixtion du plus grand nombre dans l’espace public pour contester la rationalité économique du capitalisme et travailler à plus de solidarité et de justice sociale. Seule une véritable mobilisation citoyenne permettant de reprendre l’offensive peut nous autoriser à construire les alternatives économiques, sociales et écologiques exigées par les différentes crises dans lesquelles nous sommes plongés. Aimer la démocratie c’est d’abord la pratiquer pour transformer le monde dans lequel nous vivons.
Claire Villiers est vice-présidente du conseil régional Ile-de-France, chargée de la démocratie régionale.
François Labroille est conseiller régional Ile-de-France, membre de la commission aménagement du territoire.
Ils sont tous les deux candidats sur la liste Ensemble pour des régions à gauche, solidaires, écologiques et citoyennes.