Sans Papiers: un grand écran pour sortir de l’ombre

De Jacques Audiard à Isabelle Adjani, 350 personnalités du cinéma signent un « film manifeste » pour la régularisation des travailleurs sans papiers. Objectif : rendre visible cette lutte qui dure depuis quatre mois. Un film politique, court et efficace.

En trois minutes et trente secondes, On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici ! dresse le portrait d¹une lutte oubliée : celle des 6 000 travailleurs et travailleuses en grève depuis le 12 octobre 2009 pour obtenir une circulaire de régularisation. Le gouvernement et la grande majorité des médias, à l¹exception de l¹Humanité, ignore cette lutte pourtant inédite. Un silence à l¹origine du projet du Collectif des cinéastes pour les sans-papiers (1).

« L¹idée est venue au moment de la galette des rois, raconte Jean-Henri Roger, cinéaste et professeur de cinéma à Paris-VIII. Malgré une présence nombreuse des personnalités sur le piquet de grève de la rue du Regard, nous avons eu douze lignes dans le Monde et cinq dans LibérationŠ » Au début du mois, cinéastes, acteurs, politiques, scientifiques signaient l¹appel « Nous les prenons sous notre protection » (lire l¹Humanité du 18 février ) pour soutenir les grévistes de la rue du Regard menacés d¹évacuation. « L¹idée du film s¹est imposée, raconte le cinéaste Laurent Cantet. En peu de temps, on a réactivé notre réseau. » Celui-ci compte des noms prestigieux du septième art : Isabelle Adjani, Jacques Audiard, Abderrahmane Sissako, Dominique Blanc, Romain Goupil, Cédric Klapisch ou encore Riad Sattouf.

Les plus fidèles étaient déjà là en 1997 pour le film Nous, sans-papiers de France. D¹autres les ont rejoints en 2007 pour Laissez-les grandir ici. Cette fois-ci, ce ne sont pas moins de 350 cinéastes qui ont signé l¹appel en quelques jours. « On voulait faire ce film le plus vite possible, précise le cinéaste Christophe Ruggia. Pour se caler sur les élections régionales et peser sur le débat public afin de sortir les travailleurs sans papiers de l¹ombre dans laquelle ils sont depuis quatre mois. »

Le court métrage, qui sortira le 10 mars dans plus de 500 salles en France, est déjà disponible sur Internet. Face caméra, les grévistes racontent la réalité d¹un système hypocrite : l¹un a rénové l¹Assemblée nationale ; un autre la tour Axa de la Défense ; celle-ci, couturière, travaille pour « Etam, Naf-Naf, CamaïeuŠ » Pas un secteur de l¹économie française qui ne sorte indemne de cette litanie des entreprises embauchant des travailleurs sans papiers. Et en connaissance de cause, précisent les grévistes. Car cette situation permet ensuite aux employeurs de les exploiter sans merci. « Quand tu dis « Hé patron ! ça c¹est de l¹amiante », il te répond : « Si tu travailles pas, vas te faire foutre ». »

Payés une misère, les travailleurs sans papiers ne sont pourtant pas inconnus du ministère des Finances qui encaisse cotisations multiples et impôtsŠ En trois minutes, les cinéastes ont réussi à retranscrire la tristesse, la colère et la détermination de ces hommes et de ces femmes qui se battent beaucoup plus que pour une carte de séjour. Et le cinéaste Michel Andrieu de préciser : dans le contexte « violent du débat sur l¹identité nationale », ce film se veut un « contre-feu indispensable ».

Marie Barbier

On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici ! Film réalisé par le Collectif des cinéastes pour appeler à la régularisation des travailleurs sans papiers en grève et signé par plus de 300 cinéastes. www.collectifdescineastespourlessanspapiers.com

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