Intervention de Nadine Garcia
Le RSA est né d’un constat et d’une conviction partagés : l’accroissement du nombre de travailleurs pauvres (près de 4,6 millions, 7 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté) et la nécessité de proposer des réformes profondes.
Depuis le début de l’année, 60 000 chômeurs de plus, soit 2000 personnes privées d’emplois de plus par jour, notre pays, ses habitants, subissent de plein fouet la crise. La situation s’aggrave.
Nous sommes les premiers à considérer qu’il est urgent de mettre en œuvre des dispositifs d’aide aux millions de travailleurs pauvres et leurs familles car, il faut le rappeler, le travail est dans notre pays un droit de valeur constitutionnelle et qu’à défaut de pouvoir assurer à chacun la jouissance de ce droit, il revient à la nation de fournir aux personnes privées d’emploi des moyens d’existence dignes leur permettant de se loger, se vêtir, se nourrir et de nourrir leur famille. Le revenu de solidarité active aurait pu être un pas dans cette voie mais il a été détourné de son objet pour répondre aux exigences des entreprises en terme de main d’œuvre et de baisse du coût du travail. Enfin, le débat sur le financement aura été éclairant sur la détermination du gouvernement à défendre les intérêts d’une minorité de privilégiés.
Pour les travailleurs pauvres, le RSA ne constituera pas un tournant car il remplace la prime pour l’emploi. Le gouvernement estime que le montant moyen du RSA sera d’une centaine d’euros par foyer par mois, mais une partie de cette somme correspond à l’ancienne PPE, qui subsiste si elle est plus favorable. Donc, si la pauvreté recule, ce sera d’un pas de fourmi.
Ce ne sera pas non plus un tournant pour les personnes privées d’emplois. Le rapport final sur l’évaluation des expérimentations RSA constate que l’on passe d’un pourcentage de retour à l’emploi de 3,1% pour le RMI à 3,38% pour le RSA. On est bien loin des 30% cités par le rapport intermédiaire de septembre 2008 et cette très faible amélioration se réduit comme peau de chagrin ces derniers mois du fait de la crise. Ce qui contredit le postulat tout à fait contestable que le chômage provient uniquement d’une trop faible incitation financière à travailler en évacuant les politiques d’entreprises et leurs suppressions d’emplois, les problèmes de garde d’enfants, de logements.
Par contre, ce dispositif encourage l’emploi sous-payé et les pratiques d’embauche à temps partiel. Il accélère la déréglementation du travail, la précarité, la mise en place d’un statut de travailleur pauvre et la formation du salaire par de l’argent public pour mieux exonérer les employeurs de leur participation à la croissance économique du pays. Le comité d’évaluation note également : le RSA rend « effectivement plus attractif les emplois à temps très partiel », le bilan soulignant une augmentation de 15% des emplois à temps très partiel. On a là un dispositif d’assistance généralisée aux entreprises sur fonds publics. Ce qui devrait faire réfléchir le porte-parole de l’UMP qui se réjouissait le 1er juin en déclarant « Au revoir le RMI et le maintien dans l’assistanat » ce qui est vraiment une insulte à l’égard des populations privées d’emplois par des politiques d’entreprises développant la financiarisation au lieu des investissements productifs. En fait, ce sont les entreprises que l’on assiste dans leur politique d’emploi à temps partiel et de baisse des salaires.
Serge Paugam, directeur d’études à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales, parle de RPA, « régime de précarité assisté ». Pour lui, « on peut craindre que le RSA participe à un mode généralisé de mise au travail des plus pauvres dans les segments les plus dégradés du marché de l’emploi » avec « une institutionnalisation par les pouvoirs publics d’un sous-salariat déguisé ».
Ce dont notre pays a besoin ce n’est pas que vous incitiez les entreprises à proposer des petits boulots tout en contraignant les plus pauvres à les accepter, c’est d’une authentique politique de relance de l’économie, l’interdiction des licenciements, une relance du pouvoir d’achat et des moyens décents pour des politiques d’insertion.
Concernant la mise en œuvre dans notre département, on ne peut pas dire que celle-ci ait été réalisée dans la plus grande concertation. L’assemblée départementale n’est informée et consultée qu’aujourd’hui, le 19 juin, alors que le dispositif est opérationnel depuis le 1er de ce mois et la demande de plusieurs maires du département d’être consultés est restée sans réponse.
Lors de la dernière séance, vous aviez annoncé un rapport complémentaire à celui sur le PDI-RE. Celui que vous nous présentez aujourd’hui ne traite que d’un aspect, les conventions à mettre en place avec la CAF, la MSA, le Pôle emploi, l’Etat.
Plusieurs remarques sur celles-ci : vous annoncez qu’une charte d’engagement de qualité de service sera signée en juin, elle n’est pas jointe au rapport, pouvez-vous nous la communiquer pendant la séance ?
Concernant les critères d’orientation, vous indiquez que vous voulez recentrer les espaces-insertion sur les situations les plus complexes, allez-vous modifier les critères de financement de ces espaces pour tenir compte de cette nouvelle orientation ?
Concernant la composition des équipes pluridisciplinaires, vous n’indiquez pas de représentants des CCAS et des espaces-insertion, nous vous demandons de les ajouter.
Le rapport n’annonce rien de nouveau ni en matière d’activité spécifique du département pour réussir l’insertion des allocataires du RSA, ni en matière budgétaire.
Visiblement vous confirmez que le budget pour le plan départemental d’insertion est reconduit à l’identique : 24 millions d’euros alors que le nombre d’allocataires va tripler.
J’ai rencontré cette semaine de nombreux responsables d’associations travaillant dans le domaine de l’insertion. Tous s’inquiètent d’une diminution importante de subventions qui vient de leur être notifiée.