Pierre Zarka. Communiste unitaire.
La crise actuelle peut être considérée une chance à saisir. La cohérence du système est mise à nue. Mais aussi, cela fait apparaître combien des mouvements parcellaires aussi justifiés soient-ils ne peuvent que s’échouer sur l’absence de politique alternative et qu’on ne peut se limiter à combattre les effets sans aller aux causes.
Les dominés et exploités vont-ils être capables de se constituer à partir de réalités et d’approches composites, en mouvement politique comme on utilise l’expression mouvement social ?
Bien sûr cela suppose de converger et de faire ressortir le plus large dénominateur commun. Mais ce dénominateur ne nous est pas donné, il est à construire. L’addition des mouvements ne fait pas un mouvement d’ensemble. L’addition de propositions ne rend pas crédibles les conditions de leur mise en œuvre. Où sont les causes communes de nos problèmes ? Où sont les ruptures à effectuer ? Les mouvements doivent-ils ou non se fixer pour objectifs d’arracher les pouvoirs jusqu’à présent réservé aux institutions ? Ce n’est pas une question abstraite : au moment où tant de commentateur invoquent le renflouement de « l’économie réelle » que fait-on ? On demande le retour à davantage d’Etat ? Confondant ce dernier avec démocratie ? Mais c’est cette confusion qui a favorisé les privatisations et l’esprit de délégation. L’expérience des choix des banques et de l’utilisation de l’argent public pose cette question. Que fait-on face à la bulle financière? On demande aux exploiteurs de revenir au Keynésianisme et de nous exploiter davantage pour la dégonfler ? C’est sur de telles questions que les mouvements sociaux viennent finalement s’échouer….ou que Sarkozy est élu.
L’urgence est de concevoir des repères au-delà du capitalisme ; non pas pour tout définir à l’avance mais pour faire toucher du doigt qu’il peut y avoir un autre avenir. Là réside la perspective qui transforme la multiplicité des situations et des approches en force unifiée.
Ce qui fait l’écho de l’Appel de Politis ne se résume pas à la seule convergence des uns vers les autres. Bien évidemment, pour certains d’entre nous, l’idée d’un Front face aux menées des forces du capital est aujourd’hui leur point d’aboutissement. Et c’est respectable ; je veux dire que la différence de choix et de rythme à propos de la constitution d’une force ne peut être un sujet de discorde. Notre espace pour être au plus près de la réalité doit faire la place à la diversité des investissements et des projets politiques. Personne ne peut entraîner qui que ce soit là où il n’a pas envie d’aller et personne ne peut freiner qui que ce soit d’entreprendre ce qui lui semble nécessaire. En ce qui me concerne, je pense que le franchissement vers une organisation politique est une urgence. Je comprends qu’on ne partage pas mon point de vue mais je veux dire mon état d’esprit. Si l’expérience du passage du social au politique ne se fait pas au moment où la crise est aigüe, je redoute que l’expérience collective qui en découle est qu’un tel passage n’est pas possible.
Or, ce passage au politique ne peut se faire sans rompre avec la dichotomie actuelle mouvements/ politique institutionnelle ou la dichotomie urgence et politique. Et à chaque échéance fondamentale, les frontières actuelles des organisations et partis séparent et éparpillent les forces collectives mais aussi individuelles qui composent la radicalité. La mésaventure de la présidentielle peut se renouveler. Il n’est même pas exclu que des partis institués ou morceaux de partis bougent, évoquent Die Linke, mais pour se réorganiser en prolongeant cette dichotomie. Le temps que les gens dont la plupart ne sont dans aucune structure, mesurent que c’est une impasse et la construction d’une force alternative sera encore plus difficile. C’est pourquoi à la fois, nous souhaitons la participation des partis qui se réclament de la transformation démocratique, mais nous ne pouvons pas attendre leur bon vouloir.
Il n’y aura pas de production de politique sans organisation qui corresponde à ce que doivent être ses auteurs. Cette organisation ne doit exclure personne, ni des forces actuellement instituées, ni des tentatives récentes ni des individualités susceptibles d’y contribuer. Cela implique donc un processus dans la durée. Mais justement la durée nécessaire pose la question de l’immédiateté du démarrage. Il est de la responsabilité de celles et ceux qui sont prêts à y travailler, non pas de définir à eux seuls ce qui doit être mais de donner le signal de l’ouverture du chantier. L’expérience de l’Appel de Politis montre que l’initiative fait force d’impulsion et d’attraction. Personne ne doit par la suite être considéré comme un retardataire, personne ne pourra se réclamer d’un droit d’ancienneté, mais créer les conditions de l’ouverture d’un processus de construction passe par un démarrage qui n’attende pas que, ne voyant rien venir, les forces disponibles s’étiolent.