SEANCE DU CONSEIL GENERAL DU 20 decembre 2007 RAPPORT N° 07.391 Reseau departemental de communication électronique a tres haut debit pour le departement des hauts-de-Seine
Intervention de Patrice leclerc
Monsieur le Président Devedjian,
Chers collègues,
En préambule, Monsieur le Président, je dois avouer que je ne comprends pas votre entêtement sur ce dossier, qui est certes un héritage du Président précédent, mais que vous n’êtes pas obligé de poursuivre.
Je regrette que vous n’ayez pas cru bon de réunir le groupe de travail constitué sur ce dossier. Notre collègue Jean-Jacques Guillet, président du groupe UMP, de la SEM coopération et de notre groupe de travail sur le très Haut Débit, m’a signifié hier en commission que cela n’était juridiquement pas possible au moment du choix du délégataire. Ce que je veux bien croire. Mais pourquoi ne pas nous réunir dans la foulée, pour nous communiquer toutes les pièces du dossier. Vous vous en tenez au délai strictement minimum et règlementaire de quinze jours pour nous faire parvenir un dossier de plusieurs centaines de pages. Le temps de travailler dessus et nous nous apercevons qu’il nous manque des éléments comme les courriers des candidats non retenus ou expliquant leur choix d’abandonner. Il nous manquait la lettre du 12 novembre 2007 dans laquelle le candiat Axione/ETDE a demandé un délai supplémentaire.
intervention du 21 décembre 2007 sur le très haut débit 57.00 Kb
Avec mes collègues Guy Janvier, Vincent Gazeille, que vous n’avez donc pas jugé utile de réunir en groupe de travail, nous vous avons donc écrit récemment pour vous demander ces pièces supplémentaires. Nous les obtenons en séance, la commission tenue un jour avant notre séance n’étant semble-t-il pas destinée à répondre à nos interrogations… On peut dire que vous ne faites pas de zéle en matière d’association de l’opposition au travail sur les dossiers.
Un des premiers arguments développé par votre majorité, est que « les Hauts-de-Seine doivent s’inscrire dans la guerre économique internationale, la concurrence avec de grandes villes japonaises, américaines, européenne… et que cela sera un atout important en termes d’attractivité économique (…). Outre le fait que je ne m’inscris pas dans ce processus de guerre économique, de concurrence internationale, mais que je préférerai que notre département s’inscrive dans un processus de coopérations internationales, de co-développement, l’argument de l’attractivité économique n’est pas sérieux ! Les Hauts-de-Seine, ce n’est pas la Lozère et je ne crois pas qu’il y ait un seul grand groupe qui vous ait signifié son refus de s’installer dans notre département parce qu’il ne pouvait pas avoir accès au très Haut débit, ni aucun groupe qui se soit délocalisé à cause de cela !
Le deuxième argument que vous employez, comme pour vous dédouaner en venant sur le terrain de la gauche, c’est que vous voulez remplir une mission de service public, garantir l’accès au très haut débit sur tout le territoire parce que le privé ne le voudrait pas. Cet argument du service public serait à prendre au sérieux si par ailleurs vous agissiez avec nous contre les fermetures de services publics de proximité comme la poste, les trésoreries, les centres de sécu, … Si vous n’approuviez pas ce gouvernement qui fait de l’austérité budgétaire à l’égard des services publics un outil de financement de ces cadeaux fiscaux aux grandes fortunes. Je ne vous cache pas que j’ai beaucoup de mal à vous prendre au sérieux sur votre volonté de développer un service public !
A la lecture des documents transmis au premier envoi, nous avions le sentiment d’un dossier inachevé, clôturé à la va-vite pour délibérer à tout prix en 2007… Le projet que vous soumettez à notre Assemblée est très important puisqu’il porte sur un montant d’investissement de 422 M€ dont une subvention sollicitée auprès du Conseil général de 59 M€. Votre majorité se félicite d’une belle négociation. L’effet est là si l’on compare à une annonce de 70 m
illions maximum de subventions. Il en est tout autre si l’on se rappelle que nous sommes passés d’une proposition à 25 millions d’euros en juillet 2005 à une fourchette d’autorisation de programme entre 25 et 70 millions d’euros en 2006. Nous étions très critiques à 25 millions, convenez de notre cohérence avec notre opposition quand la somme est multipliée par trois. Pour permettre à chacun de mesurer l’importance de l’engagement financier, un collège avec un gymnase coûte environ 20 millions d’euros. Nous pourrions donc en faire 3 ou utiliser cet argent pour compenser la surcharge foncière afin de favoriser la construction de logements sociaux qui manque tant dans notre département. Bref il s’agit d’une belle somme, dont nous sommes comptables. Il s’agit de l’argent des contribuables, de choix d’utilisation des fonds publics.
Nous ne faisons pas les mêmes que vous pour plusieurs raisons :
> 1ère raison : Le choix de Numéricable est une prime à la médiocrité.
En 2007, Numéricable a montré qu’elle n’est pas une société crédible pour les consommateurs. C’est la seule société qui, en France, a été mise sous le contrôle de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation, et de la Répression des Fraudes " DGCCRF". Du jamais vu ! Des clients mécontents, abusés, ont été obligés de se mobiliser pour qu’enfin la société daigne leur répondre, rembourse leur dépôt de garantie, assure la continuité et la qualité d’un service devenu essentiel : téléphone, internet, télévision. A un tel point que l’assemblée générale l’Avica, l’association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel, et qui n’est pas une officine bolchévique Monsieur le Président, a voté une motion le 27 mars dernier mettant en garde l’opérateur du câble Noos/Numéricable/Est Vidéocom.
Les maires mécontents de cette société dans notre département, vont la choisir aujourd’hui avec une casquette de conseiller général. Je dis bravo, il n’y a pas de raison que cette entreprise prenne à l’avenir plus d’égard pour ses clients !
Notre assemblée se prononce régulièrement pour le développement durable. Une fois de plus, votre majorité, par son choix va oublier le coté social du développement durable. En effet, Numéricable est devenue l’unique câblo-opérateur français, à force de rachats successifs, a fortement licencié (les deux tiers de ses effectifs) et a externalisé ses centres d’appels à l’étranger ! Le journal « Les Echos », titrait le 11 janvier 2007 à propos de cette société : « les salariés ont payé le prix fort des restructurations ». Je me permets de citer un passage de cet article « En revanche, pour le tandem Cinven-Altice, le choix est clair : il faut se concentrer sur le recrutement de clients. Tout le reste peut être confié à des prestataires ». (…) pour conclure « il ne sert à rien de dépenser des fortunes pour recruter des clients si on les perd faute de la suivre de façon satisfaisante. » La "profitabilité" est bien au rendez-vous au détriment du salarié, du client. Dans ces conditions vouloir rajouter la notion de « service public » tient de la mauvaise blague.
> 2ème raison : Aucune garantie n’est apportée dans le dossier permettant d’assurer à notre Assemblée que les sociétés du groupement proposé par l’exécutif peuvent assurer la continuité d’un service public local.
Le capital de Numéricable est recomposé depuis ce jeudi 20 décembre avec l’entrée d’un deuxième fonds d’investissement, d’origine anglo-saxonne, Carlyle. L’actionnaire majoritaire de N9uf Cegetel, SFR (société ayant elle-même deux actionnaires de référence : Vodafone et Vivendi) achète (c’et officiel depuis jeudi) la part du deuxième actionnaire (le groupe Robert Louis-Dreyfus) qui assure actuellement le management de l’entreprise. Quant à Eiffage, le Gouvernement que vous soutenez, demande à la Caisse des Dépôts et Consignations, actionnaire de référence d’Eiffage, de se retir
er de ce type d’investissement. Quelles vont être les exigences de ces restructurations capitalistiques ? Plus de rentabilité au détriment de la qualité du service, des effectifs et des salaires et plus de recherche de fonds publics là où ces sociétés sont en contrat avec des entités publiques ? On peut s’interroger si l’annonce si précipitée du choix du Conseil général relayée dans la presse avant même que notre Assemblée ait délibéré, ne visait pas à valoriser encore davantage ces sociétés au moment où elles changent d’actionnaires.
> 3ème raison : Votre projet de réseau public départemental est assis sur du sable !
En effet, Numéricable exploite déjà aujourd’hui un réseau sur 34 communes des Hauts-de-Seine mais il n’est pas propriétaire des fourreaux. Pour les villes du plan câble (Adetel ou ex Lyonnaise Communications) soit 29 villes, c’est France Télécom qui est propriétaire. Numéricable bénéficie de contrats de longue durée qui viennent à échéance en 2019 ou 2024. Numéricable, à son tour, va faire un contrat de longue durée à la société délégataire du Conseil général mais jusqu’à quelle date ?
Et la notion de biens de retour dans une concession, essentielle pour la continuité de service, n’est pas totale. Dans le contrat il n’y a même pas une liste minimum de biens de retour !
Quant aux cinq autres villes (Colombes, Bagneux, Châtenay-Malabry, Le Plessis-Robinson, Malakoff), ce sont les collectivités, soit directement soit par le biais du Sipperec, qui sont propriétaires du réseau exploité par Numéricable dans le cadre d’une concession de service public. Comment Numéricable peut-il signer un contrat de longue durée avec la future société délégataire du Conseil général pour des réseaux dont il n’est pas propriétaire alors que les conditions économiques n’ont pu être déterminées préalablement et ne sont pas inscrites dans le projet de contrat que vous proposez.
En résumé, l’argent du contribuable va aller à un réseau privé qui ne sera jamais dans sa totalité propriété du Conseil général. Vous voulez éviter un réseau en peau de léopard, mais c’est d’un réseau en peau de Léopard que le département récupérera en fin de contrat. Nous en ferons quoi ?
La forme juridique de la concession et d’un service public local n’est qu’un paravent pour justifier une subvention publique. D’autant que Numéricable est la société qui récuse le principe des biens de retour et la propriété publique des concessions. Je vous invite à lire la contribution de Numéricable à la consultation (octobre – novembre 2007) récente de l’Arcep. Numéricable explique que les réseaux câblés dont Numéricable est délégataire ne sont pas propriétés de la collectivité locale, concédante mais sont sa propriété en tant que société qui a investi. La Gazette titrait le 21 mai 2007 : réseaux câblés : l’opérateur Noos Numéricable refuse toute concession ». Le journal « les Echos » notait le 14 aout 2007 : « Fin juillet, le gendarme des télécoms, l’Arcep, a publié un rapport penchant largement en faveur des collectivités. A la grande fureur de Numéricable, qui déplore que l’objectif que semble vouloir poursuivre l’Arcep est de favoriser l’attribution de réseaux aux collectivités ».
Nous sommes invités à signer un contrat de concession avec une société qui récuse le principe de la concession et qui a même engagé des contentieux avec des villes ayant des réseaux câblés, pour en revendiquer la propriété !!! C’est sur que vous nous proposer de travailler avec un ardent défenseur du bien public et du service public !
> 4ème raison : La subvention publique est un cadeau à une entreprise privée donnée sans garanties suffisantes.
La subvention ne se justifie pas. Les comptes d’exploitation semblent avoir été calculés après coup pour justifier une subvention, certes avec une baisse de 11 M€ par rapport à celle annoncée initialement mais malgré tout d’un montant de 59 M€ soit 3 collèges je le rappelle.
Vous n’avez jamais réellement travaillé, malgré nos demandes répétées, avec nos collègues Vincent Gazeille et Guy Janvier, pour qu’il n’y ait pas de subvention ?
Sur l’investissement lui-même, pourquoi faut-il faire du génie civil aussi important à Nanterre et Gennevilliers ?
Vous n’avez pas étudié de façon systématique la récupération des fourreaux existants, ni les solutions de génie civil allégé. Le dossier ne contient aucun plan de déploiement précis ville par ville, quartier par quartier.
Vous n’avez pas étudié la cohérence des réseaux d’initiative publique, à Nanterre notamment avec la société OPALYS, pourtant filiale du groupe LD Collectivités et titulaire d’un contrat à l’initiative du Sipperec pour le déploiement d’un réseau fibre optique à l’habitant. Pourquoi cette concurrence des réseaux d’initiative publique que le législateur a voulu éviter ?
Sur l’exploitation elle-même, les tarifs proposés pour les utilisateurs, à savoir les opérateurs, ne sont-il pas trop bas ? Ces tarifs ne favorisent-ils pas de fait les premiers opérateurs clients de ce réseau, à savoir N9uf Cegetel et Numéricable ? En effet, le Conseil général va subventionner un projet réalisé, exploité par le groupement Numéricable/Eiffage/LD Collectivités mais dont les sociétés-mères (Numéricable et N9uf Cegetel) vont être les premiers clients et donc les principaux bénéficiaires.
D’autant que votre projet, dans sa dimension physique tant pour les nœuds de raccordement optique que pour la capacité en fibre ne permet d’accueillir qu’un nombre très limité d’opérateurs, en l’occurrence Numéricable, N9uf Cegetel et Free. Vous arguer d’un projet qui va permettre de faire jouer la concurrence, il va au contraire la limiter de fait et avec de l’argent public en plus. France Télécom étant maître de son réseau par ailleurs, votre projet ne permet pas l’arrivée d’autres ou de nouveaux opérateurs mais conforte l’oligopole existant dans les télécommunications.
Au final, il n’y aura ni service public que les communistes soutiennent, ni la "concurrence libre et non faussée" du traité européen que vous soutenez. Votre groupe de l’UMP doit se perdre idéologiquement dans les méandres de l’ouverture !!!
Plus sérieusement, la justification de la subvention publique, au nom de compensation de charges de service public, n’est pas établie. Vous parlez certes de zones bénéficiaires et de zones déficitaires, mais vous ne les déterminez pas territorialement sur la base d’études physiques et économiques. De ce point de vue, votre dossier est particulièrement vide et insuffisant.
En fait, il faut appeler "un chat un chat". Vous faites un cadeau de 59 M€ à la société privée Numéricable pour rénover son réseau. Réseau qu’elle a commencé à rénover ou qu’elle devra rénover pour être aux normes technologiques d’aujourd’hui, alors que ces travaux doivent être pris en charge par les actionnaires pr
ivés de la société, vu les valorisations successives de cette entreprise au fur et à mesure des changements d’actionnaires qu’elle a connus depuis 10 ans.
> 5ème raison : Un autre projet est toujours possible.
Vous êtes sur ce dossier depuis 2004 et rien n’est encore fait et il faudra encore attendre l’avis de la Commission européenne qui ne vous est pas acquis d’avance. Que de retards accumulés et d’argent déjà dépensé pour toutes ces études et dont vous n’annoncez pas les montants déjà consommés. C’est en fait beaucoup plus que 59 millions d’euros que coute aux contribuables cette aventure. Et pourtant en 2004, un contrat pour la desserte des collèges en haut débit avec IRISE était signé par le Conseil général et vous ne l’avez pas honoré. A partir de ce réseau des collèges, quel travail aurait déjà pu être réalisé pour favoriser la desserte des immeubles et des zones d’activités. Mais il n’est pas trop tard à condition d’asseoir la stratégie du Conseil général sur des bases solides.
1°- Le réseau exploité par France Télécom : Les fourreaux exploités depuis 1996 par France Télécom sont propriété des communes mais France Télécom ne les restitue pas. Les spécialistes disent que dans un territoire urbanisé, c’est environ 20% des fourreaux existants. La loi -et les parlementaires dans cette salle pourraient jouer un role- doit obliger France Télécom à déclarer l’occupation de ses fourreaux. C’est une vieille demande jamais mise en application.
2°- Pour le haut débit, comme cela a été fait sur le fil de cuivre de France Télécom avec le dégroupage, il faut que le réseau fibre optique de France Télécom soit ouvert à tous les opérateurs. C’est techniquement possible et c’est la solution économique que d’aller en fibre optique jusqu’aux sous-répartiteurs de France Télécom.
3°- Il y a d’autres réseaux d’initiative publique sur le territoire, notamment à l’initiative du Sipperec, réalisés ou en cours de déploiement sans subvention publique. Nous sommes sur un territoire dense avec un fort potentiel économique. Pourquoi ne pas rechercher la cohérence des réseaux d’initiative publique avec la volonté de limiter les dépenses publiques en s’appuyant d’abord sur la satisfaction de la commande publique.
4°- L’engagement financier du Conseil général n’est pas justifié d’autant que le contrat proposé ne garantit pas que le projet sera réalisé dans sa totalité ou/et que des compléments de subvention publique ne seront pas demandés. De ce point de vue, l’encadrement du versement de la subvention sur la base des réalisations effectives est particulièrement faible.
De plus, notre Assemblée risque d’être dessaisie de tout contrôle. En effet, il faut se reporter à l’article 1 du projet de contrat dans les définitions.
Deux définitions méritent qu’on s’y arrête :
– "Autorité Délégante : désigne le Président du Conseil Géné
ral des Hauts-de-Seine ou la personne à laquelle il a donné délégation aux fins des présentes ; …"
– "Délégant : désigne le Conseil général des Hauts-de-Seine en tant qu’organe compétent". Si on comprend bien ces définitions, les principales décisions notamment les plans de déploiement seront prises par le Président du Conseil général et non par l’Assemblée. Le contrat dans sa forme est un déni de démocratie pour notre Assemblée. >
Conclusion : Depuis le début de ce dossier, vous n’avez par pris le bon chemin. Vous persistez dans l’erreur. Il est encore temps de vous ressaisir. A moins que convaincu vous-même que vous avez un mauvais dossier mais ne voulant pas l’assumer, vous alliez le présenter à la Commission européenne pour qu’elle vous recale.
Pour notre part, soucieux des contribuables des Hauts-de-Seine, nous agirons contre la dilapidation de l’argent public au bénéfice d’entreprises privées sans contrepartie réelle pour notre département.