Une contribution à la préparation de la conférence nationale de Juin 2002 parue dans l’Humanité du 5 juin 2002 « faisons un enfant »
Ensemble, faisons un enfant ! La conférence nationale devrait proposer aux communistes de faire un enfant : créer une nouvelle force politique dans la filiation du Parti communiste français et ouverte sur d’autres. C’est à dire engager le débat sur la décision de travailler sur trois fronts à la fois : un projet transformation de la société (projet communiste), créer une nouvelle force politique dans la filiation du PCF, une stratégie adaptée a ce projet. Bref, de la même façon que les bolcheviques avait décidé de créer une force politique nouvelle pour faire la révolution, il nous faut décider maintenant de faire de même pour répondre aux défis nouveaux qui nous sont posés pour transformer cette société : promouvoir du communisme en acte.
Il faut tirer les leçons de l’expérience. Dans aucun pays la forme bolchevique des partis communiste n’a réussi à se réformer, à muter, à changer. Les électeurs, les mouvements sociaux finissent par les ignorer. La pente descendante de leur influence, malgré de rares soubresauts, semble inexorable. Comme secrétaire fédéral j’ai la prétention de bien connaître le parti. Ma conclusion, c’est que le PCF n’est pas réformable, pas mutable. Et ce n’est pas qu’une responsabilité de dirigeants, même si nous en avons beaucoup dans le registre des occasions manquées, de l’insuffisance de travail (théorique). Nous pourrions reprendre à notre compte ce passage du document de congrès de Rifondazione comunista « Quelque pas ont été faits et quelques gestes courageux ont été accomplis (…) Mais ils nous ont menés à rencontrer ceux qui, tout comme le mouvement, exigent qu’un progrès significatif ait lieu, qui demandent que l’on n’innove pas par à-coups mais que l’innovation soit érigée en système, et qu’une lutte ouverte soit entamée contre les vices et les comportements conservateurs qui dissuadent ceux qui, autrement, seraient intéressés par notre recherche » (…) « Il faut innover radicalement, même sur le terrain des cultures politiques et organisationnelles et des comportements ».
Il faut un communisme en acte du XXIème siècle. Notre projet pour transformer la société, celui que nous voulons donner à voir, et à construire, à coélaborer, ne peut pas être le même qu’avant avec « un peu plus de » (écologie, place de la personne, etc…) et un peu moins de …. (centralisme, étatisme, etc…). Il doit être ! La reconstruction de ce projet d’émancipation humaine, de dépassement du capitalisme, d’appropriation sociale, de partage des pouvoirs et des savoirs, doit aussi être capable de tirer les enseignements d’expériences, d‘histoires et de cultures différentes de celle de la tradition du PCF et se les approprier. Ce projet doit être l’horizon qui permet d’agir au quotidien, donner force et épaisseur à l’action de proximité, cohérence à nos actes. Il donne envie d’agir, de s’investir, d’espérer à ces millions de salariés (au travail ou sans travail), de producteurs et de créateurs qui ont objectivement intérêt à changer cette société, changer ce monde : encore faut-il qu’on donne à en voir le sens et le possible. A la fois idéal et « concrétal » communiste décrit ainsi par Jean-Paul Salgue dans une contribution : « de gratuité (logement, transport…), de sécurité d’emploi formation, de pole financier public, de solidarité internationale » et je rajouterai de respect des personnes et de la nature.
Il faut une force politique utile, maintenant. Ce nouveau projet et ce nouveau parti (et je n’exclue pas un fonctionnement en tendance pour pouvoir intégrer à égalité d’autres courant de penser que ceux issues du PCF) doivent permettre à ce parti de participer à un gouvernement social démocrate tout en continuant à faire avancer ces idées, à construire des majorités d’idées autour d’idées révolutionnaires. C’est un refus d’une politique du pire en laissant le champ à la droite ou à une alliance social démocrate/ droite que nous devons agir. Participer, sans se lier les mains, sans se taire, ni avoir un double jeu : mais être tout simplement nous-mêmes en disant se que nous avons à dire, en valorisant une activité permettant de gagner de « petites choses » ou d’empêcher des aggravations, sans en faire l’horizon indépassable des communistes, mais aussi en sachant nommer du communisme concret appelant d’autres dépassements. Créons cette force politique qui participe aux instituions et qui veut les changer, qui participent à tous les lieux de pouvoirs tout en visant a changer radicalement l’ordre des choses existantes. Une force rebelle et constructive. Créons cette force qui se donne aussi pour ambition de créer une Vème internationale ouverte à toutes les forces par le monde qui agissent pour dépasser le capitalisme, émanciper l’être humain, protéger et promouvoir la personne et la nature, qui agissent pour une autre mondialisation.
Tout cela est certainement incomplet. C’est à débattre. Je suis prêt à changer d’opinion sur bien des points. Mais il me semble incontournable que nous fassions maintenant preuve d’audace. L’audace de faire autre chose car le Parti communiste français, comme les autres parti communistes de part le monde est au bout de sa course. L’audace de ne pas tout perdre, car sans le patrimoine militant, le dévouement, les capacités humaine et la présence de proximité du parti communiste français, rien de neuf ne pourra se créer (tout de suite mais dans 10 ans si !). C’est pour cela qu’il faut une filiation, qu’il faut que nous décidions ensemble et majoritairement de faire un enfant. Nous devons aussi nous ouvrir à d’autres de la mouvance écologiste, révolutionnaire, ou du mouvement sociale, mais aussi de nombreux jeunes sans cartes car nous n’avons pas en nous-mêmes toutes les ressources et nous avons un besoin express de sang neuf. Nous avons besoin d’une nouvelle structure « pour nous sortir du moule bolchevique », pour donner toute sa puissance à un nouveau projet révolutionnaire. L’essentiel est de contribuer à changer la société, changer
le monde. Ayons cette lucidité et cette audace là. Faisons un enfant !
Patrice Leclerc
Secrétaire de la Fédération des Hauts-de-Seine.