Nous approchons du moment où il conviendra de s’arrêter sur un nom pour la présidentielle de 2007. La gauche antilibérale peut réussir son pari. Mais rien n’est sûr. D’un côté, l’enthousiasme est intact chez celles et ceux qui veulent renouer en 2007 avec la dynamique qui avait fait le succès de la bataille référendaire en 2005. Les meetings communs exaltent la joie d’être ensemble, l’espoir que l’on gagne enfin. Mais, de l’autre côté, l’angoisse monte devant l’éventualité que l’on n’y parvienne pas. La LCR se tient à l’écart depuis des mois. José Bové vient de retirer sa candidature. Les socialistes du Non, que le triomphe de Ségolène Royal a déçus, restent dans l’expectative tant que la dynamique ne se sera pas enclenchée.
Si la chance de réussir demeure, elle réside désormais, pour une large part, dans l’initiative du Parti communiste français. Il est la force organisée la plus nombreuse du rassemblement ; ce qu’il décidera pèsera lourd. Les communistes ont proposé aux collectifs antilibéraux la candidature de leur secrétaire nationale, Marie-George Buffet. Ils ont de solides arguments pour le faire. Ajoutons : ils auraient les moyens numériques de l’imposer. Mais le rassemblement n’est pas la guerre…
Les 9 et 10 décembre prochains, nous mesurerons globalement l’impact de notre offre politique lors de la réunion nationale des collectifs. Ne faisons pas, toutefois, comme si nous n’avions pas, déjà, des indications solides sur ce qui est en train de se passer.
Tout ne se déroule certes pas de la même manière dans tous les collectifs, mais le même phénomène s’observe dans de très nombreux endroits, de façon assez massive pour que l’on ne puisse pas l’ignorer. Souvent, très souvent même, il nous est objecté que la figure la plus emblématique d’une organisation ne peut permettre d’identifier la totalité d’un rassemblement qui est par nature pluriel, dans ses pratiques comme dans ses sensibilités. Pourquoi s’en offusquer ? Nous travaillons avec des minoritaires de la LCR, des Verts et du Parti socialiste. On peut entendre, sans y voir le reflet d’un anticommunisme conscient ou la marque d’un mépris des partis en général, qu’ils peuvent difficilement soutenir cette candidature, au risque de se couper de ceux-là même qu’ils entendent encore attirer du bon côté. Le mouvement que nous cherchons à déployer est complexe, divers, à la fois fort et fragile. C’est la raison pour laquelle nous avons écarté, pour désigner une ou un candidat, le principe majoritaire (celui des « primaires » par exemple). Nous disons que la seule méthode possible est celle du consensus, dans les collectifs et entre les organisations composantes. Le consensus, ce n’est ni l’unanimité, ni la majorité. Il n’y a pas consensus si une personnalité attire du monde mais si elle en écarte aussi beaucoup. Que cela nous fasse plaisir ou non, que nous trouvions cela juste ou non, c’est le cas pour notre proposition de candidature. Cela n’enlève rien à notre place dans le mouvement, mais c’est un fait.
Or n’oublions pas l’enjeu. Face au rouleau compresseur du bipartisme et du vote utile, les antilibéraux ne peuvent marquer des points que s’ils se rassemblent dans un arc de forces le plus près possible de celui qu’ont montré les tribunes du 29 mai. Dans ce cadre, tout ce qui provoque du refus, tout ce qui met à l’écart est contraire à l’objectif juste que nous nous fixons : participer à l’élection non pour témoigner mais pour gagner ; non pour jouer à la marge mais pour agir au centre du dispositif politique réel ; non pour attirer une petite partie de la gauche mais pour être majoritaire à gauche.
Nous avons fait une offre ; elle a été prise au sérieux, à la mesure de ce que nous sommes. Mais il ne faut avoir aucune amertume de ce que l’on perçoit désormais : la candidature proposée par les militants communiste, quelle que soit sa qualité, quelle que soit la forces de arguments énoncés, n’est pas à même de réaliser le consensus qui seul peut conduire le rassemblement le plus large possible au succès. Si nous la maintenions à l’issue du processus, nous courrions le risque que, malgré nous, cette candidature soit perçue comme celle du seul Parti communiste français. Beaucoup de celles et ceux que nous avons côtoyés dans les batailles récentes en seraient déçus. Et, à l’arrivée, en 2007 comme en 2008, nous pourrions en payer durement le prix, de façon hélas irrémédiable.
Depuis deux ans, le PCF a acquis une estime nouvelle dans le champ de l’antilibéralisme militant. Il ne faut pas la dilapider.
Pour ce qui me concerne, j’estime donc que le plus raisonnable est de se préparer à créer, après la réunion des 9 et 10 décembre – je dis bien : après cette réunion –, les conditions d’une solution alternative à celle que nous proposons. Deux cas de figure seraient catastrophiques pour la dynamique du mouvement tout entier : si nous imposions par la force du nombre la candidature de Marie-George ; si s’imposait un nom qui, d’une façon ou d’une autre, apparaîtrait comme un camouflet pour les militants communistes.
Nous devrons donc, par notre propre mouvement, favoriser l’émergence d’une candidature qui, recevable par le plus grand nombre de sensibilités antilibérales, serait en même temps parfaitement compatible avec nos valeurs et notre projet. Une candidature qui exprime tout à la fois le désir de rupture et la volonté de ne pas jouer la marge, le sens de la radicalité et l’envie de s’impliquer dans la réalisation concrète de notre programme. Une candidature qui dise de façon immédiate la jonction que nous appelons de nos vœux entre la dynamique sociale et la construction politique. Une c
andidature qui, de façon visible, incarne la volonté de novation que l’on ne peut pas laisser en monopole aux tenants du libéralisme autoritaire et du social-libéralisme.
Si émerge ainsi une candidature innovante qui, sans être celle de notre secrétaire nationale, serait pleinement la nôtre, alors notre place dans le combat commun sera assurée. Et nous en recueillerons les fruits, dès 2007 aux législatives et plus encore en 2008.
Roger Martelli