Intervention de Michel LAUBIER
sur le projet de budget 2006
Monsieur le Président, cher(e)s collègues,
Nous abordons cette séance budgétaire dans une situation générale particulièrement agitée.
Il y a un mois, déjà, lors du débat d’orientations budgétaires, j’avais insisté sur cette crise majeure traversée par la société française ; une crise que je qualifiais de :
· « politique », depuis le référendum du 29 mai, et le rejet par la majorité des Français de la politique capitaliste et libérale préconisée par Bruxelles
· «une crise économique », avec ce constat que nous pouvons faire chaque jour du creusement de la fracture sociale entre les plus riches (toujours plus riches), et les plus pauvres (toujours plus démunis et surtout toujours plus nombreux) : la superbe santé de la Bourse, et des entreprises du CAC 40, vient souligner avec arrogance cette indécence économique.
· 3ème point enfin, « une crise de civilisation » et une crise sociale, car nous avons tous présent, aujourd’hui encore, le cri de révolte des jeunes de nos cités populaires de l’automne dernier.
Depuis lors, les évènements se sont encore précipités avec la colère populaire exprimée dans le contrat première embauche, dans un mouvement associant à la fois les étudiants, les lycéens et les salariés.
Il s’agit d’un très sérieux coup de semonce pour le gouvernement, qui fait la preuve dans sa façon de traiter le problème, d’une désinvolture et d’une suffisance rares ; j’en profite pour redire ici la détermination du groupe communiste à réclamer le retrait immédiat de ce CPE, imposé à l’assemblée par le 49-3, sans la moindre concertation préalable avec les organisations représentatives du monde du travail.
Ces méthodes sont d’un autre âge, nous ne pouvons les laisser sous silence.
Si j’évoque ces sujets qui peuvent paraître éloignées du budget départemental, c’est parce que cette déchirure de notre société française se retrouve au cœur de notre département ; un département singulier, et qui a lui seul illustre parfaitement les risques et les dérives de notre société.
A savoir un département riche, très riche, qui fait le constat année après année de rentrées d’argent considérables ; ainsi, le conseil général pourra en 2006 se permettre de ne pas augmenter la pression fiscale, malgré une hausse de 5,5 % de ses dépenses de fonctionnement hors dette ! C’est le seul accroissement des recettes fiscales et des bases, ainsi que la nouvelle augmentation des droits de mutation, qui le permettent.
Le « courage » n’est pas difficile à assumer dans ces conditions ; le vrai courage serait d’être plus ambitieux en matière d’action sociale, et pas seulement pour les dépenses obligatoires.
Les Hauts-de-Seine restent donc un département privilégié, « même si vous n’aimez pas cette expression » ; se pose en revanche, comme toujours, la question de l’usage de cette manne financière.
Car à coté de ce paysage idyllique se produit une paupérisation constante d’une partie importante de la population de notre département.
C’est la photographie des Hauts-de-Seine aujourd’hui, une photographie qui fâche, évidemment, mais qui correspond bien à la réalité pour nombre de familles.
Le budget de notre département devrait précisément contribuer à réduire, plus qu’il ne le fait, ces disparités sociales qui s’aggravent.
Nous l’avons déjà dit, je le redis aujourd’hui : le fait que les Hauts-de-Seine dispose de moyens importants n’est pas un problème en soi, pour nous. Ce qui nous soucie davantage, c’est l’utilisation qui est faite de tout cet argent qui, il faut le rappeler, est l’argent de tous les habitants de ce département.
Notre conseil général aurait largement les moyens de faire d’autres choix stratégiques et politiques ?
Au lendemain de la crise majeure qui a secoué nos banlieues, l’occasion était belle de prendre des engagements importants, en matière de cohésion sociale, en matière de logement, de solidarité, pour ne citer que des sujets parmi les plus sensibles.
Vous n’avez pas fait ce choix : c’est très regrettable !
Mes collègues du groupe communiste reviendront un peu plus tard dans les débats, et plus en détail, sur des points plus précis de vos engagements budgétaires. Je n’évoquerai pour ma part que des sujets plus particuliers, autour de quelques thèmes :
Tout d’abord sur le contenu général du budget
Ce budget 2006 est le deuxième budget de la mandature actuelle, et à bien y regarder, il ressemble fort aux budgets que présentait votre prédécesseur : au-delà des déclarations et des affichages, c’est bien la même logique qui prévaut, tendant à faire le strict nécessaire, dans le cadre strict de la Loi, sans chercher à apporter des bonifications pour la population de notre département en particulier auprès des familles les plus en difficulté.
Il y a beaucoup de communication – vous avez d’aill
eurs reconnu, lors de notre dernière séance, M. le Président, que pour vous la communication devait précéder l’action – la meilleure illustration étant en fait cette référence à ces Etats Généraux dont 3 habitants sur 4 de notre département ne se souviennent même pas !
En grattant un peu, on constate que beaucoup des engagements pris n’ont pas été tenus.
C’est le cas en particulier du Pôle Léonard de Vinci : souvenez-vous, on devait remettre les choses à plat, rediscuter de ce projet gigantesque et s’interroger sur sa destination : finalement aucun changement, le pôle joue toujours un rôle comparable, et reçoit toujours autant de subventions publiques – plus à lui seul que la totalité des collèges publics des Hauts-de-Seine 15 M€, contre 17 M€ au pôle (17 M qui sont plutôt autour de 25… !)
Situation comparable pour la SEM Coopération : là aussi, les choses devaient changer, par exemple le programme annuel de coopération devait nous être présenté chaque année. Certes, le budget a légèrement baissé mais nous n’y voyons pas plus clair, ni dans les projets, ni dans leur cohérence.
En revanche, cette année, nous constatons le retour de la politique des investissements pharaoniques, avec la création du réseau Très Haut Débit, qui va coûter la bagatelle de 70 M€ ; Est-ce de la responsabilité d’un département de s’engager dans de tels investissements, alors qu’en Région Parisienne existe un syndicat intercommunal compétent qui a déjà mis en place des réseaux ?
Et puisque nous évoquons la question du service public, un mot pour parler de sa dégradation, au profit d’un secteur privé qui est, lui, en plein essor. On peut citer les crèches privées (+ 12 dans le département), l’expérimentation de Manpower pour la réinsertion des RMIstes, Nous constatons aussi et cela est nouveau, une dégradation des relations sociales avec le personnel du département.
J’aurai l’occasion de reparler du personnel. Toutefois, je voudrais profiter de cette entrée pour reparler brièvement des menaces que font planer sur les finances des collectivités locales la mise en œuvre de la décentralisation.
Pour les départements, c’est un nombre conséquent de salariés qui va être transféré dans le cadre de l’application de la loi : les agents TOS dans les collèges, la compétence handicap, les voiries nationales.
Quels sont les coûts de ces transferts ? Aucune indication dans ce budget.
Nous avons déjà eu l’occasion de le dire lors de notre séance d’orientations budgétaires, nous voudrions marteler notre désaccord sur cette « réforme » qui va générer beaucoup de difficultés dans nombre de départements français.
Beaucoup d’entre eux dénoncent ces transferts de charges sans garantie de transfert de moyens financiers équivalents
Evidemment dans cette enceinte par solidarité avec votre gouvernement, aucune voix de votre majorité ne s’élève contre cette loi.
Fidèle à ses valeurs, la droite et son gouvernement poursuivent leur œuvre de réduction du budget de l’Etat, au détriment des collectivités territoriales ; celles-ci réclament une vraie réforme de la fiscalité locale, prenant davantage en compte les richesses des entreprises et leurs plus-values, et non l’instauration d’un bouclier fiscal ou l’instauration d’un plafond de la taxe professionnelle… C’était le sens du vœu que j’avais proposé (en vain) il y a un mois.
C’est encore des cadeaux aux entreprises sans aucun contrôle.
Je vais revenir maintenant sur quelques points que j’avais évoqués lors des orientations budgétaires :
Ainsi en matière de logement. Jacques Bourgoin reviendra sur le sujet, la politique conduite dans ce département ne répond pas aux attentes des habitants des Hauts-de-Seine.
Faire enfin du « logement pour tous » une priorité du 92, cela devrait être une obsession du département
La crise du logement touche de plein fouet notre département comme toute la Région Parisienne. Cela concerne le logement social en premier lieu. Tous les habitants des Hauts-de-Seine ne sont pas égaux face à ce problème selon qu’ils habitent dans une ville ou une autre.
De plus le niveau exorbitant des charges foncières et la progression de la spéculation immobilière rejettent les jeunes ménages loin de notre département.
D’autres domaines méritent également d’être évoqués, comme l’enseignement par exemple, pour rappeler que nous réclamons la création systématique d’un collège pour 600 enfants partout dans le département, voire 500 dans les secteurs en Zone d’Education Prioritaire. Il n’est toujours pas prévu de 4ème collège à Gennevilliers.
Au même titre que l’enseignement, l’action sociale aurait dû offrir l’occasion d’une action plus spécifique, et plus volontaire, dans un département plus solidaire.
Des postes sont encore manquants, dans les circonscriptions, les besoins dans le domaine de la Petite-Enfance restent énormes dans les Hauts-de-Seine, Nadine Garcia et Michèle Fritsch développeront.
Pas de lisibilité ni d’ambition pour une vraie politique culturelle. Même chose pour la jeunesse et les sports qui voient leur budget se réduire.
C’est du coup par coup.
En guise de conclusion, je voudrais faire u
ne allusion au débat que nous avons eu ce matin au sujet de l’aménagement de notre région, à travers le projet de révision du SDRIF.
L’aménagement de notre territoire régional est un véritable enjeu politique économique et social. Ce que nous voulons, c’est un département qui soit vivable, et accessible au plus grand nombre dans les années qui viennent. Il faut d’abord que les habitants actuels puissent y rester.
Cela demande de mettre en œuvre une politique faisant la part belle aux notions de partage et de solidarité, de justice sociale, de pertinence économique. C’est un autre volet du développement durable.
Il faut mettre en avant les droits des habitants des Hauts-de-Seine, le droit de loger dans ce département, d’y travailler, d’y étudier, avec une réelle égalité des chances pour l’ensemble de sa population – et pas celle qui se traduit aujourd’hui par le Contrat Première Embauche, vous l’avez compris.
Notre département doit rester accessible au plus grand nombre, il doit lutter contre les dangers de la ségrégation qui le guettent ; cela devrait se traduire dans le budget, or ce n’est pas le cas.
Le fondement de la Politique du Conseil Général des Hauts-de-Seine n’est pas la solidarité, mais la compétitivité et l’attractivité qui ne profitent qu’à quelques uns.
Dans ces conditions, nous voterons contre ce budget.